Clédic Marcel

Auteur de la fiche : Marcel Clédic

Marcel Clédic

Témoignage du dernier  titulaire de la médaille de la Résistance dans le Finistère décédé, ce 6 janvier 2021 à l’âge de 96 ans.

Marcel Clédic aura servie la France sur de multiples théâtres d’opération…: la Seconde Guerre mondiale, celle d’Indochine et l’Algérie.

C’est à 19 ans qu’il a répondu à l’appel de son pays en s’engageant en décembre 1943 dans le maquis et en étant incorporé au « bataillon Bir Hakeim ». Lieutenant FFI, il se joint aux unités venues d’Afrique, d’Italie et d’Angleterre et rejoint le 71e RI. Il sera blessé lors de la libération de la presqu’île de Crozon. Un engagement qui lui vaudra la médaille de la Résistance dont il était le dernier titulaire du Finistère.

Suivront ensuite l’Indochine où il combat au sein du 1er régiment de chasseurs parachutistes, participe à l’expédition victorieuse de Cao Bang et saute deux fois sur Diên Biên Phu. Après la défaite il restera prisonnier du Viet Minh pendant quatre mois. Rapatrié, il effectue deux séjours en Algérie à la tête d’une compagnie entre 1954 et 1959, au cours desquels il est à nouveau blessé.

Son  long parcours au service de la France ponctué de blessures et de faits d’armes qui lui vaudront de nombreuses distinctions : Croix de guerre 39-45 et des TOE (12 citations), Croix de la Valeur militaire et Médaille de la résistance. Sans oublier la Légion d’Honneur, ordre dans lequel il est fait Commandeur en 1982 et Grand-Croix le 7 mai 2004.

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Son témoignage 

« 27 avril 1940, je fête, c’est beaucoup dire car il ne se passe rien, mes 16 ans. Je suis pensionnaire au cours complémentaire au Huelgoat depuis trois ans. En effet, reçu au concours des bourses (examen à Brest en 1936), je n’ai pas obtenu une bourse complète, ce qui ne m’a pas permis d’aller collège à Morlaix. En effet, mon grand-père maternel étant propriétaire de quelques champs à La Feuillée, il en a été tenu compte pour le montant de la bourse. Avec celle-ci, je pouvais tout de même prendre pension sans bourse délier à Huelgoat, alors qu’à Morlaix il aurait fallu payer un complément.
Pensionnaire, je soulage d’autant les ressources familiales, car pour Maman, veuve avec deux enfants, les temps sont durs.
Je suis donc en année de préparation au Brevet élémentaire, dans une classe où je suis l’un des plus jeunes, car de nombreux élèves ont deux ou trois ans de plus que moi pour diverses raisons, dont le début de scolarité plus tardif, dû à l’éloignement de l’école, ou encore, le redoublement pour préparation au concours d’entrée à l’Ecole normale des instituteurs. Arrivent juin 1940, la Débâcle et l’Armistice. L’école est fermée, la date d’examen reportée et je me retrouve à La Feuillée, chez Maman.
Le 22 juin nous apprenons la fin des combats, c’est l’Armistice. Je suis sur la place à La Feuillée et vois passer les dernières troupes alliées qui se dirigent vers Brest, pour embarquer vers l’Angleterre.
Je verrais toujours dans mes souvenirs la dernière voiture, une 15 CV Citroën, et assis sur la roue de secours, à l’arrière, un soldat avec son arme braquée devant lui. Je saurais plus tard que c’était une unité polonaise qui embarquait à Brest.
Hélas aussi, dans mes souvenirs, environ deux heures plus tard, arrivent, venant de la direction d’Huelgoat, les premiers motards ennemis, deux motos solo et un side-car, et en même temps j’entends à la radio du boulanger sur la place, l’appel du maréchal Pétain pour l’armistice.
Je suis en larme, de rage, car je me rappelle les récits de mes oncles, durant les veillées hivernales, sur la guerre de 14-18.
Inconsciemment, dès cet instant, j’ai juré de tout faire pour lutter contre l’ennemi pour libérer le territoire.

Mais je n’ai encore que 16 ans, et bientôt la date de l’examen au B.E., qui avait été reportée, nous est communiquée.
Tout l’été donc je bûcherais, sous la houlette de Maman, pour me préparer à cet examen, et j’aurais la chance d’obtenir mon B.E. début septembre. A cette session je serais le seul reçu à l’école d’Huelgoat.

