Robert Pelletier

Robert Pelletier

Lycéen résistant au  réseau de renseignement Alliance.

Vidéo

Durée : 7:41

Mon père, journaliste, spécialiste de l’Allemagne et en même temps membre du 2èmeBureau de l’état-major de l’armée, c’est-à-dire du Service de Renseignement de l’armée, on appelait ça l’espionnage, a joué un rôle important dans la conduite de cette guerre.

Dès la signature de l’Armistice, le 2èmeBureau a cherché à reconstituer un réseau de renseignement. C’était des professionnels, ce n’était pas des amateurs. Et le malheur a voulu que, en cherchant à reconstituer son réseau, mon père est tombé sur un ancien sous-officier de l’armée française, médaillé militaire, ancien combattant de la guerre de 14-18, un certain Dupré qui s’est vendu à l’Allemagne, qui s’est vendu à l’Abwehr et a dénoncé mon père. Arrêté le 11 novembre 1940, mon père a été fusillé le 9 août 1941, c’est-à-dire environ 15 jours avant son compagnon en prison à Fresnes et au Cherche-Midi, c’est-à-dire d’Estienne d’Orves.

Des premières actions de Résistance à l’aide aux prisonniers

Mon activité et qui vous fera sourire a été au départ de déchirer les affiches de propagande de l’armée allemande et puis je m’amusais aussi un petit peu à mettre du sucre dans l’essence des voitures allemandes. Une autre de mes activités a été l’aide aux prisonniers.

Je ne vous cache pas que c’est avec un souvenir un peu attristé que je me souviens de l’accueil de certains de ces prisonniers qui me traitaient de « petit con ». Quoi qu’il en soit, un certain nombre tout de même ont suivi mon conseil. Les difficultés, c’est qu’un grand nombre d’entre eux étaient des Noirs et il était difficile de dissimuler en paysan du Nivernais des soldats…, enfin, on faisait ce qu’on pouvait et un certain nombre d’entre eux ont dû je crois se souvenir de cette action.

A Lyon

Nous avons très vite, à Lyon, pris contact avec un réseau de résistance, puis nous avons repris la distribution de tracts. C’était à l’époque la forme de résistance. On ne faisait pas encore sauter les trains.

Je passe sur l’extrême misère que nous avons connue, sans ressources, mon père étant en prison, et réfugiés à Lyon, nous dépendions du Secours national. Et puis finalement, j’ai été arrêté le 19 mai 1941 dans une des rues de Lyon, par, je vous le signale tout de suite, un commandant de l’armée française, le commandant Robert.

Quand il a appris que mon père était un officier français, à l’époque détenu par les Allemands, il a essayé de rattraper le coup, d’aller au commissariat pour dire que bon il s’était trompé, etc., c’était trop tard. Il est bien évident que nous étions dans l’engrenage et nous avons tous été arrêtés, ma mère, mon frère. On était à la prison Montluc, moi-même, j’ai été à un moment à la prison Saint-Jean de Lyon et puis après, dans le refuge des mineurs délinquants, c’est-à-dire en maison de correction.

C’est une période dont je me souviens avec une certaine fierté finalement, vous comprenez, étant accusé par le juge d’instruction d’atteinte à la sûreté de l’État, alors que j’avais 12 ans, avouez qu’il y avait quelques raisons de se gonfler la poitrine et d’être fier de soi.

L’engagement dans le réseau Alliance

En sortant de prison, nous nous sommes enrôlés dans le réseau Alliance. J’étais spécialiste dans la surveillance de dépôts d’armes. Le malheur a voulu que le réseau Alliance tombe entre les mains d’un traître, d’un agent rallié à l’Abwehr qui a fait un mal considérable au réseau Alliance. Il a entraîné à la fois l’arrestation dans un maquis près de Clermont-Ferrand, de mon frère avec d’autres membres qui ont fini en déportation. Mon frère finalement a été tué d’une balle dans la nuque, sur les bords du Rhin près de Strasbourg en 1944.

En guise de conclusion, mémoires et regrets

Je voudrais simplement en terminant vous dire combien, au cours de cette période, la France a été finalement divisée. Divisée avec une toute petite proportion de résistants ou de partisans de la France combattante, une grosse majorité en faveur du maréchal Pétain et que ceci a entraîné, à ce que pour ma part j’assimile à une période de guerre civile, avec ses effets déplorables, lamentables d’une multitude de dénonciations.

Nous avons nous-mêmes dans ma famille eut entre 8 et 10 dénonciations. C’est une partie de cette France occupée qui est, faut l’avoir présent à l’esprit, en assumer disons le souvenir, même s’il est pénible, mais c’est malheureusement la vérité. Ma conclusion, moi je reprendrai ce que les Résistants avant d’être fusillés proclamaient « Vive la France ».