Kirschen André

Auteur de la fiche : Sources : Le DVD La Résistance en Ile de France édité par A.E.R.I. (Association pour l’Etude de la Résistance Intérieure). Renseignements communiqués par André Kirschen

Kirschen André

André Florin Kirschen est né le 15 août 1926 à Bucarest (Roumanie). Il arrive en France, à Paris, en 1931 avec ses parents et son frère Bernard. Son père Joseph Kirschen est un ingénieur radiologue réputé. La famille s’installe au 27 rue Cardinet (Paris, XVlle arrondissement), puis déménage en 1935 ou 1936 dans un appartement plus petit au 31 rue Duret, toujours à Paris (XVIe arrondissement). André fait ses études primaires au lycée Carnot, puis au lycée Janson de Sailly où son frère de cinq ans plus âgé fait également ses études. Il suit ensuite des études secondaires, d’abord à Janson de Sailly puis au lycée Pasteur à Neuilly-sur-Seine. André, s’intéresse très jeune à la politique. Il se passionne pour l’histoire de la Commune, de la Révolution française et lit beaucoup. En 1938, il suit les débats et conférences d’un « club » d’extrême-gauche, intitulé « les amis du front populaire et des volontaires de la Liberté » qui est installé rue de la Boétie dans le Vllle arrondissement. Il en est un spectateur assidu mais n’a évidemment aucune activité politique en raison de son jeune âge.

Au cours de l’été 1940, son frère qui a fréquenté à la Sorbonne des étudiants communistes adhère au Parti clandestin, en l’occurrence à l’Union des Etudiants et lycéens communistes de France » (UELCF). II propose à son frère de participer à ses activités malgré le fait qu’il vient juste d’avoir quatorze ans. Celui-ci accepte avec enthousiasme et participe avec de nombreux jeunes à des activités multiples (distribution de tracts, collage de papillons, participation à la manifestation devant le Collège de France contre l’arrestation de Paul Langevin, manifestation au Père-Lachaise (très peu de participants).

Son frère a été nommé « responsable de secteur », appellation pompeuse qui recouvre en fait la coordination d’une douzaine d’étudiants (parmi lesquels Pierre Daix ou Pierre Kast). En novembre 1940, la police française découvre chez une étudiante arrêtée pour distribution de tracts l’organigramme de l’UELCF. Le 27 novembre, le commissaire Cougoule en personne s’est déplacé pour procéder à son arrestation. On découvre dans le bureau de Bernard une petite imprimerie enfantine pour confectionner des papillons, des centaines de numéros du journal La Relève et des dizaines d’ouvrages marxistes. André qui ne figure pas sur l’organigramme n’est pas arrêté. Bernard est emprisonné à la prison de la Santé. C’est à partir de ce moment qu’il commence son activité militante autonome. Il ne milite pas au lycée Pasteur, jugé trop bourgeois, mais dans le secteur des Ecoles primaires supérieures. II en fut même un éphémère responsable (une dizaine d’adhérents). II est muté finalement aux Jeunesses communistes du XVie arrondissement, lance des tracts à la volée sur des marchés, participe à des collages de tracts et de papillons sur les murs. Il participe à la très importante manifestation du_14Juillet 1941. Le rendez-vous était boulevard Saint-Michel, totalement quadrillé par la police. II entonne avec un petit groupe de militants La Marseillaise, vite interrompue par une charge de la police. Il apprend alors qu’un autre rendez-vous est prévu sur les grands boulevards. Descendu au métro Strasbourg-Saint-Denis, il est impressionné par l’ampleur de la manifestation qui occupe tout le boulevard de Bonne-Nouvelle. Le cortège est chargé à la hauteur de Richelieu-Drouot. Il est convoqué pour une autre manifestation début août. II exprime alors au responsable qui le convoie son désir de se battre autrement qu’en distribuant des tracts. Étonné, celui-ci lui fait confirmer ses propos et lui répond qu’en effet on est en train de recruter des camarades pour tenter d’organiser la lutte armée. Il l’amène alors square Louis XVI où il lui fait rencontrer son futur responsable « Pétrus » (Pierre Tourette). Celui-ci lui demande son âge. André bluffe en annonçant qu’il a seize ans, alors qu’il vient juste d’atteindre ses quinze ans. C’est ainsi qu’il devient un des premiers adhérents de l’Organisation spéciale (OS).