A la rentrée me voici donc à nouveau à Huelgoat, mais l’école est partiellement occupée durant le premier trimestre, nous serons logés chez l’habitant. Je suis donc là pour préparer le concours à l’Ecole normale, mais sans conviction car mon souhait était de préparer l’école de Maistrance de la Marine, mais hélas irréalisable du fait de l’Occupation.

C’est là que j’accomplirais mon premier « mauvais coup » contre l’ennemi. Dans la cour de l’école, un véhicule décharge une cargaison de godillots ferrés de l’armée allemande. Profitant du manque de surveillance, j’arrive à subtiliser une bonne paire de chaussures. Elle fera le bonheur de l’un de mes oncles.

L’année scolaire se termine sur un échec au concours d’entrée à l’Ecole normale que j’avais préparé en dilettante.
Aux vacances de juillet et durant tout l’été, je travaille comme manœuvre aux tourbières à Brennilis, en même temps que Maman et ma sœur Odette. Depuis un an ces tourbières étaient exploitées massivement et employaient 200 à 300 personnes. Nous sommes là tous les trois, car Maman ne peut exercer son métier de tricoteuse à la machine, faute de laine.

Ne voulant pas retourner au cours complémentaire à Huelgoat, je travaillerais donc là, et plus tard pour une entreprise -Saintrap et Brice- en particulier comme terrassier puis aide- menuisier, dans différents chantiers travaillant d’ailleurs pour l’occupant Celui-ci est bien implanté sur toute la région, et à La Feuillée les troupes d’occupation seront présentes sans interruption de 1940 à 1944, installées plus particulièrement à l’hôtel Martin.

A l’occasion je travaillais aussi chez mes grands parents paternels qui tiennent une ferme au bourg, ferme où j’aurais d’ailleurs passé le plus clair et le plus heureux temps de mon enfance, de l’âge de 2 à 7 ans, après le décès de mon père.
A La Feuillée donc, je retrouve aussi tous mes amis d’enfance, et à l’époque nous étions nombreux. Et très souvent nos conversations concernaient la présence ennemie que nous supportions de plus en plus mal.

Rapidement, nous sentons monter en nous le désir de faire quelque chose contre l’occupant.

J’avais en particulier un ami, Marcel Grall, dont un frère était prisonnier en Allemagne. La femme de celui-ci était une proche voisine et nous avions l’occasion de nous retrouver régulièrement, en particulier à l’écoute de radio Londres, car elle possédait un poste, ce qui était relativement rare à l’époque.

Marcel Grall travaillait avec moi, et m’entraînait parfois voir un fermier, Jean-Marie Lozach (à Roz ar Had) que je connaissais bien sûr mais sans plus.
Rappelé pendant la guerre comme sous-officier, il avait réussi à échapper à la captivité.
Chez lui vivait un jeune de notre âge, Ernest Le Borgne. Rapidement j’ai su qu’il était planqué là pour échapper aux gendarmes. Il était originaire de Callac, dans les Côtes d’Armor et recherché en qualité de communiste.

Jean-Marie Lozach nous recevait volontiers, en particulier le dimanche, avec bon joueur d’accordéon que nous écoutions avec plaisir.
Mais J.-M. Lozach voulait aussi nous tester, pour savoir s’il pouvait compter sur nous pour lutter contre l’occupant. II était déjà en relation avec le village de Trédudon-le-moine (en Berrien) et la famille Plassart. Petit à petit j’ai su que la famille Plassart avait déjà eu l’occasion de se manifester, en particulier en hébergeant et aidant Jean Guyomard, du Cloître-Saint- Thegonnec. Celui-ci, recherché et arrêté par les gendarmes en qualité de communiste, avait réussi à s’évader et avait rejoint Trédudon. Disparu ensuite dans la nature, nous le retrouverons comme lieutenant colonel FTP à la Libération sous le surnom de Pascal.

