Schweitzer Hélène
Auteur de la fiche : Professeur Jean Hertz
Hélène Schweitzer
Témoignage pour l’inscription de Schweitzer Hélène épouse Rosenberg (née le 1910 (Schiltigheim) – décédée en 1983 (Strasbourg) comme Juste de Yad Vashem.
Je soussigné Jean Hertz, Professeur émérite à l’Université Henri Poincaré, Nancy I, certifie la sincérité des faits suivants : Mon père Paul Hertz né à Strasbourg le 12 février 1900 et ma mère Suzanne Samuel épouse Hertz, née à Lure (Haute-Saône) le 18 mai 1904, étaient libraires à Strasbourg avant la seconde guerre mondiale. Ils étaient propriétaires de la Librairie de la Mésange, 18 rue de la Mésange. Nous habitions 15 rue de Wissembourg à Strasbourg, (mes parents, ma grand-mère maternelle Alice Katz, veuve Achille Samuel, née à Horbourg, Haut-Rhin, le 6 août 1883, ma sœur Anne Hertz née à Strasbourg le 12 juin 1930 et moi Jean Hertz né à Strasbourg le 29 juin 1934). Mon grand-père Salomon Hertz, Juif très pratiquant, avait compris, dès 1933, la dangerosité d’Hitler et du nazisme pour la communauté juive et il ne doutait pas de l’imminence d’une guerre contre l’Allemagne. Pour protéger sa famille il avait acquis en 1937 une vaste propriété, le Haut-Bary, dans le bordelais, à Coirac près de Sauveterre de Guyenne. Il pensait que les troupes allemandes seraient arrêtées avant d’atteindre Bordeaux : il souhaitait que les familles de ses trois enfants, (Yvonne, mariée, une fille, Paul et Georges, mariés deux enfants chacun à l’époque), puissent se rassembler au Haut-Bary en cas de conflit. Lui même mourut juste avant la guerre en 1939. J’ai déjà montré dans deux autres témoignages adressés à Yad Vashem comment Pierre Fouchier Pasteur de l’église réformée,(à Strasbourg avant la guerre, puis à Lezay, Deux-Sèvres, pendant la guerre) et Jacques Ellul, Professeur de Droit Romain à la Faculté de Strasbourg avant la guerre, et devenu paysan en Gironde pendant la guerre, ainsi qu’une chaîne de solidarité protestante de Bordeaux à laquelle l’un et l’autre étaient depuis toujours liés, issue des mouvements de jeunesse de l’église réformée, ont permis à ma famille d’échapper d’extrême justesse aux rafles de Papon en mai 1943 et de survivre à la Shoah.
Hélène Schweitzer
Dans le présent témoignage je vais parler d’une femme exceptionnelle, Hélène Schweitzer qui fut la cheville ouvrière pour la fabrication de quantités de faux papiers, au service de ce groupe de résistants protestants de Bordeaux mais aussi au service de beaucoup d’autres groupes résistants et Juifs menacés de déportation. Par son action remarquable elle à contribué à sauver des centaines de vies, mais n’ayant jamais rien raconté après la guerre de son action héroïque, même à sa propre famille, il m’a été très difficile de cerner l’ensemble de ses activités durant cette période 1940-1944. a partir de décembre 1944 il est plus facile de la localiser car elle s’est engagée dans les forces Françaises combattantes, 1er groupe de Commandos de Choc en tant qu’agent de liaison affecté au service de santé et qu’elle a participé à la campagne d’Alsace et d’Allemagne, qu’elle fut décorée de la Croix de Guerre et citée à l’ordre du Bataillon, le 11 avril 1945, pour « son action à Unterrotenbach ou elle fit preuve d’un courage et d’une énergie admirables ». Elle fut démobilisée le 8 mars 1946
Son adresse pendant la guerre ? C’est un mystère ! Hélène était partout à la fois. J’ai retrouvé, (un peu par hasard) à Aix en Provence Madame Weil épouse Conte Myriam chez qui Hélène semble avoir vécu plusieurs mois après l’armistice de 1940. J’ai personnellement croisé à plusieurs reprises Hélène Schweitzer à Lezay dans les Deux-Sèvres où nous étions réfugiés sous une fausse identité entre 1943 et 1945. Elle dormait une ou deux nuits chez nous puis disparaissait. Madame Veuve Pasteur Fouchier m’a expliqué en 1998 qu’Hélène disposait au presbytère protestant de Lezay, au premier étage, d’un bureau à double fond où elle cachait ses tampons et qu’elle y venait régulièrement confectionner les faux papiers réclamés par le Pasteur. Ma sœur Madame Labé m’assure qu’Hélène avait un pied à terre à Baignes-le-Tartre, mais je n’en ai aucune preuve. Ma cousine Jeannine Lévy a aussi rencontré Hélène Schweitzer à Paris en 1943. Sur ses papiers militaires Hélène aurait été domiciliée dans la région parisienne. Bref Hélène Schweitzer était partout mais nulle part ce qui traduit bien ses activités multiples et ses aptitudes à la fonction d’agent de liaison. Il est très regrettable qu’elle n’ai jamais livré à personne le récit de ces cinq années trépidantes qu’elle consacra, au méprit du danger, au sauvetage des plus menacés.
