PIRONNEAU Roger

Auteur de la fiche : Transcription : Marc Fineltin

PIRONNEAU Roger

Né le 9 novembre 1920 à Paris, il était le fils du Dr PIRONNEAU  médecin pour enfants dans le 8° arrondissement et était le troisième enfant d’une famille de six enfants, très rapprochés et très unis.

En juin 1940 ; étudiant à l’institut catholique de Paris, la demande d’armistice du Maréchal Pétain est pour lui, très patriote, une épreuve inacceptable. Dans le plus grand secret, il trouve en décembre 1940, par un ami belge, le moyen d’enter en résistance dans ce qui sera le réseau Saint Jacques, le 1er en date des réseaux de renseignements de la France Libre. Tout en continuant en apparence ses études à l’institut catholique. Nous avons appris qu’il était agent de liaison et portait chaque semaine des documents qui étaient envoyés par poste émetteur de Saumur à Londres. L’été 1941, il a donné un prétexte à nos parents pour ne pas venir en vacances dans notre propriété familiale du Maine & Loire. C’est là que le 15 août 1941 à 16 heures se sont présentés 2 agents de la Gestapo venus l’arrêter, comme il n’était pas là ils ont emmené à sa place son frère aîné – 21 ans – venu passer le week-end (ils l’ont gardé à la Santé pendant 4 mois). Aucun de nous ne connaissait les activités de Roger.

Apprenant qu’il était recherché et surtout que son frère avait été arrêté, il n’a pas voulu se sauver et a été arrêté à Paris le 17 août 1941. Emprisonné à Fresnes, il a subi 5 mois le secret. Je lui portais chaque semaine à la prison de Fresnes, parmi beaucoup d’autres du linge propre et 1 kilo de nourriture.

Nous ne l’avons jamais vu, jusqu’à son procès au tribunal militaire allemand, 13, rue Boissy-d’Anglas Paris 8°, avec d’autres membres du réseau Saint Jacques. Il a été condamné à mort avec son chef Charles DEGAY et Simone DAMBIE. Tout le reste du réseau devait être jugé en Allemagne.

Mes parents avaient été prévenus 3 jours avant le procès, mes parents, 2 frères et moi (j’avais 19 ans) avons passé la journée au pied de l’immeuble. A 18 heures son avocat allemand, désigné d’office, est descendu nous chercher et c’est Roger lui-même, d’une pâleur extrême, qui nous a appris sa condamnation à mort. Nous avons eu tous un droit de visite à Fresnes et c’est la dernière fois que j’ai passé 20 minutes seule avec lui.

Une semaine après, il partait pour Düsseldorf – Cologne avec les nombreux membres du réseau Saint Jacques qui devaient être jugés en Allemagne. Nous avons su qu’il avait terriblement souffert de la faim dans une cellule à Düsseldorf.

Il a été ramené le 22 juillet avec son chef Charles DEGAY, pour être exécuté. La jeune fille a vu sa condamnation à mort commuée en déportation (d’où elle est revenue mais détruite à vie).

Mes parents l’ont revu mais dans un état physique impressionnant mais avec un moral intact. Nous avons attendu chaque matin son exécution qui a eu lieu le 29 juillet 1942 à midi avec son chef Charles DEGAY au Mont Valérien. Il a été enterré une heure après au cimetière de Ville-d’Avray comme tous les exécutés du Mont Valérien. Nous pouvions y aller. Nous avons tout appris de ses dernières heures par l’abbé Frantz Stock, aumônier militaire allemand, nous avions pu le rencontrer pendant la détention de mon frère à Fresnes où il le visitait chaque semaine. Il fut pour Roger un soutien indéfectible jusqu’au poteau d’exécution où il a montré un courage et une foi admirable. Son corps nous a été rapporté par l’Armée Française en novembre 1945, dans le petit village angevin où il avait passé toutes ses vacances.

L’abbé Stock nous a remis sa dernière lettre et quelques objets personnels.

Cette lettre a été envoyée par centaines à la famille, les amis et l’importante clientèle de mon père. Elle a souvent, depuis été retranscrite lors de multiples manifestations sur la Résistance. Nous tous, ses cinq frères et sœurs sommes encore vivants de 88 à 82 ans, il reste notre lien, notre fierté. Mon oncle, frère de mon père, était journaliste, rédacteur à l’Echo de Paris, puis en 1937 fondateur du journal l’Epoque – sabordé en juin 1940 – Les études de Roger en licence d’Histoire le destinaient au journalisme, très influencé par l’exemple de son oncle.

Ses décorations : Sous-Lieutenant des Forces Françaises de l’Intérieur, Chevalier de la Légion d’Honneur, Croix de Guerre avec palme, Médaille de la Résistance

 Adieux de Roger à ses parents

 Parents adorés

Je vais être fusillé tout à l’heure à midi, il est 9hi/4, c’est un mélange de joie et d’émotion

Pardon pour tout… La douleur que je vous ai causée, celle que je vous cause, celle que je vous causerai. Pardon à tous : pour tout le mal que j’ai fait, pour tout le bien que je n’ai pas fait. Mon testament sera court : je vous conjure de garder votre foi. Surtout aucune haine contre ceux qui me fusillent ; ‘aimez-vous les uns les autres’, a dit Jésus, et la religion à laquelle je suis revenu et dont vous ne devez pas vous écarter est une religion d’amour.

Je vous embrasse tous de toutes les fibres de mon cœur. Je ne cite pas noms, car il y en a trop gravés dans mon cœur. Votre fils, petit-fils et frère qui vous adore.

Roger. »

10 h. 1/4 : Je suis calme, serein. J’ai serré la main de mes gardiens. Grand plaisir. Je vais tout de suite voir l’abbé. Immense joie. Dieu est bon.

Au verso d’une image de la Croix encerclée d’une couronne d’épines et d’une couronne de lauriers et portant la mention : ‘Refuser de pâtir, c’est refuser d’être couronné’. Roger écrit : ‘Conservez cette image qui donne la formule de mes derniers mois.’

Au verso d’une autre image : ‘J’ai le sourire et mon écriture s’affermit… et cependant l’heure approche. N’est-ce pas merveilleux.’ ‘O revenez à Jésus.’ 29-7-42 : Je nage dans la sérénité. – 10 h. 20.  »