Le Maquis de Vabre

Auteur de la fiche : Récit par Théo Bohrmann ancien du Maquis de Vabre

Le Maquis de Vabre

Théo Bohrmann

Ancien du Maquis de Vabre Les anciens des Maquis de Vabre ont commémoré les 16, 17 et 18 juin 2004 le 60e anniversaire de leur lutte pour la Libération. Ils se sont souvenus des messages personnels de la radio de Londres qui leur étaient destinés: «De la Chouette au Merle blanc, le chargeur n’a que vingt balles…» suivis de parachutages par des avions anglais d’armes et d’hommes sur le terrain au nom de code de «Virgule» situé à Saussonnières (au sud de Viane dans les Monts de Lacaune). Ils se sont inclinés devant les «pierres levées», stèles érigées en mémoire de leurs combats et des camarades tués, à Cambous (un mort), à Larroque le 8 août 1944 (sept morts*), à Vabre (deux morts).

A Labruguière le monument rappelle l’attaque et la prise d’un train militaire allemand le 19 août 1944 (cinquante-six prisonniers allemands, destruction de deux canons et prise de quatre canons intacts), combat suivi de la libération de la ville de Castres (4500 prisonniers allemands). Au quartier Fayolle de Castres, la stèle rappelle le nom des victimes (onze tués*), lors de poursuites – avec les autres escadrons du12e Dragons reconstitué, sous les ordres du Lieutenant-colonel Pierre Dunoyer de Segonzac – des Allemands jusqu’en Bourgogne, de l’intégration dans la Ife Armée française, des durs combats en Haute-Saône et dans les Vosges, en Alsace en Allemagne jusqu’au Lac de Constance, et la victoire le 8 mai 1945.

Environ une centaine de Juifs avait combattu dans ce Maquis de Vabre et particulièrement quatre-vingt-sept d’entre eux dans la 2e Compagnie «Marc Haguenau», commandée par le lieutenant «Lagnès» (Robert Gamzon «Castor», Commissaire national des Eclaireurs Israélites de France «E.I.», lieutenant de l’armée française pendant la guerre de 1939/40) et comprenant de nom­breux jeunes de Strasbourg ou de ses environs, entre autres, Maurice Bernsohn, Théo Dreyfus, Pierre Kauffmann, Alfred et Lucien Lazare, Claude Samuel, Max Warschawski, Simon et Léandre Weil, Jacques Rosenzweig… Ce dernier, qui a combattu l’ennemi jusqu’à la victoire et qui a été grièvement blessé au combat de Rochesson (Vosges) en octobre 1944, fut parmi les huit fonda­teurs de l’entité juive du maquis de Vabre, à La Malquière près de Lacaze, dès le mois de décembre 1943 avec sept autres camarades du chantier rural E.I. de Lautrec: Adrien Gensburger (de Mulhouse),

Roger Cahen, François Lévy, Jean Hirsch, Roger Bloch, Daniel Kouklia et Henri Glowinski. Ces huit camarades se rencontrent encore fidèlement chaque année et se souviennent des difficultés des premiers temps pour permettre leur instruction militaire presque sans armes puis de leur participa­tion à la «récupération» (avec une dans le dépôt d’un maquis voisin, des pre­mières armes provenant de para­chutages dont treize mitraillettes «Sten », onze revolvers, des grenades et autres munitions.

En juin 1944, ce groupe de La Malquière, intégré dès lors au Maquis de Vabre, reçut le renfort d’environ quatre-vingt jeunes Juifs suite à l’appel à la mobilisation des aînés des E.I. lancé pour le6 juin par Robert Gamzon au nom du Comité National des E.I. La ferme de la Malquière désormais trop exiguë et trop exposée fut alors abandonnée au profit de deux nouveaux cantonnements dans le même secteur:

-Lacado: une section commandée par le sous-lieutenant Adrien Gensburger;

-La Roque (avec annexe à La Farasse) : deux sections comman­dées respectivement par le sous-lieutenant Gilbert Bloch «Patrick », tué au combat de La Roque le 8 août 1944, et le sous-lieutenant Roger Cahen.

Dès juillet 1944, tous les maquisards étaient dotés d’armes individuelles et vêtus d’uniformes kaki (confectionnés pour l’intendance de la Résistance par les tailleurs juifs réfugiés dans la région). De surcroît les unités possédaient aussi quelques armes légères collectives comme des mitrailleuses Browning.

«Last but not least», n’oublions pas dans cette évocation nos courageuses «filles», la plupart cheftaines des E.I., notamment Liliane Marx, Denise Kauffmann «Marinette», Joëlle Dassas «Jojo », Elsa Safern «Sancho ». Après avoir grandement contribué au sauvetage des enfants juifs en organisant leur «planquage», elles servirent d’agents de liaison entre la Ville et le Maquis, distri­buant les ordres de mobilisation, guidant les jeunes vers les Maquis, acheminant du courrier, etc….

Elles ne figurent pas sur la liste officielle du registre du Maquis, mais nous leur devons respect et reconnaissance, car elles furent de grandes résistantes.*

* Liste des camarades juifs du Maquis de Vabre tués au combat en 1944/45: Lieutenant Gilbert Bloch (« Patrick »); Cavaliers Rodolphe Horowitz et Roger Gotchaux à La Roque, le 8 août 1944; Cavaliers Simon Weill et Albert Lifschitz dans les Vosges, automne 1944.