Hélène Schweitzer et son fiancé Emile Rosenberg
Pourquoi cette vocation de faussaire ? Hélène était d’une famille luthérienne de Strasbourg apparentée à celle du Docteur Albert Schweitzer. Avant la guerre elle tenait l’orgue au temple protestant lors de certains cultes. Elle avait fait les beaux-arts en Hollande et avait réalisé à Strasbourg des séries de très belles peintures à l’huile qui furent exposées à la Librairie de mes parents : c’est sans doute par ce biais que mes parents ont connu Hélène Schweitzer. Elle pratiquait aussi bien la gravure et le dessin à la plume. Je possède encore mon portait à l’huile sur toile, réalisé par Hélène lorsque j’avais 3 ou 4 ans, mais j’ignore où ce portrait a passé la guerre. Hélène s’était fiancée en 1939 avec un dynamique réfugié roumain, Emile Rosenberg, grand chef scout chez les Eclaireurs Israélites de Strasbourg. C’est sans doute cette affection qui la fit réagir immédiatement, dès 1940 aux lois antijuives de Vichy. Emile fut fait prisonnier dès le début de la guerre et ne retrouva sa fiancée qu’en 1945, dans les forces Françaises combattantes, sous le même uniforme. Juste à la fin de la guerre Hélène se convertit au Judaïsme (en un éclair à cette époque!) et épousa religieusement son fiancé le 14 juin 1945, dans Strasbourg libérée, les deux mariés sous l’uniforme. Cette conversion brutale au judaïsme ne fut pas sans provoquer souvent des tensions, après la guerre, entre Hélène et son propre mère, peu pratiquante mais attachée à sa tradition luthérienne, bien qu’elles habitèrent longtemps sous le même toit (d’après une conversation privée avec Madeleine Rosenberg, fille d’Hélène).
Conformément aux prévisions du grand-père Salomon, notre famille avait pu rejoindre le Haut-Bary à Coirac au printemps 1940, sans mon père évidemment, mobilisé dès la déclaration de guerre. Nous avions nous mêmes été bloqués à Courchevel où nous passions les vacances d’été 1939. les moyens de transport étaient réquisitionnés par l’armée; nous avons donc passé l’hiver 1939/40 à Courchevel, chez l’habitant. Au printemps 1940 les trois familles se retrouvaient au Haut-Bary, mais sans les hommes. Mon père a participé à toute la « drôle de guerre ».
Le Pasteur Fouchier avait quitté Strasbourg, il avait en charge la paroisse de Lezay dans les Deux-Sèvres. Jacques Ellul avait tenu devant ses étudiants strasbourgeois, au début de l’année 1940, des propos tendancieux les incitant à quitter l’Alsace ; il fut révoqué de l’Université et après divers périples se replia sur la région bordelaise à Martres où des amis lui prêtèrent une propriété agricole de un hectare. Il s’y installa avec sa femme, son fils Jean et je crois sa mère ou sa belle mère ? Martres et Coirac (où nous étions nous-mêmes repliés) étaient deux bourgades voisines, distantes seulement de 3 kilomètres, (coïncidence ou destin ?). Les deux communes se retrouvaient en zone occupée à 7 km seulement de la ligne de démarcation.
