CORDIER SYLVIE

Auteur de la fiche : Anise Poslel-Vinay

SYLVIE CORDIER

Le 1er novembre 1942, Sylvie (née Marie Girard en 1923) vient d’avoir 19 ans et trouve enfin le moyen de « travailler » contre les Allemands, avec le groupe naissant des jeunes de l’OCM (Organisation civile et militaire). Une camarade de l’OCMJ, Marie Chamming’s, auteur du livre J’ai choisi la tempête (éd. France Empire, 1984), fait sa connaissance : « Une très grande jeune fille brune aux yeux clairs, avec des sourcils durs, mais une bouche très tendre, et surtout, un port de reine…: elle ne ferait qu’un travail mûri, pesé, nécessaire. » Sylvie Cordier accomplit en effet un travail de secrétariat important, jusqu’à remplacer un des dirigeants arrêté. En outre elle mit sur pied, avec Marie Chamming’s, Marie-Hélène Lefaucheux et d’autres un service social pour l’aide aux familles des camarades arrêtés. Il existait alors un « Comité d’Aide aux Déportés », le C.A.D.

Le 31 juillet 1944, après deux ans de la vie harassante des résistants à temps complet, Sylvie est arrêtée à son tour. Secrétaire nationale adjointe de l’OCMJ à cette époque, elle connaissait tout de l’organisation, tous ses dirigeant et elle fut abominablement torturée : baignoire, nerf de boeuf, coma après avoir été écartelée, jambe et bras attachés aux pieds d’un bureau. Réveil dans un hôpital où on lui a remis la hanche et le bras déboîtés. Elle n’avait pas parlé.

Quelques jours après, tenant à peine debout elle est déportée à Ravensbrück par le train du 15 août 1944. Elle est donc une 57000 qui sera envoyée à Torgau le 2 septembre, renvoyée à Ravensbrück pour refus collectif de travail, et jointe au transport de représailles de Kônigsberg le 15 octobre. Elle y contracte le typhus et est renvoyée à Ravensbrück avec un groupe de malades le 20 novembre. En février 1945. elle souffre de dysenterie, d’avitaminose d’un oedème généralisé et d’une pleurésie. Le 2 mars, elle subit une des premières « sélections » -générales où elle tente, en vain hélas de sauver Madame Emilie Tillion. Elle-même malgré son extrême pâleur et sa démarche encore claudicante, échappe à la désignation mortelle. Le 25 avril, Sylvie Cordier est libérée par la Croix Rouge Suédoise. Malade, elle sera admirablement soignée en Suède jusqu’au 10 juillet, date de son retour en France. Mais le 22 août elle a une rechute de pleurésie et en novembre, elle est envoyée au sanatorium de Sancellemoz.

Sylvie finit par se remettre, elle se marie et a la grande joie d’avoir des enfants et des petits-enfants qu’elle adore. Hantée par son douloureux passé, elle n’en parlera jamais. Elle regarde avec effroi le monde qui continue de se déchirer et elle est présente à tous les drames de l’après-guerre : guerre d’Algérie, pénurie en Pologne, famine en Afrique. En dépit de ses problèmes de santé qui ne cesseront jamais, elle apportera son aide immédiate et efficace aux victimes de ces drames que le hasard lui enverra. Sylvie aide aussi discrètement des camarades de déportation en difficulté : mobilier, vêtements, alimentation, pharmacie, bonnes adresses, les dépannages sont faits en un rien de temps et toujours avec ce grand rire qui met les gens à l’aise.

Sylvie aimait ses semblables comme elle aimait son pays. Un petit billet à ses parents jeté du train du 15 août disait ceci : « Parents bien-aimés… Je n’ai qu’un seul amour, celui de ma France et celui de ceux qui ont fait de moi une bonne Française. Merci, merci, je vous adore. »

Sylvie Cordier était Chevalier de la Légion d’Honneur, médaillée de la Résistance et Croix de Guerre 39-45.