Les martyrs du Lycée Buffon

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Les martyrs du Lycée Buffon

 « Les martyrs du Lycée Buffon »
Résistants à l’occupant allemand, Jean ARTHUS, Jacques BAUDRY, Pierre GRELOT, Lucien LEGROS sont arrêtés le 31 mai 1942. Pierre BENOIT, sera arrêtés en août 1942. Ils avaient participé avec plusieurs centaines d’étudiants à la commémoration – évidemment interdite – de l’anniversaire de la défaite allemande de 1918. Tous les cinq étaient élèves au lycée Buffon à Paris, ils furent arrêtés par la police française qui les remit aux Allemands. Ils seront fusillés le 8 février 1943 sur le champ de tir d’Issy-les-Moulineaux. Avant leur exécution ils adressèrent à leurs parents une dernière lettre. C’est seulement au lendemain du débarquement allié que ces lettres ont pu être obtenues de l’occupant par leur famille. Ces lettres dont un proviseur du lycée Buffon, Monsieur Lamicp a dit qu’ « il plaindrait celui qui pourrait en achever la lecture d’un œil sec ». Ces lettres ont été lues, lors de la première entrée scolaire qui a suivi la Libération, à tous les élèves de France. Ces cinq martyrs seront cités à l’ordre de la nation le 24 mars 1947.

Lettres écrites par les cinq Élèves du Lycée Buffon fusillés par les Allemands

Lettre de Jean ARTHUS (mort à 18 ans)

Paris, le 8 février 1943,

Mon Grand Chéri,

Je ne sais si tu t’attendais à me revoir, je m’y attendais. On nous a appris ce matin que c’était fini, alors, adieu ! Je sais que c’est un coup très rude pour toi, mais j’espère que tu es assez fort et que tu sauras continuer à vivre en gardant confiance en l’avenir. Travaille, fais cela pour moi, continue les livres que tu voulais écrire, pense que je meurs en Français pour ma Patrie. Je t’embrasse bien. Adieu, mon grand Chéri, Jean ARTHUS

Lettre de Jacques BAUDRY (mort à 21 ans)

Mes Pauvres Parents chéris,

On va m’arracher cette vie que vous m’avez donnée et à laquelle je tenais tant. C’est infiniment dur pour moi et pour vous. J’ai eu la chance de savoir, avant de mourir, que vous étiez courageux. Restez-le, surtout ma petite maman que j’embrasse de tout mon pauvre cœur. Mes pauvres chéris, j’ai accepté le combat, vous le savez. Je serai courageux jusqu’au bout. La guerre sera bientôt finie. Vous serez quand même heureux dans la paix, un peu grâce à moi. Je veux retourner à Dieu à côté de pépère et mémère. J’aurais voulu vivre encore pour vous aimer beaucoup. Hélas ! Je ne peux pas, la surprise est amère J’ai eu les journaux. Nous mourons en pleine victoire. Exécution ce matin à onze heures. Je penserai à vous, à Nicole. Hélas ! mes beaux projets d’avenir ! Qu’elle ne m’oublie pas non plus, ni mes parents Mais surtout, que la vie continue pour elle, qu’elle profite de sa jeunesse. Jacques BAUDRY

Lettre de Pierre BENOIT (mort à 17 ans)

Paris, le 8 février 1943mes Chers Parents, Chers amis, C’est la fin !… On vient de nous chercher pour la fusillade. Tant pis. Mourir en pleine victoire, c’est un peu vexant, mais qu’importe !… Le rêve des hommes fait événement…Nano, souviens-toi de ton frangin. Jusqu’au bout, il a été propre et courageux, et devant la mort même, je ne tremble pas. Adieu, petite Maman chérie, pardonne-moi tous les tracas que je t’ai faits. J’ai lutté pour une vie meilleure ; peut-être un jour, tu me comprendras ! Adieu, mon vieux Papa. Je te remercie d’avoir été chic avec moi. Garde un bon souvenir de ton fils. Tototte, Toto, adieu, je vous aimais comme mes propres parents. Nano, sois un bon fils, tu es le seul fils qui leur reste, ne fais pas d’imprudence. Adieu tous ceux que j’ai aimés, tous ceux qui m’aimaient, ceux de Nantua et les autres. La vie sera belle. Nous partons en chantant. Courage. Ce n’est pas si terrible après six mois de prison. Mes derniers baisers à vous tous Pierre BENOIT.

Lettre de Pierre GRELOT (mort à vingt ans)

Paris, le 8 février 1943

Maman chérie, Papa et Jacques chéris,

Tout est fini, maintenant. Je vais être fusillé ce matin à onze heures. Pauvres parents chéris, sachez que ma dernière pensée sera pour vous, je saurai mourir en Français. Pendant ces longs mois, j’ai beaucoup pensé à vous et j’aurais voulu plus tard vous donner tout le bonheur que votre affection pour moi méritait en retour. J’ai rêvé tant de choses pour vous rendre heureux après la tourmente. Mais, hélas ! mes rêves resteront ce qu’ils sont. Je vous embrasse beaucoup, beaucoup. La joie de vous revoir m’est à jamais interdite. Vous aurez de mes nouvelles plus tard. Je vous embrasse encore et toujours, mes parents chéris. Gardez toujours dans votre cœur mon souvenir…Adieu, Maman, Papa, Jacques Chéris, adieu…Pierre GRELOT

Lettre de Lucien LEGROS.(mort à 19 ans)

Paris, le 8 février 1943.

Mes Parents Chéris, mon Frère Chéri,

Je vais être fusillé à onze heures avec mes camarades. Nous allons mourir le sourire aux lèvres, car c’est pour le plus bel idéal. J’ai le sentiment, à cette heure, d’avoir vécu une vie complète. Vous m’avez fait une jeunesse dorée : je meurs pour la France, donc, je ne regrette rien. Je vous conjure de vivre pour les enfants de Jean. Reconstruisez une belle famille… Jeudi, j’ai reçu votre splendide colis ; j’ai mangé comme un roi. Pendant ces quatre mois, j’ai longuement médité ; mon examen de conscience est positif, je suis en tous points satisfait. Bonjour à tous les amis et à tous les parents. Je vous serre une dernière fois sur mon cœur. Lucien LEGROS.