Dès le mois d’octobre 1940 Vichy proclama les lois anti-juives, les Juifs étrangers furent assignés à résidence surveillée dans des camps en France. En zone occupée allemande l’ordonnance allemande du 18 octobre 1940 faisait obligation à tous les Juifs de se faire recenser. Notre famille s’est déclarée à la sous-préfecture de Langon, j’ai conservé certaines de ces attestations, la première datant du 5 novembre 1940 portait encore le cachet « République Française » ! Plus tard ce cachet devait être remplacé par « Etat Français ».
Immédiatement et spontanément les anciens membres des mouvements de jeunesse protestante de Bordeaux se mobilisèrent pour porter secours et assistance aux persécutés. C’est par des personnalités éminentes de l’église luthérienne allemande que l’information de la persécution des Juifs allemands était parvenue bien avant la guerre au sein de l’église réformée de France. Ces informations transitaient par l’intermédiaire de pasteurs suisses en charge de paroisses françaises. Je cite textuellement ici un extrait du témoignage de M. Jean Bernyer, également reproduit en annexe de ce dossier, (Jean Bernyer a dirigé le réseau de résistance F2 dont la mission était de renseigner Londres sur les activités de l’occupant dans la région sud-ouest) :
« Dans votre témoignage (que j’avais adressé en 1998 au mémorial des justes de France) les personnes dont vous faites mention furent pour moi des amis extrêmement proches : d’abord l’adolescence, les années de l’occupation et le reste de la vie. Tous nous avions milité dans les œuvres protestantes : Eclaireurs Unionistes, Louveteaux ou Fédération des Etudiants protestants (J’avais assisté avec ma sœur au congrès de la Fédé à Strasbourg au début des années 30). Nous avions tous les mêmes valeurs morales, les mêmes exigences de justice et de respect de la dignité de la personne humaine. Il s’est donc trouvé que nous avons poursuivi les mêmes buts individuellement. Nous nous adressions à l’un ou à l’autre ami lorsque nous avions une difficulté ou un problème à résoudre. En fait il y eut la création spontanée du groupe sans qu’il y eut jamais ni réunion ni organisation. La communauté juive étant la plus persécutée, il est évident que nous nous sommes retrouvés à mener cette lutte… En ce qui me concerne j’avais été informé de ce qui se passait en Allemagne par un ami de notre groupe M. Jean Bichon qui à la fin de ses études était parti pour l’année scolaire 1938/39 à l’Université de Munich en qualité de lecteur de Français. Revenu à Bordeaux en juillet 1939 nous avions passé une longue après-midi ensemble et il m’avait informé du sort des familles juives allemandes, dont certaines habitaient dans le même immeuble que lui, qui souvent étaient déportées en camps de concentration par les Nazis. »
Entre 1940 et 1943 Jacques Ellul et ma mère Suzanne Hertz qui s’étaient bien connus à Strasbourg collaborèrent pour fournir des faux papiers d’identité aux Juifs et résistants menacés. Je suppose sans en avoir de preuve formelle que c’est ma mère qui avait mis en contact ce groupe de résistants bordelais avec Hélène Schweitzer. En tous les cas ce qui est certain c’est qu’Hélène fabriquait les faux papiers. Je l’ai vu faire sous mes propres yeux d’enfant, elle ne se cachait guère lorsqu’elle était chez nous. Elle semblait totalement inconsciente du danger qu’elle courait et malgré toutes ses actions héroïques, elle était toujours d’un calme désarmant. Jean Bernyer dans son témoignage parle d’au moins deux cents cartes d’identité qu’il aurait fabriquées avec des faux tampons réalisés par Hélène Schweitzer. Mais Hélène fabriquait beaucoup d’autres contrefaçons, notamment à Aix en Provence ainsi que l’atteste Madame Myriam Comte (témoin n°3). Elle en fournissait également à Paris ainsi que l’atteste le témoin n°2 Jeannine Lévy. Mon propre père qui vivait et travaillait à Lyon depuis sa démobilisation sous la fausse identité de Paul Monnier devait aussi avoir des papiers réalisés par Hélène Schweitzer, car je l’ai vu deux fois à Martres avant mai 1943 date de notre fuite dans les Deux-Sèvres.
