Engilbert de Franssu

Engilbert de Franssu

Jeune exploitant agricole, résistant de Picardie

Vidéo

Durée : 7:03

L’action

Le 2 mai 1940, alors que mon père, ancien combattant de la guerre 14-18, officier de réserve, père de famille de 7 enfants, engagé volontaire en 39 est blessé à la défense d’Amiens, et emmené prisonnier en Allemagne.

Toute ma famille fut contrainte d’évacuer la Picardie. Nous nous sommes trouvés seuls, mon jeune frère Christian âgé de 15 ans et moi-même 18 ans, dans la propriété familiale. Du fait de cette circonstance particulière, je me suis trouvé tout d’un coup responsable de l’exploitation familiale agricole dans notre petit village, entre Amiens et Abbeville, région où la guerre sévit.

En effet, durant une dizaine de jours, la bataille fit rage dans la vallée de la Somme. Cette bourgade de Franssu, non loin de la côte de la Manche, occupée en permanence par les troupes allemandes se succédant sur place, devint en même temps un repaire de résistants français, anglais et écossais, ceux-ci étant tenus de se cacher de l’occupant afin d’échapper aux redoutables représailles de la captivité.

Or il existait à l’époque, sur la commune voisine de Domart-en-Ponthieu, un gigantesque camp de transit de soldats anglais, français, prisonniers des Allemands. Il fallait impérativement s’organiser pour les soutenir.

C’est pourquoi nous avions convenu de venir chaque soir avec un maximum d’amis et de voisins leur apporter vivres et vêtements civils dès que les sentinelles avaient le dos tourné, afin que de nombreux prisonniers puissent s’évader. Ceux-ci par la suite cherchaient à se cacher un peu partout dans les maisons accueillantes du village, les granges, les greniers et les meules de paille etc. Ce qui leur permettait pendant la journée de s’occuper des travaux des champs, rendant ainsi de grands services à ceux qui les hébergeaient car les fermiers mobilisés étaient partis à la guerre et la main d’œuvre faisait défaut.

A l’exception des Britanniques, tous parlaient notre langue et de ce fait, rendus en civil, pouvaient aisément se faire passer pour des réfugiés aux yeux des Allemands. Combien de Français avons-nous hébergés ? Je ne le sais pas au juste, une soixantaine probablement. Par prudence nous ne notions jamais leur identité bien sûr. Ces pourchassés nous quittèrent discrètement les uns après les autres après la moisson. Quant aux Anglais, ils étaient des sans-papiers. C’est ainsi que me fut donné l’occasion d’héberger tout à tour dans les communs de la propriété, de cacher à la barbe des Allemands, de nourrir et de pourvoir en vêtements civils, ceux des soldats ou aviateurs anglais évadés qui m’étaient acheminés clandestinement.

Avec une certaine inconscience de la situation périlleuse, je pris le risque de me faire attribuer à chaque changement de Kommandantur au village de Fransu ou dans les communes avoisinantes, soit tous les 3 ou 4 jours, un nouvel Ausweis. Ces Ausweis successifs, au nom d’Engilbert de Franssu, étaient l’un après l’autre remis à chacun des soldats britanniques à titre de sécurité. Chacun des partants quittait ainsi l’abri en possession dudit Ausweis, pour éviter les soupçons, muni d’un instrument aratoire, tel une fourche sur l’épaule ou une brouette de fumier entre les mains.

Suivant un accord convenu, ils devaient déposer l’instrument en question au pied d’une meule de paille précisée à l’extérieur du village. De la sorte, prirent tour à tour pension dans cette cache de notre ferme des aviateurs récupérés après les violents combats aériens. Ils étaient ravitaillés chaque nuit, après le passage de la patrouille allemande, par mon jeune frère ou moi-même qui étions les seuls à connaître cet endroit.

Inutile de décrire le stress et la peur au ventre qui habitaient en permanence ces clandestins dissimulés ainsi dans les soupentes de ce grenier. Combien de Britanniques furent-ils en tout, à se succéder dans cet abri ?  Une trentaine environ, ce qui permit ainsi à autant d’hommes d’échapper à la capture.

Les habitants du village finissaient par être au courant de nos manœuvres clandestines qui se prolongeaient depuis de nombreuses semaines. Ils étaient très inquiets pour nous. Des perquisitions avaient lieu mais avec la malice et la ruse, on pouvait défier la méfiance pourtant pointilleuse de l’occupant allemand. Cependant au fil des jours, la situation se confirmait dangereuse.

L’engagement dans les Forces Françaises Libres

Je pris le parti en juin 1941 d’utiliser à mon profit, ce qui fut de cette façon le dernier Ausweis et de gagner la zone libre. Recherché en effet par les Allemands et ayant restitué l’exploitation agricole à mon père revenu de captivité, à titre d’ancien combattant de 14-18, je décide de rejoindre la Tunisie.

Voulant en découdre, je m’engage dans l’armée d’Afrique, recevant le baptême du feu dès la reprise des combats contre les forces de l’Axe, le 19 Novembre 1942, dans l’enfer de Medjez el-Bab en Tunisie. Affecté à la 1èreDivision blindée de l’armée de Lattre de Tassigny, nous avons participé au Débarquement en août 1944, repoussant l’ennemi de la Provence au Rhin, du Rhin au Danube et du Danube à l’Autriche