Comte Michel

Tarn et Garonne , Midi-Pyrénées

Auteur de la fiche : Robert Badinier

Michel Comte

  MICHEL COMTE : HEROS DE LA RESISTANCE FRANCAISE

    Ce résistant montalbanais, membre actif du réseau « Pimento » dépendant du fameux S.O.E Special Operations Executiveet dont le chef était le major Tony Brooks, avait participé avec lui en 1944 à une opération audacieuse de sabotage visant en gare de Montauban à retarder l’embarquement de la division Das Reich et de ses unités associées.

Avec son épouse Amélie, Michel Comte n’a pas hésité non plus à accueillir en 1942 à son domicile, de façon épisodique, Clara et Florence Malraux, avant que ces deux résistantes puissent être hébergées dans un lieu plus sûr à la villa des Pâquerettes dont Léo Hamon avait évoqué le nom dans son livre de souvenirs « Vivre mes choix ». Christiane Comte, sa fille aînée, témoigne d’une action qu’elle a menée en 1942 lors du parachutage organisé par le S.O.E au Fau : « Dans la nuit du 30 avril au 1ermai a eu lieu le parachutage du Fau, route de Vignarnaud à Montauban. Cela s’est déroulé en haut du coteau, derrière la maison de monsieur Edmond Mercadier. Ce parachutage ne s’étant pas bien passé, le lendemain, avec une cousine, nous sommes allées récupérer à vélo les parachutes chez monsieur Rouère, membre du S.O.E, qui habitait un peu plus bas. Nous n’en menions pas large ! Il m’est difficile de donner plus de précisions car mon père n’en parlait pas et nous n’étions au courant de rien, mais je sais que tous les containers largués n’ont pas été retrouvés.»

L’historique du « Special Operations Executive »

   «  La France n’ayant pu contrecarrer l’avance allemande, envahie sur plus d’un tiers de son territoire, demande le 17 juin 1940 après un changement de gouvernement, l’armistice à la puissance nazie. Il est signé le 22 et appliqué à partir du 25, l’Italie étant entrée en guerre contre les Alliés un mois avant l’accepte à compter de cette dernière date.

La Grande-Bretagne se trouve dès lors abandonnée et « trahie ». La résolution contractuelle passée avec la Pologne de lutter contre Hitler, devient personnelle pour elle et inéluctable. Elle décide de poursuivre seule la guerre. Cette nouvelle situation l’oblige à créer, la tâche à accomplir étant devenue immense sur tous les plans civils et militaires, de nouvelles sources de renseignements et à étoffer celles dont elle disposait partout dans le monde sans pour autant ignorer celles des pays de l’Europe occupés, lesquelles, d’ailleurs, lui fourniront de précieuses informations quand elles se seront partout organisées en réseaux et mouvements de la Résistance pour jeter le désarroi chez l’ennemi. Cela était pour la Grande-Bretagne d’une nécessité absolue à cause de son isolement et de l’efficacité recherchée : actes de sabotage, prises d’armes, formation des résistants, fourniture de matériel, coordination des efforts dans l’action.

Dès le 22 juin 1940, Winston Churchill confie jusqu’en février 1942, au docteur Hugh Dalton, membre du « Labour party », ministre de la guerre économique et responsable du Special Operations Executive », la consigne de « mettre le feu à l’Europe ». Pour ce faire, ce dernier confia à Sir Franck Nelson l’organisation de plusieurs sections concernant la France :

-la section F, dite aussi Buckmaster, du nom de celui qui a été son chef à partir de novembre 1941 : entre mai et septembre 1944, il était l’adjoint  au chef d’Etat-major des Forces Françaises de l’Intérieur à Londres, le général Koenig.

-la section R.F. chargée d’appuyer les F. F. I,

-la section D.F, responsable des routes d’évasion vers la Grande-Bretagne (Espagne et Suisse notamment),

-la section E.U/P, coordonnatrice des communautés polonaises,

-la section A.M.F, créée à Alger après novembre 1942 pour la réalisation des actions dans le Midi de la France et de groupes Jedburgh ayant pour tâche de coordonner le soulèvement armé des résistants selon les plans arrêtés par les Alliés.

Les membres de ces sections étaient de plusieurs nationalités ; ils étaient capables de vivre à la française ou à la manière des pays dans lesquels ils opéraient en pouvant éventuellement se faire passer pour des citoyens du pays. Des Français illustres : Yvon Morandat, Pierre Brossolette, Jean Moulin, André Dewavrin dit Passy, chef du Bureau Central de Renseignements et d’Action étaient des membres actifs de la section R.F du S.O.E.

Les missions du réseau « Pimento » affecté à la section F

 Le Tarn-et-Garonne et plus généralement le Midi-toulousain, les régions de Lyon et de Marseille dépendaient du réseau « Pimento » ( nom de code ) ayant à sa tête le major Tony Brooks ( pseudo Alphonse ). Ce citoyen britannique en apprentissage en France, dans le Jura, en 1939, quittait cette région pour se rendre à Montauban chez Marcel Guerret, parent par alliance, et rejoindre Londres en passant par l’Espagne après un séjour à Miranda. Il arrive à Londres en octobre et s’engage en raison de sa connaissance parfaite de la langue française, dans le S.O.E.

Affecté à la section F du colonel Buckmaster, il y reçoit son indispensable formation d’agent secret et sera responsable des missions dont sera investi le réseau « Pimento ». Il s’agit de recruter, former et équiper ses membres en leur faisant parachuter ds armes et du matériel des groupes indépendants susceptibles de remplir des actions diverses afin d’obtenir des informations plus particulièrement dans les milieux syndicaux et parmi les agents de la S.N.C.F. En mai 1944, ce réseau passait sous le commandement du général Koenig, premier général de carrière à recevoir la responsabilité des Forces Françaises de l’Intérieur.

