Schumann Maurice

Auteur de la fiche : Jacques Legendre

Maurice Schumann : Résumé de la conférence de Jacques Legendre le 24 septembre 2021 à Montauban : « De l’épopée à la politique ».

 À Paris, 10 Place Victor Hugo où il est né, se trouve une plaque commémorative de sa naissance. Le 10 avril 1911 naît ce garçon, le même jour que décède son grand-père maternel, Maurice Michel, dont la fille Thérèse, sa mère, veut que son nouveau-né porte le prénom. Celui de Jacques étant déclaré, il sera donc Schumann Jacques dit Maurice, venu au monde dans un milieu juif libéral très aisé.

Après une enfance dans Paris en guerre, il assiste, ému, avec un esprit patriotique entretenu par sa famille et son institutrice, au défilé du 14 juillet 1919.

Études au Lycée Janson de Saillyoù il cultive son admiration (entre autres) pour Victor Hugo et développe sa sensibilité sociale. À 17 ans, il adhère à la LAURS (Ligue d’Action Universitaire Républicaine et Socialiste) que préside un certain Pierre Mendès France et s’inscrit à la 16èmesection de la SFIO, ce qui lui permet de rencontrer Léon Blum. Avec un sens moral exigeant, farouchement opposé à l’anticléricalisme (qui régnait aussi à la SFIO), admirateur de Bergson (sous l’influence duquel il approfondira sa foi catholique), il obtient en 1928 le prix de philosophie au Concours Général, suit, de 1928 à 1930, les cours d’Alain à Henri IV … tout en guérissant miraculeusement d’une très grave hémoptysie.

Parenthèse nécessaire sur la foi de Maurice Schumann : Avec la première racine dans l’enfance sous l’influence de sa gouvernante Mlle Limanton, confirmée par la lecture de Bergson, accompagnée plus tard par des frères dominicains, cette conversion deviendra plus réfléchie, notamment au contact très précoce (il a 7 ans) avec le père Brodeur, un oratorien qui le baptisera 24 ans plus tard, en 1942, à Birmingham, alors que la guerre battait son plein.

Licencié en philosophie, (il a échoué de peu au concours de Normale Sup), il entre très jeune comme journaliste à l’agence Havas, pour laquelle il sera, en 1933, chef adjoint de grand reportage à Londres, puis à Paris, avec éditoriaux – notamment de politique étrangère – paraissant dans plusieurs grands titres de l’époque. Alarmé des faiblesses des démocraties, il écrit, voyage, rencontre beaucoup de personnalités, s’ancre dans ses convictions européennes et soutient en 1936 le Front Populaire. De plus en plus « social-chrétien » dans sa vie (congrès eucharistiques de 1938 et 1939) comme dans ses écrits (signés Maurice Jacques ou André Sidobre), voisinant avec François Mauriac, Hubert Beuve-Méry, Georges Bidault, Daniel Rops …, il quitte la SFIO en 1935. Antifasciste et antimunichois, il se mobilise au service de Paul Reynaud, dénonce les défaillances, bien sûr l’Anschluss, exalte, devant les menaces, l’empire français, et se révèle peu surpris à l’annonce du pacte germano-soviétique.

La guerre venue, il est engagé volontaire, comme interprète militaire, auprès du Corps Expéditionnaire britannique. Le soir du 18 juin 1940, à Niort, il entend l’appel du général de Gaulle avec le sentiment d’être né ce jour là. Le 21 juin, il s’embarque, avec d’autres futurs grands Résistants, de Saint-Jean-de Luzpour l’Angleterre et, le 30 juin, rencontre le général de Gaulle à Londres où, engagée dès le 18 juin, Lucie Daniel, qu’il épousera, entre avec bonheur dans sa vie.

Affecté à la Radio, Maurice Schumann écrit le texte qui sera lu par Jacques Duchesne lorsque survient la tragédie de Mers el-Kébirle 3 juillet 1940. Puis, à partir du 17 juillet 1940 et jusqu’à la fin mai 1944, il y prendra la parole plus de mille fois, sans consignes du général, mais dans sa ligne, avec sa voix chaude et vibrante, et ses interventions parfois très marquantes dont certaines citées en référence pendant cette conférence.

Convoqué par Koenig fin mai 1944, il intègre d’abord pour 2 mois l’armée britannique, débarque à Asnelles(« Gold Beach » – Asnellesoù il sera inhumé), puis rejoint Bayeux où de Gaulle se rend le 14 juin. Versé le 3 août à la 2èmeDB, il participe glorieusement aux combats à Paris dont celui de la libération du ministère de la Marine, est cité à l’ordre de la 2èmeDB, rejoint le 25 août, jour inoubliable, le général de Gaulle à l’Hôtel de ville de Paris pour son discours historique.

Nommé à l’Assemblée Consultative provisoire, il assure, non combattant, la liaison avec la 2èmeDB, se déplace dans Strasbourg libérée après avoir épousé Lucie Daniel, et, cofondateur, accepte la présidence du nouveau parti politique, le MRP (Mouvement Républicain Populaire) qu’il assumera jusqu’en 1949. Compagnon de la Libération, Maurice Schumann sera aussi décoré de la Légion d’Honneur.