Ainsi donc, après une période probatoire, je me suis retrouvé engagé dans la résistance au mouvement FTP, avec comme responsable Marcel Grall. Au début nous n’étions pas nombreux et pour mieux nous prémunir de toute fuite, nous ne nous connaissions, du moins théoriquement, que par trois. Ma date d’entrée officielle au groupement FTP est le 20 novembre 1941 et le troisième homme de notre équipe était Jean-Marie Plassart de Trédudon (le quatrième de la fratrie), qui était également de mon âge et que je connaissais bien puisque nous avions fréquenté ensemble l’école primaire de La Feuillée.

A l’époque déjà je connaissais pourtant d’autres groupes de FTP, formés par Jean Créoff au bourg de La Feuillée, Pierre Pichon de Botbian en La Feuillée, mais qui recrutait sur Botmeur.

A Trédudon tout le village était engagé dans la lutte. A côté des frères Plassart, dont le responsable était Pierre, il y avait encore la famille Thomas, garçons et filles, ainsi que Le Guen et Marcel Philippe et ses sœurs, sans oublier Catherine Bris rapidement surnommée « La Mère des patriotes ».

Dans un autre village proche, Quinoualc’h, travailleront aussi rapidement avec nous les frères Plassart, cousins de ceux de Trédudon, et Henri Bris dit « Edouard ». Au bourg de La Feuillée encore, fréquentant aussi Roz-ar-Had, je citerais René Gérée, Amedée Plassart, Joseph Lozach, tous de mon âge.

Début 1942 nous formions donc déjà un réseau assez important qui s’étendait aussi sur Brennilis, avec Jean Salaun et sa sœur Lisette ainsi que François Bothorel, boucher de profession et surnommé Boucher.
Ainsi donc nous étions tous engagé dans la Résistance au sein des Francs Tireurs et partisans français -FTP- organisation créée par le parti communiste comme je l’ai su un peu plus tard sans état d’âme, car à l’époque, la politique était le dernier de mes soucis.

Peu à peu notre influence s’étendra sur le secteur des Monts d’Arrée, sur les communes de La Feuillée et Berrien bien-sûr, mais aussi Brennilis, Loqueffret, Huelgoat, Scrignac, Saint- Herbot, Plounéour-Menez, Pleyber-Christ et Commana avec toujours comme pivot central le village de Trédudon.

A l’origine notre activité consistait surtout à diffuser les quelques tracts et journaux qui nous provenaient par Trédudon et à recruter.
La diffusion se faisait surtout à l’occasion des rassemblements de la jeunesse, dans des villages éloignés du bourg comme Kerelcun ou Ruguellou, ceux-ci étaient des lieux bien sûr interdits, et il nous est arrivé de nous faire courser par les gendarmes de La Feuillée qui à l’époque obéissaient aux directives de Vichy et notre méfiance à leur égard a duré presque jusqu’à la Libération.

Chacun d’entre nous essayait également, par des contacts très discrets, de recruter pour créer un nouveau triangle. Théoriquement le secret devant ainsi être sauvegardé, mais dans nos campagnes, nous nous connaissions tous.
Mais très vite la recherche d’armement devint notre obsession, hélas sans grand succès. Personnellement cependant, j’étais armé. J’avais récupéré chez mon grand-père maternel un pistolet à barillet 7/92 avec quelques munitions que je planquais dans une cache dans le grenier de la maison. Mon grand-père détenait ce pistolet depuis que, maquignon, il parcourait les champs de foire de la région, se déplaçant assez loin jusqu’à Pontivy, Loudéac, Guingamp, Landivisiau, et les routes – qu’il parcourait en char à banc – n’étaient pas très sûres.

Courant 1942 notre groupement s’étoffe et nous voulons passer à l’action, mais que faire? Avec mes amis de Brennilis, Jean Salaûn et François Bothorel nous avons repéré une ligne à haute tension reliant Saint-Herbot à Brest. Elle alimente la base sous-marine. Ce sera notre premier objectif.
Mais il faut d’abord trouver des explosifs et mes recherches me dirigent vers Huelgoat où je recrute, par l’intermédiaire de Trédudon, Pierre Ruelen, travaillant comme carrier aux carrières de granit. Pierre Ruelen habitait à l’époque sur la commune de Berrien, au lieu dit « Temps des cerises ».
Grâce à lui et à la complicité de l’artificier de la carrière, nous avons pu récupérer quelques pains de dynamite, des bouchons allumeurs et de la mèche lente.

Reste à mettre en application notre projet.

