Castel Louis

Auteur de la fiche : Madame Claudine Cardon - Hamet

Louis Castel

Louis Castel est né le 8 février 1902 à Lézignan-Corbières (Aude)

Il est le fils de Jeanne Castel, 21 ans. Il est adopté par Jean Coste le 18 juin 1924, « petit militant dans son village natal » (hommage de Waldeck L’huillier). A son arrivée dans la région parisienne, en 1925, il est embauché à l’usine Citroën de Clichy. Il devient chef de l’équipe d’entretien, mais il est licencié en 1926 à la suite d’une grève.

Il devient employé municipal à Clichy (fossoyeur puis jardinier, de janvier 1928 à mai 1934).

Membre du Parti communiste dès 1921, il exerce des responsabilités à la Section de Gennevilliers et, en 1930, au Comité de la « Région de la banlieue-Ouest».   « Louis Castel, fut candidat du Parti communiste aux élections législatives du 1ermai 1932 dans la circonscription de Saint-Affrique (Aveyron). Sur 13 675 inscrits, il obtint 11 voix soit 0,08 % des suffrages. Il était, en 1932, courant de faire présenter des militants parisiens, originaires de la région, lorsque les candidats locaux manquaient » (Le Maitron).

A la suite d’élections partielles, il est élu maire-adjoint (sur la liste de Jean Grandel) en novembre 1934 et réélu le 5 mai 1935. « Au printemps 1935, le sous-rayon communiste de Gennevilliers avait envisagé sa candidature à une élection cantonale, suite au décès d’Homère Robert, maire de Villeneuve-la-Garenne, mais la direction du PCF lui préféra Jean Grandel « (Le Maitron).

En 1936, il est l’un des dirigeants des grèves qui mobilisent 25.000 ouvriers de Gennevilliers.

Il est mobilisé en septembre 1939 à la déclaration de guerre. Il est sergent, apprécié par son capitaine qui le considère comme son meilleur sous-officier… et par les soldats « Ce n’est pas celui-là qui nous cassera les oreilles, mais pour lui, on ferait n’importe quoi« .

A la suite de l’interdiction du Parti communiste le 26 septembre 1939, le « Conseil de Préfecture » le déchoit de son mandat électoral le 9 février 1940 « pour appartenance au Parti communiste« .

Le 14 juin 1940, l’armée allemande d’occupation entre dans Paris, vidé des deux tiers de sa population. La ville cesse alors d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Les troupes allemandes défilent sur les Champs-Élysées. Elles occupent toute la banlieue parisienne les jours suivants. L’Etat major de Wehmacht s’installe à Nanterre le 14 juin.

Louis Castel reprend ses activités militantes dès sa démobilisation (entre août et septembre 1940).

Il est arrêté à Malakoff le 3 décembre 1940, chez sa compagne  Sophie Devos, par la police française, au 27 rue de Verdun. Son arrestation fait suite à celle de plusieurs responsables syndicaux. Elle est effectuée par la BS des RG (Brigade spéciale des Renseignements Généraux) avec la collaboration du commissariat de police de Puteaux. Lire dans le blog La Brigade Spéciale des Renseignements généraux.

Lors de son arrestation, il est « trouvé porteur de deux tracts de “L’Humanité”, de cinq livres d’adresses dont plusieurs correspondaient à d’anciens sympathisants communistes, d’une lettre relative à l’organisation du Parti communiste et de plusieurs tickets de métro portant des indications de rendez-vous qu’il [essaie] de dissimuler ». Il déclare aux policiers qu’il était chargé de remettre en place une propagande uniquement syndicale.

Le registre de la BS en date du 6 décembre indique : « Porteur de documents clandestins. A été mis en rapport avec 3 individus dont il ignore l’identité, en vue de la reprise de l’activité clandestine« .

Le 11 février 1941, la 12ème Chambre correctionnelle le condamne à 18 mois de prison pour « infraction aux décrets du 26 septembre 1939 » interdisant le Parti communiste. Emprisonné à la Santé, puis à Fresnes et enfin à la maison centrale de Melun, il n’est pas libéré à l’expiration de sa peine. Par arrété du Préfet, il est interné administrativement au camp de Voves où il apprend l’espagnol (« il  se délecte à la lecture de Cervantès« ) et fait des mathématiques supérieures.