NOUS SOMMES À L’APOGÉE DE SA VIE. Maurice Schumann n’a que 34 ans.

S’ouvre devant lui une longue carrière, et de parlementaire, et d’homme d’État : 23 ans député du Nord, puis 23 ans sénateur du Nord, secrétaire d’État aux Affaires Étrangères de 51 à 54, ministre du général en 1962, ministre d’État en 67/68, puis en 68/69, et presque 4 ans ministre des Affaires Étrangères entre 1969 et 1973.

La politique.

En 1945, au sortir de l’épopée, tout en reprenant son métier de journaliste (il sera directeur politique de « L’Aube » jusqu’en 1951), commence le temps des déchirements politiques.

Présenté par son parti, le MRP – un temps 1erparti de France – aux élections dans le Nord (plus précisément dans la circonscription correspondant à la Flandre française, de Dunkerque à Lille), ses scores iront s’amenuisant (de 41% en 1945 à 16% en 1956) du fait, entre autres, de son éloignement des positions du général de Gaulle parti du gouvernement dès 1946, de sa concurrence avec le RPF désormais électoralement concurrent etc…Le MRP convole avec les socialistes et occupe entre 1947 et 1953 le Quai d’Orsay, s’attelant à la réconciliation franco-allemande, aux projets européens, à la Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier, au projet de Communauté Européenne de Défense etc…Plus tard, pendant la crise de Suez, Maurice Schumann soutiendra Guy Mollet et, en 1958, heureux de fait du retour du général de Gaulle, ne tiendra pas, étant toujours MRP, à entrer au gouvernement. Lorsque, en 1962, Maurice Schumann intègre le gouvernement avec 4 autres MRP, il en démissionnera – en solidarité de Pierre Pflimlin – 1 mois après, suite à la conférence de presse du général de Gaulle dont l’ambition européenne s’était affichée dans ses limites.

Bien sûr, il ne votera pas la motion de censure du 5 octobre 1962 sur l’élection du Président de la République au suffrage universel, et, aux élections de novembre, Maurice Schumann sera réélu avec investiture MRP … et voix de l’UNR.

En 1965, Maurice Schumann conseille le général au second tour de l’élection présidentielle comme, plus tard, dans sa décision de retrait de l’OTAN que de Gaulle lui demande d’aller expliquer à Washington au président Johnson.

Maurice Schumann éprouve ensuite beaucoup de satisfactions dans son poste de ministre d’État chargé de la Recherche Scientifique et des questions atomiques et spatiales qu’il occupe d’avril 1967 à fin mai 1968. Le 30 mai 1968, il participe au défilé grandiose d’appui au général, qui ponctue cette grande crise (« des événements sans lendemain, mais non pas sans avenir ») avant de prendre pour 13 mois le portefeuille des Affaires Sociales (« épreuve d’endurance et d’agilité »). Maurice Schumann apportera, le moment venu, son soutien à Georges Pompidou qui, devenu Président, en fera, pour presque 4 ans, son ministre des Affaires Étrangères, avec les dossiers sensibles que l’on sait (Israël, Libye,, URSS, Chine, convertibilité du dollar, voyage tendu aux USA, entrée du Royaume-Uni dans la Communauté Européenne, conférence préparatoire d’Helsinki etc…)

Parallèlement, Maurice Schumann, également admirateur de Chateaubriand dont le buste accueille ses visiteurs,  poursuit l’écriture (il a déjà publié de nombreuses fois).en écrivant notamment, après « Les Flots roulant au loin » en 1973, « La mort née de leur propre vie. Péguy, Simone Weil, Gandhi » qui sera édité en 1974 avant « La Communication » et d’autres. Élu en mars 1974 à l’Académie Française au siège de Wladimir d’Ormesson, présidant aussi la Fondation de France, Maurice Schumann sera également élu, en septembre  1974, au Sénat (dont il sera rapidement vice président) tout en étant très actif dans son Conseil Régional, dans ce Nord où il aime à se déplacer dans les communes, aller aux foires agricoles, défendre la musique avec Jean-Claude Casadesus, donner des conférences, ce qu’il fera aussi pendant de longues années à travers la France entière. D’ailleurs, il faut rappeler que Maurice Schumann a été professeur associé à la Faculté Libre des Lettres et Sciences Humaines de Lille, également Président de l’Association des écrivains catholiques de langue française, et qu’il a, après 1974, continué à publier régulièrement des ouvrages jusqu’en 1995.

Le 31 mars 1992, c’est lui qui, à 3h du matin, proclame élue, à la Présidence du Conseil Régional du Nord-Pas-de-Calais, Madame Blandin (écologiste soutenue par la gauche) qui en garde un souvenir ému.

En 1998, Maurice Schumann (presque 87 ans) ne se représente pas aux élections sénatoriales. Il meurt le 9 février et rejoint sa dernière demeure à Asnelles(Calvados), à deux pas de la plage où il débarqua en juin 1944. Quelques semaines auparavant, il avait répondu à des journalistes qui lui demandaient ce qu’il voudrait que l’on dise à sa disparition « … qu’il est mort, fou de France et catholique romain ».