Kriegel-Valrimont Maurice

Auteur de la fiche : D’après la nécrologie d’Olivier Biffaud paru dans l'édition du 04.08.06 du Journal « Le Monde »

Maurice Kriegel-Valrimont

Antifasciste, syndicaliste, chef de la Résistance, ancien dirigeant du PCF, avec lequel il avait rompu en 1961, Maurice Kriegel-Valrimont est mort, mercredi 2 août, d’une embolie pulmonaire, à l’hôpital de l’Hôtel-Dieu, à Paris. Il était âgé de 92 ans.

Il était né le 14 mai 1914, à Strasbourg, dans une famille juive -, Maurice Kriegel-Valrimont confiait qu’il avait conservé des souvenirs intacts de la fin de la première guerre mondiale. Il revoyait ces poilus blessés couchés sur des brancards, rue Nouvelle, qui devint celle du 22 -Novembre, jour de 1918 où les troupes françaises entrèrent dans Strasbourg.

L’accession d’Hitler au pouvoir en Allemagne, en 1933, conduit l’étudiant en droit Kriegel à s’engager aux côtés des étudiants de gauche antifascistes. Est-il, dès cette époque, membre des Jeunesses communistes ? Il assurait que non. Toujours est-il qu’il quitte Strasbourg pour Paris, au printemps 1936, et tombe dans la marmite du Front populaire. Employé d’une compagnie d’assurances, il devient très rapidement secrétaire général du syndicat CGT des employés d’assurances. Sa vie professionnelle est alors absorbée par le syndicalisme. Dès avant la guerre, Maurice Kriegel côtoie de nombreux militants du Parti communiste, dont il va devenir un « compagnon de route ». Après la débâcle et l’exode, il s’installe à Toulouse, où s’est réfugiée sa famille. Il y rencontre Pierre Hervé et Jean-Pierre Vernant, deux militants communistes qui deviendront des figures de la Résistance, tout comme Raymond Aubrac, qui le convainc de venir à Lyon pour structurer la branche militaire du mouvement Libération en zone sud. Son pseudonyme dans la clandestinité, Valrimont, il le trouve en s’arrêtant au premier nom propre sur lequel il tombe dans un conte de Perrault, comme il le raconte dans ses Mémoires rebelles (éd. Odile Jacob, 1999). Arrêté en mars 1943, il s’évade peu de temps après grâce à l’action d’un groupe de résistants, parmi lesquels se trouvent Lucie et Raymond Aubrac. Un an plus tard, il est propulsé au sommet de la Résistance, à Paris, en devenant l’un des trois membres – Pierre Villon, Jean de Vogüé et Valrimont, les trois V – du Comac, le Comité d’action militaire, organe de commandement des Forces françaises de l’intérieur (FFI). Il y représente la zone sud. C’est en cette qualité qu’il reçoit, le 25 août 1944, en compagnie d’Henri Rol-Tanguy (PCF), chef de région pour l’Ile-de-France, et du général Leclerc (gaulliste), chef de la 2e DB, la reddition du général allemand, Dietrich von Choltitz, commandant de la place de Paris.

Une seconde vie va alors commencer pour lui. Après avoir siégé à l’Assemblée consultative au titre de la Résistance, fin 1944, il se présente à Nancy, l’année suivante, aux élections à la première Constituante. Il est alors directeur du journal Action et vice-président de la Haute Cour de justice (1946), qui juge les dirigeants du régime de Vichy. Député de Meurthe-et-Moselle de 1944 à 1958, Maurice Kriegel-Valrimont adhère formellement au PCF et entre directement au comité central, en 1947. Il est responsable du bureau de presse du parti jusqu’à la fin des années 1950. De la période de glaciation stalinienne, Maurice Kriegel-Valrimont gardait une certaine honte pour n’avoir pas su réagir. A propos de l’affaire Marty-Tillon – il avait voté l’exclusion des deux dirigeants historiques du PCF -, il confiait dans ses Mémoires : « Quand je me pose des questions sur ma vie, c’est le seul point où je ne me trouve pas d’excuses. »

Il va tomber lui aussi, au tournant des années 1950-1960, sous le couperet du parti dirigé par Maurice Thorez. Ebranlé par les révélations du rapport Khrouchtchev, en 1956, sur les crimes de Staline, il prend publiquement position en faveur de deux dirigeants, Marcel Servin et Laurent Casanova, qui sont sur la même longueur d’onde. L’affaire Servin-Casanova-Kriegel-Valrimont débute : les deux premiers sont accusés d’opportunisme et d‘ »activité fractionnelle », le troisième de « duplicité, voire de dissimulation ». Elle s’achève en février 1961 par l’éviction de Servin et Casanova du bureau politique et le départ du PCF de Kriegel-Valrimont.

Engagé dans plusieurs tentatives de rénovation du Parti communiste, notamment derrière Pierre Juquin à la fin des années 1980, Maurice Kriegel-Valrimont, qui n’avait rien perdu de ses convictions, tout en cultivant une gentillesse infinie, s’était vu « réhabiliter » par le successeur de Georges Marchais à la tête du PCF, Robert Hue, le 22 juin 1997, à Longlaville (Meurthe-et-Moselle). Le dirigeant communiste avait alors condamné « sans appel » les exclusions du PCF. A 85 ans, « MKV » avait accepté de figurer sur la liste que conduisait M. Hue aux élections européennes de 1999. Il était en avant-dernière position, devant Marie-George Buffet, devenue secrétaire nationale du PCF, et qui rend hommage, aujourd’hui, à cet homme « exceptionnel.