MOUREU Henri Bertrand "Charles"

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Henri Bertrand MOUREU

Né le 2 août 1899 à Paris, il devient directeur du Laboratoire central de la PP en juillet 1941.

A la tête d’un laboratoire avec Frédéric Joliot-Curie, au Collège de France, il avait alors déjà été un des protagonistes de la « Bataille de l’eau lourde87 » : il réussit à en cacher un stock en provenance de l’usine Norsk Hydro de Rjukan en Norvège, qui avait été exfiltré de l’aéroport d’Oslo dans des conditions rocambolesques, le 12 mars 1940. Deux avions de ligne devaient décoller simultanément, l’un vers Amsterdam et l’autre vers l’Ecosse. Devant les espions allemands, au dernier moment un énergumène arrivé en taxi fait irruption au bord des pistes exigeant de prendre encore l’avion pour Amsterdam. Les policiers finissent par le laisser passer : le véhicule s’arrête entre les deux avions et on charge le personnage et ses valises. Cependant que, camouflés dans des bagages anonymes, les bidons renfermant 185 litres d’eau lourde partent discrètement dans l’avion vers la France via Edimbourg. Arraisonné en cours de route par trois Messerschmidt qui le forcent à se poser à Hambourg, l’avion d’Amsterdam ne révèle qu’un chargement anodin. Tous les protagonistes étaient

« de mèche » : directeur de l’usine de Rjukan, policiers, pilotes, passager et contrôle aérien…

Le 2e Bureau avait réussi un de ses plus beaux coups : les nazis n’auront jamais l’arme atomique. Les bidons arrivent dans les locaux de Moureu au Collège de France, et sont stockés dans ses sous-sols. Celui-ci fait partir l’eau lourde en juin 1940 vers Riom, à l’arrivée des Allemands. Au volant d’une camionnette, après un périple éprouvant, le professeur s’égare dans les rues de la ville, finit par rencontrer son contact, et camoufle son chargement dans les souterrains médiévaux de la prison locale. L’envahisseur approchant, les bidons sont rechargés et conduits à Bordeaux d’où ils partent pour l’Angleterre.

Pendant la suite des hostilités, Moureu se distingue par son courage tranquille dans les opérations de désamorçage des bombes ou de charges explosives.

 Il prend sa retraite de directeur honoraire en octobre 1964, officier de la Légion d’Honneur, de la Croix de combattant volontaire de la Résistance, titulaire de nombreuses autres distinctions.

Il est aussi membre de l’Académie des Sciences.

A sa mort, le 14 juillet 1978, les divers articles de presse qui relatent l’évènement soulignent le rôle éminent de Moureu dans la lutte contre le Reich, fournissant à la Résistance de nombreux renseignements sur les moyens scientifiques mis en œuvre par l’Allemagne en guerre, dont les fusées V1 et V2. Ses renseignements sur les bases de lancement étaient très précis. Il faut rappeler que, le 8 septembre 1944 encore, vers 11 heures du matin, un V2 s’est abattu sur Charenton, suivi d’une vingtaine d’autres dans la période du 2 au 5 octobre, tirés sur le nord-est parisien, sans grands dommages. Le professeur Moureu contribue alors à reconstituer les engins, collaborant aux analyses faites par les britanniques.

Il devient d’ailleurs président de la société française d’astronautique et maître de recherches au CNRS, occupant aussi de nombreuses autres fonctions prestigieuses.

Au sein de la Résistance, il travailla au profit du 4e bureau technique du FN sous l’autorité de  Joliot-Curie, il sabota des enquêtes et apporta à Joliot des éléments d’explosifs saisis par la Police.

Il confectionna également des « cocktails Molotov » lors des combats de la Libération. Moureu fut enfin en charge des mesures de protection techniques des centraux téléphoniques et des principaux sites politiques pendant l’insurrection parisienne.