Fin 1942, quand les jours raccourcissent, nous permettant une approche plus discrète, nous repérons les lieux, dans la nature entre Brennilis et Loqueffret.
Nous nous déplaçons toujours à l’époque à bicyclette, et souvent par de petites routes ou sentiers peu fréquentés et surtout pas par les Allemands.

Notre première expédition se soldera par un échec. Ayant disposé nos explosifs sur trois des piliers du poteau électrique, l’un d’eux ne fonctionne pas, et nous devrons attendre un moment avant de nous en approcher.
La seconde expédition n’est guère plus rentable. Notre inexpérience nous fait placer nos explosifs à la même hauteur, et si l’explosion se produit, le poteau reste debout.
La troisième enfin sera la bonne. L’expérience aidant, nous avons placé nos explosifs à hauteurs différentes et sur un poteau d’angle, ce qui entraîne la chute des trois poteaux et une belle gerbe d’étincelles.
Nous en resterons là : les Allemands en représailles, ayant menacé de réquisitionner des vigiles pour assurer la surveillance; d’autre part, nous-même à court d’explosifs, nous étions peu assurés du bon résultat.

Nous cherchons donc à nous diversifier et l’objectif suivant sera la voie ferrée et en particulier la ligne Brest-Paris, car sur la voie ferrée Carhaix-Morlaix, il ne passe pas grand chose.
Pour cette action je me ferais suppléer par Jean Kerdoncuff, recruté à Pleyber-Christ, par l’intermédiaire de Pierre Lachuer de Plounéour-Menez. Là aussi, très tôt, l’organisation depuis Trédudon, par Le Relecq aura essaimé.

Les débuts de sabotage de la voie ferrée, là aussi seront laborieux. Nous sommes aussi en relation avec les résistants du rail à Morlaix.
Faute d’utilisation d’explosif (ce sera pour plus tard avec des spécialistes venus de Londres), nous récupérons des tire-fonds. Jean Kerdoncuff avec son équipe réussira à déboulonner des rails et obtenir un premier résultat avant que les allemands ne mettent en place des gardes voies, recrutés de force et responsabilisés. Ceci n’empêchera pas plus tard, de faire beaucoup mieux.

De même, pour saboter la ligne téléphonique enterrée que nous pensons relier Brest à Berlin, nous avons fait fabriquer par un forgeron ami, un outil tranchant, avec une longue tige, permettant, en le cognant à la masse, de couper le câble sans avoir besoin de creuser, et rendre ainsi plus difficile la localisation de la coupure.

Ainsi notre organisation prend tournure. Dès l’automne 1942, je deviens un permanent de la Résistance FTP du secteur. Je suis chargé des relations avec les différentes équipes en place dans la région, et rapidement plus loin dans le département.

Dans le secteur dépendant de Trédudon, je vois Pierre Pichon sur le secteur de Botmeur, Jean Salaûn et François Bothorel sur Brennilis, François Salaûn et Jean-Louis Derrien sur Loqueffret, les frères Vern, les frères Rioual, Corentin Cochennec à Saint-Herbot, Pierre Ruellen et les frères Cotton, Jean et Raymond à Huelgoat, Armel Coant et les frères Foll à Scrignac, Pierre Lachuer et Jean Messager à Plounéour-Menez, Coupât à Commana, Jean Kerdoncuff à Pleyber-Christ

Sur place à La Feuillée, je suis toujours aux ordres de Marcel Grall, et je fréquente beaucoup Trédudon et Quinoualc’h.
Pour camoufler cette activité de menus travaux dans la ferme de mes grands parents permettent de donner le change. De même cette activité ne passe évidemment pas inaperçue de Maman, d’autant qu’il n’y a plus de salaire pour aider à nourrir la maison. Elle sera dédommagée de temps à autre par un don du Front national (provenance?). De même, et c’est plus délicat, ma sœur Odette connaît rapidement mes activités et n’aura de cesse de s’engager aussi. Ce sera fait en octobre 1942, malgré les réticences de Maman.

Dès son engagement ma sœur Odette sera l’agent de liaison de Marcel Grall et Jean Créoff, plus tard de Pierre, frère de Marcel. Elle assurera les liaisons locales avec Pierre Plassart à Trédudon, Madame May à l’école Gambetta à Morlaix et Lisette Salaûn à Brennilis (sœur de Jean et engagée dans les mêmes circonstances que ma sœur).