La technique d’Hélène pour fabriquer les faux tampons. Ce sont ses qualités de graveur qu’elle utilisait. Elle partait de véritables coups de tampon frappés sur de véritables pièces officielles. Je l’ai vu graver le linoléum avec des stylets. J’ignore combien de sortes de tampons elle a pu réaliser mais son matériel de gravure était toujours avec elle dans un petit sas de toile d’environ 10 cm de hauteur fermé par un cordon qui servait d’anse de poignet et qui ne la quittait jamais. Ma sœur Anne m’a raconté que dans les périodes de couvre-feu où l’on craignait la visite d’une patrouille allemande, ma mère posait pendant la nuit le petit sac d’Hélène dans le lit de sa fille et qu’une nuit, la patrouille étant effectivement rentrée dans la maison, elle a parlé de diphtérie de la petite endormie ce qui a fait fuir le sous-officier. Je n’ai pas personnellement de tels souvenirs. J’ai su qu’un jour Hélène avait oublié son petit sac dans le train sur la banquette à côté d’un officier de la Wehrmacht et qu’elle est tout simplement remontée dans le train pour le chercher. Hélène semblait très peu émotive ! Je me souviens aussi qu’un soir à Lezay, en 1943, Hélène gravait son linoléum et que nous les enfants nous étions déjà couchés. Le couvre-feu était dépassé et une patrouille allemande frappa violemment à la porte. Ma mère s’énerva contre l’insouciance d’Hélène qui lui répondit calmement ces paroles inscrites dans ma mémoire : « Suzanne pourquoi es-tu si nerveuse ? »
Le dessin du tampon à reproduire était obtenu à l’envers par prégnation d’un coup de tampon authentique sur une pomme de terre coupée en deux. Puis reproduit sur un linoléum en version inversée : commençait alors le travail de gravure du linoléum au stylet. Je n’ai pas vu de mes yeux le procédé à la pomme de terre ; on me l’a raconté. Etant donné la diversité des tampons réalisés par Hélène, elle a effectivement dû se déplacer énormément dans toute la France. Les lieux de naissance étaient souvent choisis dans les communes où, par faits de guerre, les archives avaient brûlé : Toul, Etain, Roubaix etc. Avant notre fuite dans les Deux-Sèvres notre famille a été munie de faux papiers d’identité que j’ai en partie conservés :
- ma grand-mère Alice Samuel née Katz était devenue Alice Sambot née Borchat
- ma mère était Sophie Henrion née Sambot
- ma sœur était Anne Henrion et moi Jean Henrion
Je donne en annexe des exemples de faux papiers réalisés par Hélène Schweitzer, concernant ma famille. La carte d’identité de ma cousine parisienne Jeannine Lévy dite Leroy comportait d’ailleurs une faute d’orthographe dans le nom de la commune de naissance : Vaizon la romaine, qui aurait pu lui être fatale…
C’est à Lezay dans les Deux-Sèvres où le Pasteur Fouchier nous avait recueillis qu’étaient imprimés les faux formulaires vierges réalisés dans les papiers adéquats par l’imprimeur Monsieur Chopin : peut-être pas tous ceux qu’utilisait Hélène mais en tout cas ceux utilisés par le groupe de résistants bordelais. Mon père qui avait été « brûlé » dans toutes ses caches d’abord à Lyon puis à Toulouse nous avait rejoints à bicyclette à Lezay peu de temps après notre arrivée. Il a travaillé quelque temps à la composition chez l’imprimeur M. Chopin. Je me souviens d’avoir saisi des bribes de conversation entre mes parents qui m’avaient convaincu, (je n’avais que 9 ans), que M. Chopin faisait les formulaires de faux papiers. je m’en suis entretenu de vive voix en août 1996 avec son ancien chef d’atelier, M. Georges Hébert, membre des FFI. Il se souvenait très bien de mon père. Il m’a affirmé sans sourciller que M. Chopin, son patron, était bien trop « trouillard » pour travailler pour la résistance. Mais à l’époque chacun devait de méfier de tout le monde et la discrétion