MASPERO Hélène

Auteur de la fiche : Jacqueline Fleury

HÉLÈNE MASPERO

Nous perdons tous aujourd’hui une grande et chère amie et nous avons beaucoup de chagrin. Toutes les déportées qui ont connu Hélène Maspéro soit en déportation, soit au retour, gardent d’elle un souvenir émerveillé. Sous des dehors réservés et fragiles, Hélène cachait une force remarquable de caractère et d’indéniables qualités de cœur. Depuis le départ pour l’Allemagne jusqu’au retour en France, je ne pense pas qu’elle se soit jamais plainte, dans les pires moments elle est restée cette femme digne, d’une grande solidité morale, dont l’esprit, la culture, l’érudition, mais aussi l’humour accompagné de son demi-sourire malicieux nous emmenaient quelques instants loin du monde où nous vivions.Parfois aussi elle fredonnait des airs de son enfance, accompagnait Virginie qui nous berçait de negro-spirituals, chantait avec Marie « A Toi la Gloire ». Elle savait dire aux plus jeunes qui auraient pu être ses filles, le mot juste d’une mère qui réconforte, et tant qu’elle fut vaillante elle sut toujours redonner courage à celles qui étaient prêtes à le perdre. A Koenigsberg, le froid, la faim, les appels, la dureté du travail avaient rapidement eu raison d’elle. Elle entra au Revier, et c’est un miracle qu’elle soit rentrée tant elle était faible à l’arrivée de l’Armée Rouge. Elle était au bout de ses forces.

Son retour en France, après trois mois passés en Pologne, fut des plus pénibles. Lorsque beaucoup plus tard on lui demandait malencontreusement ce qui avait été le plus difficile à supporter lors de sa déportation, elle répondait immanquablement « Le retour ». En effet, dès son arrivée en France, elle apprit la mort de son mari, alors qu’on lui avait fait savoir de source autorisée qu’il était vivant, puis presque en même temps, elle connut la disparition de son fils aîné Jean.

Ce fut la seule fois qu’elle laissa paraître une faiblesse, mais très vite, elle se reprit. Son immense amour pour François, qu’elle retrouvait enfin, sa foi intense et profonde, son courage, l’aidèrent à faire face aux difficultés de tous ordres.

Elle se mit à passer des examens, à travailler. Encore une fois elle s’adapte à une situation pour laquelle elle n’était pas préparée. En même temps, elle n’oubliait pas ses camarades de déportation. Elle aida les unes, hébergea les autres. Elle participa activement à différentes activités de l’A.D.I.R. et à la rédaction du livre « Les Françaises à Ravensbrück ».

Jamais elle n’arrêta de se cultiver, de lire, d’écrire. Elle termina même un travail universitaire. Ce n’est que pendant les dernières années de sa vie qu’elle souffrit réellement de ne plus pouvoir continuer ses activités intellectuelles, alors que son esprit restait toujours aussi clair, lucide et sa mémoire si fiable.

Notre camarade Marie-Anne Pfeiffer venait d’achever une conférence destinée aux élèves de Terminale du lycée Ste-Clothilde de Strasbourg (classes de paramédicale et gestionnaire). Elle avait illustré ses paroles par certains passages particulièrement évocateurs de la cassette qu’elle a enregistrée relatant ses différentes expériences de résistance et de déportation. Étonnée du silence qui suivit ses derniers mots, elle lève les yeux et voit alors tout son jeune auditoire se lever pour une minute de silence singulièrement émouvante. Prenant ensuite la parole, l’un d’eux la remercie au nom de tous et ajoute : « Promettez-nous, Madame, de revenir chaque année au lycée afin que les camarades qui nous succéderont puissent eux aussi bénéficier de votre témoignage ».