Peu de temps avant son décès, ma sœur Odette a bien voulu me résumer son parcours dans la Résistance. Je le transcris ici :
]e suis née le 6 juin 1925 à Paris. Après le décès de Papa en 1926, nous sommes revenus à La Feuillée où je résidais avec Maman et mon frère Marcel.

En octobre 1942, Pierre Grall, responsable FTP su secteur, avant de devenir responsable départemental, recherchait une femme agent de liaison.
Un soir en discutant avec mon frère, celui-ci tout naturellement me proposa, et c ‘est ainsi que je devins agent de liaison FTP.

Pendant un an, j’assurais pour Pierre Grall (surnom Maurice), Mon frère Marcel, Jean Créoff, J.-M. Lozach, des liaisons sur Trédudon – Berrien (Pierre Plassart), Brennilis (Lisette Salaûn) et même Morlaix (Madame May à l’école Gambetta, je crois à côté de la gare).
A la demande de Pierre Grall, je suis partie à Rennes pour servir à l’échelon de la région M en novembre 1943 (mon alibi, pour les gens de La Feuillée, était un emploi à Rennes). De là, j’ai rejoint Paris. Je logeais chez François Guyomard, contrôleur à la R.A.T.P. et son épouse, originaire de La Feuillée et ami de Papa de son vivant, bien au courant de mes activités.

Mon chef était André Ouzoulias. Je transmettais des documents et même une fois des armes (je me le suis fait reproché par mon responsable).
J’ai fait des liaisons avec « Louisette » (Suzanne Cillard) et transmis des documents sur Le Havre, Angoulême, Ruffec et la Bretagne (Morlaix). Mon pseudo était Josette.

J’ai été arrêtée à Angoulême, en même temps qu’un camarade appelé Serge, le 25 janvier 1944, sur dénonciation d’un camarade du Mans, qui après interrogatoire musclé, a dénoncé plusieurs membres de notre réseau et même sa mère et son frère. Il a, plus tard été fusillé, ainsi que son frère.

C’est la brigade spéciale d’Angers qui nous a arrêtés, puis transférés à Poitiers (24h) puis à Angers (8 jours) pour interrogatoire. De là, j’ai été transférée à la prison du Mans où je suis restée jusqu’à fin avril avant d’être enfermée au camp de Romainville.
De là, le 13 mai 1944, notre groupe (700 environ) est embarqué dans les wagons à bestiaux, dans les conditions si souvent décrites, pour nous retrouver à Ravensbruck, après trois jours de voyage terrible ; le 16 mai 1944, j’avais le matricule 38 811.

Après une quarantaine, une partie du convoi, dont moi, a été transférée à Swodau, dans les Sudètes. J’ai travaillé pendant huit jours dans une usine qui fabriquait des sièges pour avions puis dans un « commando » chargé de travaux divers (en particulier le transport de charbon, et chez les particuliers à Swodau, vidange des fosses septiques).

Puis un jour j’ai été affectée à l’atelier de couture, grâce à quoi j ‘ai survécu.
 A partir d’avril 1945, devant l’avance des troupes alliées, les S.S. décident de nous expédier à pied, à Dachau, distant de 500 kilomètres.
 Le premier mai, nous partons, un millier par rang de cinq, couverture sur le dos, sous une tempête de neige. Après deux étapes de 25 kilomètres, avec 100 grammes de pain chacune, nous sommes bloqués sur la route, encombrée par l’armée allemande. 
Par crainte des Russes, nos gardes nous ont ramenés au camp, dont les barbelés avaient déjà disparu (il fallait effacer toute trace).
Les Américains étaient alors à 20 kilomètres, les Russes à 50 kilomètres.
 Le 8 mai, nous avons vu passer les camions américains, puis enfin une jeep avec deux hommes s’est arrêtée pour désarmer nos 65 gardiens qui avaient d’ailleurs hissé le drapeau blanc.
 Avec les Américains, il y avait un Brestois, qui a aussitôt écrit à Maman. 
Nous sommes encore resté au camp jusqu’au 13 mai, puis nous sommes parties en convoi vers Nuremberg.
 Je pesais 37 kilogrammes pour 1,65 mètres à ma libération.

Je suis revenue à La Feuillée le 20 mai. ……… »