L’action du réseau « Pimento » dans le Tarn-et-Garonne

Dans la région de Toulouse dès 1942, Tony Brooks passe en Tarn-et-Garonne et descend chez Marcel Guerret où il rencontre Jules Alamelle, Michel Comte, Monsieur Gasc du Fau, Yvon Bonis, Louis Rouère et quelques autres membres de l’ex-parti socialiste S.F.I.O dont Raymond Tournou et son frère, ainsi que Louis Dutilleux et René Figarol, en plusieurs épisodes avant la constitution de noyaux autonomes directement impliqués dans la propagande et l’action.

C’est par l’intermédiaire de Marcel Guerret, que Tony Brooks obtiendra, en plus du gîte et du couvert, un emploi fictif chez Michel Comte, garagiste à Montauban, concessionnaire Berliet, route de Toulouse. A son domicile étaient cachées des armes. Michel Comte permet à Tony Brooks de circuler dans toute la zone libre et d’entrer ainsi en contact avec les membres du mouvement « Libérer et Fédérer », continuateur du réseau Bertaux créé en janvier 1941 par Pierre Bertaux, professeur d’allemand à la faculté des lettres de Toulouse, après de longues discussions politiques avec Gilbert Zacksas.

La mission « Pimento » dispose d’un opérateur radio ayant pour code « Emmanuel » désignant le plan radio « Bratès », parachuté dans la nuit du 5 février d’un halifax du squadron 161 venant de Tempsford et réceptionné par Henri Morandat, le frère d’Yvon. Aux environs de Bourg en Bresse. Ce radio exercera son talent chez Michel Comte, Louis Dutilleux et Louis Rouère avant et pendant sa localisation à Lavaur chez Robert Marty. Roger Caza était son nom. Il était né à Stanicet, province du Québec.

Tony Brooks, son chef, avait été parachuté à Saint-Léonard de Noblat en Haute-Vienne, le 1erjuillet 1942 et récupéré par un fermier du lieu, un nommé Léon Citerne.

En dehors des actions permanentes qu’il a menées ou animées, il a reçu de Londres, après le débarquement en Normandie, l’ordre d’empêcher l’embarquement de la sinistre division « Das Reich » et de ses unités associées, en gare de Montauban. Cette opération consistait à vidanger le plus possible de boîtes d’essieux à roulements coniques Timkler et S.K.F, et à introduire une dose de carborundem dans les boîtes pour immobiliser les wagons. Elle fut réalisée par Tony Brooks et Michel Comte.

La division « Das Reich » fut mise dans l’obligation de rejoindre le front de Normandie par la route après avoir été dans l’impossibilité d’être transportée par train. Harcelée régulièrement sur son itinéraire routier par les maquis et les résistants des régions qu’elle traversait. Passant par Tulle et Oradour-sur-Glane où certains de ces éléments commirent les plus graves forfaits : 99 pendus à Tulle, 642 morts à Oradour-sur-Glane, tout le village dévasté et incendié, elle prit beaucoup de retard et n’arriva que bien après la consolidation de la tête de pont réussie par les Alliés sur les plages normandes. Elle mit 16 jours pour aller de Montauban à Caen.

Le bilan élogieux du S.O.E

     Tous les réseaux ( ou sections) du S.O.E créés de 1940 à 1944 n’ont pas eu le même destin, ni la même vie. « Pimento » lié à « Libérer et Fédérer », aux syndicalistes de la C.G.T et à ceux des syndicats chrétiens, aux cheminots résistants, eurent des actions déterminantes dans les liaisons et coordinations indispensables et sur celles du terrain : fourniture de faux papiers et de titres divers, ravitaillement, parachutages de l’armement, financement des coûts d’impression des tracts et des journaux clandestins, rémunération de ses agents P1 et P2, les sabotages. Sur les 90 réseaux créés, 56 étaient encore actifs lors du Jour J, le 6 juin 1944.

Pour toutes ses actions de France, le S.O.E avait homologué pour les activités dévolues à « Pimento » : 121 terrains de parachutage sur les 136 prévus par Maurice Buckmaster,  dont 79 dans la région de Toulouse ; 102 parachutages effectués dont  74 dans le département de l’Ain et 20 en Midi-Pyrénées, hormis ceux destinés à « Pimento » lui-même, comme celui qui a eu lieu au Fau à Montauban dans la nuit du 30 avril au 1ermai 1942, pas très éloigné du voisinage de Michel Comte. C’est Christiane, son épouse, qui avait ramené avec une amie résistante le matériel parachuté.

Au total, comme l’indique Michael R. D. Foot dans son livre An Account of the work of the British Special Operations Executive, cité dans le Dictionnaire historique de la Résistance, « ce sont environ 1750 hommes et 50 femmes qui auront été envoyés en France par le S.O.E, dont un tiers par la section A.M.F. Les résultats obtenus sont d’une ampleur sans proportion avec ces effectifs : plus de 250.000 hommes approvisionnés en armes, une réduction significative de la production de matériel de guerre par des sabotages judicieux, une participation à la sérieuse désorganisation du trafic ferroviaire. Le général Eisenhower évaluera leur aide à  celle de cinq ou six divisions ».

      Nous remercions tout particulièrement Louis Olivet et André Aribaud, les deux auteurs de l’ouvrage « Afin que mémoire demeure », édité par le Comité Départemental du Prix de la Résistance et de la Déportation de Tarn-et-Garonne, dont les informations sur le S.O.E sont extraites dans cet article.

 

Robert Badinier, délégué régional Midi-Pyrénées de Mémoire et Espoirs de la Résistance, correspondant pour le Tarn-et-Garonne des Amitiés Internationales André Malraux