Cahn Raymond

Auteur de la fiche : In Les années de guerre et de Résistance, récits vécus en Thenonnais, Pays d'Ans et alentours (Dordogne) - Martial FAUCON édité à compte d’auteur à 33520 Bruges, France -

Raymond Cahn

Raymond Cahn, né le 27 juillet 1937 à Wasselonne dans le Bas-Rhin est également un de ceux, alors âgé de sept ans seulement, qui ont vécu le calvaire de Saint-Orse quand les nazis au printemps 44 ratissent la région à la recherche de Juifs. :

« Après plus de quatre mois d’errance et être passés par le camp de Chaudane à Castellane, nous arrivâmes à Saint-Orse (Dordogne) vers Noël 40. Notre père, Fernand Cahn, prisonnier de guerre depuis le vingt juin de cette même année, a été libéré en tant que « Alsacien-Lorrain » le 15 septembre 41. Ce n’est que grâce à la Croix-Rouge qu’il nous a retrouvé en Dordogne. A Saint-Orse notre premier logis de  » réfugiés-expulsés  » était au Moulin, ensuite à La Tannerie puis à Rosas chez M. Laguionie. Nos grands parents, Camille Lehmann et Fanny, née Strauss, ainsi que deux de leurs filles, Albertine et Simone, sont restées à La Tannerie et ces dernières se sont mariées à Saint-Orse en 1942. Malgré le déracinement, la vie s’organisa le moins mal possible. Les adultes travaillaient et les enfants étaient insouciants… C’est le 1er avril 1944 que tout changea ! Une compagnie de la division du général allemand Brehmer encercla Saint-Orse. Les réfugiés juifs arrêtés par les barbares furent exécutés, les femmes et les enfants déportés avec le convoi n° 71 du 13 avril 44 Au soir de cette journée de terreur, notre groupe de fugitifs était dans une situation très précaire dans la forêt de Rosas. Je me souviens bien que, ce jour-là, il n’y avait ni à manger ni à boire. Pourtant j’avais terriblement soif…Ma mère m’a dit de « saliver » et de « dormir ». Cruelle consolation pour un enfant de sept ans ! Les rescapés de notre famille étaient alors les suivants : Armand Bloch ; son épouse Simone qui était enceinte et leur fille Henriette âgée de onze mois ; André Lehmann ; Lucien Grumbach ; Marcel Loeb; notre père Fernand Cahn ; notre mère Blanche Cahn, née Lehmann ; mon frère Maurice et moi-même Raymond. Je me souviens qu’un peu plus tard il y a eu de nombreux orages et qu’il pleuvait beaucoup. Nous devions nous frictionner pour nous sécher car nous n’avions pas de linge de rechange et nos vêtements collaient à la peau. Une nuit, pourtant, sous la conduite d’oncle Armand et toujours dans la forêt de Rosas, nous allâmes, trempés, dans une « borie » rectangulaire dans laquelle il y avait une cheminée. Les adultes firent un bon feu qui nous permit de nous sécher et de nous réchauffer. J’ai eu une sensation de bien-être et je me suis endormi au coin du feu. Plus tard nous avons quitté ce lieu et notre nomadisation forcée a duré presque trois mois ! J’ai également le souvenir que les adultes allaient de nuit chercher des aliments à Rosas et à La Rolphie, peut-être en d’autres endroits que j’ignore. Il est certain que la population locale, connue ou inconnue de moi, participa à notre sauvetage en nous donnant des œufs, que nous gobions crus, du pain, de la viande confite. Les bouteilles de lait frais encore chaud nous arrivaient toujours par deux. Quel bonheur pour mon frère Maurice et moi-même ! Oui, je pense toujours à cet élan de solidarité humaine dont nous avons bénéficié. Malgré l’ennemi, allemand, milicien ou mouchard, notre cousine Henriette Bloch, 11 mois, fut extraite de la forêt et avec des complicités efficaces, déclarée en mairie « enfant trouvé » avec un nouveau nom : Marguerite Levignaud. La maman d’Henriette fut sortie de la forêt avec les mêmes complicités, afin qu’elle puisse accoucher de sa seconde fille, Michèle, et cela eut lieu le 27 mai à Clairvivre. En septembre 1995 j’ai revu avec une grande émotion la construction rectangulaire où nous nous sommes séchés pendant notre fuite et lutte pour garder la vie. Monsieur Gay, de Rosas a eu la gentillesse de m’y conduire et je l’en remercie vivement. Plus de 50 ans déjà, depuis ces faits dont nos familles ne sont pas sorties indemnes, mais aucun des rescapés du 1er avril 44 n’a jamais oublié Saint-Orse, ce village de Dordogne, et la grandeur de beaucoup d’habitants du bourg et de ses hameaux, pendant les heures sombres de 1944. Reconnaissance éternelle à tous ceux qui nous ont aidés »