était la condition absolue de survie. Le rôle de M. Chopin m’a été confirmé, (sans que je lui en parle), dans le témoignage de Jean Bernyer, qu’il a bien voulu rédiger en mai 1998, lorsque je préparais le dossier Yad Vashem du Pasteur Fouchier.. J’ai d’ailleurs retrouvé des liasses d’actes de naissance vierges qui datent de cette période et j’en donne un en annexe. Mais des lettres anonymes de dénonciation partaient vers la Kommandantur. La postière de Lezay les interceptait. Madame Fouchier possède encore une de ces lettres dénonçant les activités de son mari. Mon père dut quitter son travail et rester à la maison. Je donne également en annexe la copie de ce témoignage primordial de Jean Bernyer qui écrivit à 86 ans :
« dès les années 41-42 il se trouva qu’il fallait faire des fausses cartes d’identités Edith (Cérézuelle) me dit avoir une amie pouvant faire des tampons gravés dans du linoléum épais, il s’agissait d’Hélène Schweitzer mais alors Edith ne m’avait pas dit son nom. Elle lui demanda de faire pour moi une douzaine de tampons de différentes mairies de localités situées en zone libre. Ces tampons me permirent d’établir environ 200 cartes d’identités parfaitement conformes. »
Et dans un post scriptum il ajoute :
« Ma famille et moi avons fait aussi quelques courts séjours chez Pierre Fouchier (à Lezay). Moi-même y suis venu en plus pour des motifs précis; en particulier pour Mr. Chopin, l’imprimeur, qui se donnait la peine de rechercher la qualité exacte du papier et prenait les plus grands soins pour me faire, en quantités, des documents parfaitement conformes. »
Dans un second témoignage ma cousine Jeannine Lévy décrit d’autres actions d’Hélène Schweitzer au profit de personnes juives demeurant à Paris et dans un troisième témoignage Madame Myriam Comte née Weil, que j’ai retrouvée presque par hasard, et dont la famille a hébergé Hélène Schweitzer au début de la guerre, à Aix en Provence confirme l’activité d’Hélène Schweitzer, dès 1940. Elle cite en particulier les lettres adressées à son fiancé dans des paquets de tilleul. J’ai vu faire Hélène Schweitzer à Lezay qui écrivait avec une plume très fine à l’encre de chine sur du papier à cigarette. Chaque feuille était insérée entre deux pétales de tilleul contrecollés. A l’immersion du tilleul dans l’eau chaude les lettres flottaient. C’était pour Hélène un moyen de communication courant car le tilleul intéressait fort peu l’occupant. je donne également copie du témoignage de Jean Bernyer, responsable à Bordeaux du réseau de renseignement F2 et qu’il m’avait adressé en 1998 à l’époque où je commençais mes enquêtes.
Hélène est morte relativement jeune à 73 ans. Son histoire héroïque restera à jamais inédite, ainsi en avait-elle décidé. Elle a contribué à sauver des centaines de Juifs persécutés par le nazisme et par Vichy. Je m’étonne un peu que personne ne l’ait jamais proposée pour être inscrite à Yad Vashem. Peut-être est-ce parce qu’elle se réclamait juive et que Yad Vashem n’est pas fait pour les personnes de notre propre communauté, mais pour ceux qui leur ont tendu la main pour les sauvegarder. En réalité Hélène était protestante à l’époque des faits, ce qui lui a permis de jouir d’une grande mobilité dans la France de Vichy. Son engagement pour la communauté juive a été jusqu’à l’adoption de sa religion, (je pense que philosophiquement elle était agnostique). J’ai assisté à son enterrement au cimetière Juif de Kronenbourg en banlieue de Strasbourg. C’est le grand rabbin Warschawski qui a prononcé au bord de sa tombe de magnifiques paroles simples et poignantes. Il a dit en substance : « cette femme mérite plus que chacun d’entre nous de reposer ici dans le cimetière de notre communauté… Eliane bath Abraham… »
Nancy le 2 mars 2001 |