Résister par la poésie : C’est à l’occasion de notre traditionnelle cérémonie au Luxembourg – cette année le mardi 15 Juin – que le Président Sénat Gérard Larcher nous a fait l’honneur de signer cette article paru dans le dernier numéro de la Lettre de la Fondation de la Résistance

Résister par la poésie

La Résistance est à l’origine d’une véritable exaltation poétique.

Parmi les messages diffusés en français sur la BBC, les trois premiers vers du poème Chanson d’automnede Verlaine :« Les sanglots longs/Des violons/De l’automne »  resteront à jamais le signal de la Libération de notre pays.

La Résistance fut d’abord une réponse par les mots à l’asservissement. La poésie se prêtait mieux que de longs essais à l’explicitation du bouleversement qui se produisait alors.

Écrire ou lire de la poésie engagée était devenu un acte de résistance.

La poésiejouait avec la censurequi obligeait à parler à mots couverts de la situation politique. Certains poètes durent passer à la clandestinité.

C’est le cas de René Char. Même s’il continue d’écrire, il ne publie rien de 1940 à 1944, les poèmes auxquels il travaille resteront inédits, aussi longtemps que le pays sera occupé.

Il dit combien la Résistance représente l’espoir : « Résistance n’est qu’espérance. Telle la lune d’Hypnos, pleine cette nuit de tous ses quartiers, demain vision sur le passage des poèmes ».Mais la Résistance c’est aussi le sacrifice : « J’aime ces êtres tellement épris de ce que leur cœur imagine la liberté qu’ils s’immolent pour éviter au peu de liberté de mourir. »

Robert Desnos, quant à lui, est un poète qui a écrit pendant les années d’occupation pour communiquer sa haine contre l’occupant et les collaborateurs et exalter la liberté. Il publie alors en contrebande sous son propre nom ou clandestinement sous des pseudonymes.   L’Épitaphe écrit, fin 1943 quelques mois avant son arrestation et sa mort : « J’ai vécu dans ces temps et depuis mille années/Je suis mort. Je vivais, non déchu mais traqué/ Toute noblesse humaine étant emprisonnée / J’étais libre parmi les esclaves masqués/ J’ai vécu dans ces temps et pourtant j’étais libre… »

Parmi les « poètes clandestins », il y a évidemment Paul Éluard, comment ne pas citer le grand succès populaire de cette « poésie de la Résistance » : « Liberté ».Il s’agit là sans doute d’un des plus célèbres poèmes de la Résistance. Il sera parachuté en France avec les armes à destination des maquisards.

La poésie, c’est avant tout l’émotion.  Les lettres des cinq élèves martyrs du lycée Buffon à leurs parents prirent la forme du poème tant leur authenticité était poignante.

C’est aussi cas de la dernière lettre de Jacques Decours : « je me considère comme une feuille qui tombe de l’arbre pour faire du terreau. La qualité du terreau dépendra de celle des feuilles. Je veux parler de la jeunesse en qui je mets tout mon espoir… »

C’est la poésie de la dernière parole.

Que dire de la dernière lettre de Gabriel Péri qui inspira un magnifique poème d’Aragon : La ballade de celui qui chanta dans les supplices. Ce poème résume à lui seul ce que fut la poésie dans la Résistance : un ensemble de chefs-d’œuvre que l’on retient vite et qui peuvent se  répéter de bouche à oreille.

Ces poèmes furent autant d’appels et de cris : « Résistance ».

Cette mémoire de la Résistance que le Sénat honore chaque année au travers de l’hommage aux étudiants résistants et la remise du prix littéraire de la Résistance.

 

Gérard Larcher

Président du Sénat