Claude Ducreux

Claude Ducreux

Les Francs-Maçons dans la Résistance

Vidéo

Durée : 5:33

Francs-maçons et Résistants

Le Franc-maçon puise sa force d’âme dans une éthique commune à toutes les croyances fondées sur des messages forts venus d’initiés à travers les âges. L’initié a en lui une foi qui est une totalité intérieure d’exaltation dans le sens des valeurs de la vie qui fait dire au populaire qu’elle peut renverser des montagnes. Alors face à l’ignominie, face à la nécessité de se battre, face à la nécessité de résister, cette spiritualité est une aide.

On se souvient par exemple du soufi Rûmi qui disait « viens qui que tu sois, croyant ou incroyant, c’est ici la demeure de l’Espoir » et croyez-moi, en 41, 42 ou 43, il fallait avoir beaucoup d’espoir. Le franc-maçon est de ceux, et c’est très important, croyez-moi, quand on se trouve à Fresnes et qu’on est en train de vous envoyer sur les mains, la machine qui les détruit et qui coupe les doigts, qui abordent facilement l’idée de la mort. Il peut en faire comme certains autres une grâce, un paradis d’Allah, un nirvana, un Orient éternel ou un néant total. Mais il essaie d’être familiarisé avec la mort.

Ce côtoiement donne une force d’âme devant l’inéluctable et par les dangers, la souffrance, le coup meurtrier qui est annoncé, redouté et auquel on essaie de se préparer dans l’ombre en se disant « c’est pour tout à l’heure, ou c’est pour demain ». Il y en a ici qui le savent bien.

La Résistance de l’esprit ainsi construite et vécue permet d’aller toujours plus loin si le combat l’exige, c’est-à-dire au-delà même de ce coin secret, bien libre, qui est au fond de chaque être, là où tout s’arrête et où il n’y a plus que la poésie pour franchir l’inconnu, voire l’indicible. Il y a Picabia qui a très bien dit ça dans un poème qui s’appelle Mon coin.  Souvent d’ailleurs on arrive à cette poésie ou on arrive à l’art par la résistance de l’esprit. La Résistance, au-delà des grands poètes, Desnos, Soupault, Éluard, Pierre Emmanuel, Aragon, a recueilli des poèmes nés dans les camps, les prisons, les maquis ou tout simplement dans l’attente de la mort.

Ricœur définissait assez bien ce volontarisme de l’esprit en disant « quand l’esprit désigne de la main la fin à attendre, il ne faut regarder que la main », le philosophe protestant montrait ainsi que l’autre rive était peut-être dans le caché. Mais cet Esprit est devenu action.

Pierre-Bloch, animé par cet esprit que j’ai essayé de vous résumer, dirige le premier parachutage. Louise Weiss, il y avait des femmes, ne l’oublions pas, organise le renseignement. Blanche Féron de la Loge féminine numéro 1 qui doit s’appeler LeLibre Examen, chaque nuit, scie des millimètres de barreau dans son Kommando tchécoslovaque. Léon Boutebien résiste à la torture et au froid de Natzweiler en écrivant les vers du Gourou. Pierre Brossolette, pour ne pas parler, saute deux fois des fenêtres de la Gestapo. Meunier réunit le premier séminaire de Jean Moulin avec Chambeiron. A Marseille, c’est à Malacrida  la Loge l’étoile de la Crauqui unifie un groupe de combat. A Paris, c’est Kirchmeyer, Eychene, Marc Rucart du Droit Humain, futur ministre, qui créent le mouvement de Résistance qui suit, qui est une véritable loge maçonnique engagée dans la voie de la Résistance et qui s’appela Patrima Recuperare. Et à Lyon, ça sera le Coq Enchaînédont un des membres était Monsieur Pradel, futur maire de Lyon et auquel se référença le général de Gaulle qui leur envoya un message d’encouragement. « Le corps sera détruit mais pas la pensée. Chaque homme dans sa nuit s’en va vers la lumière » disait déjà Hugo.

C’était cela je crois la Résistance de l’Esprit. Et dans les temples maçonniques, sous l’invocation « gémissons, gémissons mais espérons, »à ses portes, on voit de longues colonnes de noms unis dans le silence mais vivant dans les mémoires. On voit là que l’espérance a été transmise. Merci.