Compte tenu de l’inexpérience de ses camarades et encore plus de la sienne, plusieurs projets de sabotages ou d’attaques d’officiers allemands n’aboutissent pas. II déclare qu’il,est plus simple de se déplacer seul à la recherche d’un officier isolé. On lui prête alors un petit revolver 6,35 mm avec lequel il abat un Allemand Porte Dauphine le 10 septembre 1941. II croit avoir tué un officier. Il apprendra des dizaines d’années plus tard qu’il ne s’agissait que d’un sous-officier de la marine (son magnifique uniforme l’avait trompé) et qu’il ne l’avait que blessé. Il est arrêté par la police française le 9 mars 1942 à un rendez-vous devant la statue d’Albert Ier. Amené à la Préfecture de Police, il est l’objet d’interrogatoires « musclés » pendant deux jours et finalement livré à la police allemande qui reprend les interrogatoires à coups de matraques et de nerfs de boeuf. Incarcéré, les mains entravées jour et nuit par des menottes, à la deuxième division de la prison de la Santé, il s’attend à être fusillé comme otage ou à la suite d’un procès expéditif. II est amené le 7 avril 1942 à la Maison de la Chimie où se déroule un procès qui regroupe 27 combattants. Il a raconté le déroulement de ce procès dans le livre Le Procès de la Maison de la Chimie, (Editions de l’Harmattan, 2002). Il pense que ses derniers jours sont venus. Avec stupéfaction, il apprend le 13 avril à la fin du procès qu’il ne sera condamné qu’à dix ans de prison parce que le code militaire allemand ne prévoit pas la peine de mort avant seize ans ! Il a en avril 1942, quinze ans et 8 mois). Deux autres jeunes combattants, âgés de dix-sept ans (André Aubouet et Kart Schoenhaar), seront condamnés à mort et exécutés le 17 avril. Il est déporté en Allemagne le 4 mai 1942 mais sera enfermé non dans un camp de concentration mais dans une prison puisqu’il a été condamné à une peine de prison. II restera trois ans dans l’isolement le plus total, seul en cellule. C’est là qu’il apprend en 1942 le sort de sa famille : son père et son frère ont été fusillés le 11 août 1942, sa mère déportée en septembre 1942. Rapatrié le 8 mai 1945, il a du mal à retrouver une vie normale. II reprend ses études, interrompues an classe de seconde. Il obtient les deux parties du baccalauréat en « session spéciale » en mars et juillet 1945. II entreprend alors des études d’Histoire et de Psychologie à la Sorbonne. Il est obligé pour gagner sa vie d’exercer plusieurs emplois éphémères (surveillant d’externat à son ancien Lycée) et est professeur de français dans les Ecoles d’apprentissage (futurs lycées professionnels). Membre du parti communiste jusqu’en 1979, il n’y occupe aucune fonction notable, mais il participera à la lutte contre la guerre d’Indochine puis contre la guerre d’Algérie. Il se marie en septembre 1953 avec Jeanne-Marie Sorozabal et a deux enfants jumeaux nés le 27 août 1956. Ainsi le groupe familial de quatre personnes qu’il avait connu dans son enfance est reconstitué. Il crée finalement en 1960 une maison d’édition qui connaîtra des succès et des déboires en raison de ses faibles moyens financiers. II devient en 1970 directeur d’une maison d’édition appartenant au groupe communiste Odéon-Diffusion, ce qui lui permet d’éditer plusieurs centaines de livres intéressants. Il sera l’auteur d’ouvrages originaux, notamment les « Journaux du temps passé », reproduction en fac simile au format réel et complets de journaux anciens, formule qui aura un grand succès et sera reprise par de nombreux éditeurs plus importants. Il est l’auteur d’une Histoire du Premier mai.

Ayant pris sa retraite officielle en 1992, il entreprend différentes recherches historiques qui l’amèneront à publier outre Le procès de la Maison de la Chimie, déjà cité, un livre consacré à l’Histoire de l’industrie cinématographique : Pathé Natan, la véritable Histoire et Louis Ferdinand Céline ou comment on bâtit une légende (parution prévue en septembre 2004).