SOULAS Marguerite

Auteur de la fiche : Elsa Défontaines d’après La France résistante, Histoire de héros ordinaires.

Marguerite SOULAS

Marguerite Roux est née le 8 juin 1920 au Chambon-Feugerolles, dans la Loire. A quinze ans elle débute son apprentissage de préparatrice à la pharmacie Poyeton du Chambon-Feugerolles avant de rentrer en 1939 à la Grande Pharmacie de la Croix de Lorraine à Saint-Étienne au service de Gustave Gimon. Et à 18 ans elle épouse un technicien aux mines, Pierre Soulas.

En septembre 1939, son mari et son patron sont tous deux mobilisés. Dès sa démobilisation, le 13 août 1940, Gustave Gimon rentre à Saint-Étienne où il veille à maintenir ses contacts avec le monde du renseignement et refuse dès le début le cessez-le-feu. Il appartiendra à plusieurs mouvements et réseaux dont Uranus-Kléber du 1er novembre 1940 au 23 juillet 1943, Travaux Ruraux de septembre 1943 à la Libération et l’AS de novembre 1943 à la fin août 1944. Son idéal et son amour de la France le poussèrent à de telles actions.

Au début de 1941, l’attention de Marguerite est attirée par la venue d’étranges clients dans l’officine qui sont immédiatement reçus par Gustave Gimon. Bien qu’elle trouve cela bizarre et anormal, elle reste discrète, tout comme ses collègues.

Après l’invasion de la zone libre, la détestable image des Allemands véhiculée par le souvenir de son père, mort des suites de la Première Guerre Mondiale, se superpose aux soldats de la Wehrmacht qu’elle croise désormais quotidiennement dans la ville. Elle ne se prive jamais de lâcher une réflexion désagréable sur leur passage ni de refuser de les servir, gardant les produits pour les familles de prisonniers de guerre français en Allemagne. Cela n’empêche pourtant pas Marguerite de s’amuser devant   les Allemands défilant impassiblement devant les trois grandes croix de Lorraine rouges ornant les vitrines de la pharmacie.

Très rapidement elle n’ignore plus rien des activités de son patron et est devenue celle qui « sait tout », « voit tout », « transmet les messages ». Elle se voit ainsi chargée de transmettre des messages à des personnes indiquées par Monsieur Gimon, et associée aux recherches de vêtements civils pour des aviateurs américains et anglais récupérés, qu’il fallait soigner et héberger. L’hébergement et les soins de ses hommes en grand danger étaient assurés avec la complicité de la sœur Paul et de l’infirmier Mirandola à l’hôpital Bellevue ou sinon dans le quartier chaud de Saint-Étienne dans les maisons closes dont les tenancières faisaient souvent preuve de beaucoup plus de hauteur d’âme que certaines personnes bien pensantes.

En 1943, la situation évolue. Gustave Gimon, lui demande de prendre quelques temps un poste émetteur-récepteur chez elle. Elle trouve tellement merveilleux qu’il lui propose de s’investir davantage, qu’elle accepte sans hésiter ni même prévenir son mari. Lequel a été un peu fâché de cette prise de risque.

Les Soulas dépanneront le réseau pendant un an. Camille Fournier, alias « Danielle Redde », femme n’ayant pas froid aux yeux et qui tombée aux mains de la Gestapo, réussit à s’évader, vient émettre des messages à leur domicile. Pendant qu’elle émet, Marguerite et Pierre rôdent dans le voisinage pour repérer les voitures radiogoniométriques. Ils apprendront d’ailleurs à la Libération que leur maison venait juste d’être localisée, mais que, faute de temps, la Gestapo n’avait pu les arrêter.

Parfois ils installent le matériel à Firminy chez Pierre Reboul. Lorsque les postes tombent en panne, Marguerite les transporte à la pharmacie pour les réparer ce qui lui cause quelques aventures. Par exemple lorsque ayant un jour du mal à descendre de la voiture d’un tramway avec son bagage contenant le poste émetteur, un Allemand l’aide à se relever et s’étonne de son poids. Elle lui répond sans sourciller que sa valise contient des pommes de terre destinées à nourrir sa nombreuse famille.

Elle fréquente également deux membres du milieu qui par leur bravoure se rachètent une conduite et travaillaient désormais pour l’O.S.S (Office of Strategic Services) américain, Pierre Rousset et Louis Raggio, chargés d’éliminer les ennemis très dangereux.

L’ambiance dans la cité stéphanoise était très lourde pendant l’Occupation et ponctuée régulièrement d’exécutions de « terroristes ». Marguerite Soulas garde en mémoire, les visages de trois étudiants de l’École des mines de Saint-Étienne, jeunes et beaux comme des dieux, auxquels elle avait remis des cachets de cyanure préalablement dosés afin de mourir avant de parler sous la torture. Deux sont morts et le troisième fut déporté.