Le 10 mai 1942 – à la demande des autorités allemandes -, il est transféré au camp de allemand de Compiègne (le Frontstalag122) en vue de sa déportation comme otage (il y reçoit le numéro matricule n°15153).

Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, voir les deux articles du blog : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942)et «une déportation d’otages».

Depuis Compiègne, Louis Castel est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 » (1170 déportés immatriculés à Auschwitz dans la série des matricules « 45.000 » et « 46.000 », d’où le nom de « convoi des 45000 » que les rescapés se sont donné).Ce convoi d’otages composé, pour l’essentiel, d’un millier de communistes (responsables politiques du parti et syndicalistes de la CGT) et d’une cinquantaine d’otages juifs (1170 hommes au moment de leur enregistrement à Auschwitz) faisait partie des mesures de représailles allemandes destinées à combattre, en France, les « judéo-bolcheviks » responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.

Sa photo d’immatriculation à Auschwitz (1) a été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.  Lire dans le blog le récit de leur premier jour à Auschwitz

Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner au camp central d’Auschwitz (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.

 

 

 

 

Louis Castel meurt à Auschwitz, le 11 août 1942, selon les registres du camp.

Dans les années d’après-guerre, l’état civil français, n’ayant pas eu accès aux archives d’Auschwitz emportées par les armées soviétiques, fixe la date de son décès au 15 septembre sur la base des déclarations de deux de ses compagnons de déportation.

Le titre de « Déporté politique » lui a été attribué. Il est homologué comme sergent dans la Résistance pour « son appartenance à l’O.S. (formation armée du Parti communiste) puis aux F.T.P.F du secteur « Banlieue Ouest de la Région parisienne » (effectif de 300 hommes et femmes)».

 

 

Son décès, comme celui de cinq autres ex-conseillers municipaux, étant ignoré en France à la Libération, son nom est proposé pour la composition du conseil municipal provisoire de Gennevilliers (arrêté préfectoral du 20 octobre 1944). 

Louis Castel est homologué (GR 16 P 110963) au titre de la Résistance intérieure française (RIF) comme appartenant à l’un des mouvements de Résistance dont les services justifient une pension militaire pour ses ayants droit.

Son nom figure sur la plaque en Mairie rappelant le sacrifice des élus de Gennevilliers.

Une rue de la ville honore sa mémoire. Dans le quartier des Grésillons la rue Louis Castel se trouve entre la rue Henri Barbusse et l’avenue des Grésillons.

Lors de l’inauguration de cette rue, Le Maire de Gennevilliers, Waldeck l’Huillier, ne manque pas de rappeler « son intelligence et son extraordinaire capacité de travail. Très cultivé, c’est un administrateur exceptionnel. Doux, bon, calme et posé« .

Le 6 juillet 1946, la « Voix populaire » de Gennevilliers rend hommage aux 11 communistes déportés quatre ans plus tôt dans « le convoi maudit » vers Auschwitz.

Louis Castel a été déclaré « Mort pour la France » et la mention « Mort en déportation » (en date du 16 juin 1989) a été ajoutée sur son acte d’état-civil (photo ci-dessus).

  • Note 1 : 522 photos d’immatriculation des « 45000 » à Auschwitz ont été retrouvées parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation du camp d’Auschwitz. A la Libération elles ont été conservées dans les archives du musée d’Auschwitz. Des tirages de ces photos ont été remis à André Montagne, alors vice-président de l’Amicale d’Auschwitz, qui me les a confiés.

Sources

  • Archives municipales (Liste des déportés, nom des rues, texte du discours d’inauguration de la rue).
  • Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier,Le Maitron, Claude Pennetier (dir), éditions de l’Atelier, tome, tome 21, page 285.
  • Fichier national de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen.
  • Musée de la Résistance Nationale de Champigny (fonds de liquidation des mouvements O.S. F.N/ F.T.P.F (carton n°302), datant du 12 avril 1951).
  • Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil d’Auschwitz ayant enregistré du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943 le décès des détenus immatriculés).
  • Notes et documents photographiques communiqués par Patrice Castel, son neveu.
  • Archives de la Préfectures de police de Paris, dossiers Brigade spéciale des Renseignements généraux, registres journaliers.
  • Echanges avec Patrice Castel (2019).

Notice biographique réalisée en mai 2007 (mise à jour en 2010, 2017 et 2019) par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 »,éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé) et de Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000», éditions Autrement, Paris 2005. Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce blog) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette biographie