Kolinka Ginette

Auteur de la fiche : Patricia Arzel Mazet

Ginette Kolinka, l’une des dernières survivantes de la Shoah

« Soyez des passeurs de mémoire ! » : c’est le souhait qu’a formulé Ginette Kolinka à l’issue de sa conférence, au collège de Rhuys, de Sarzeau (Morbihan), jeudi 1er avril 2021.

À 96 ans, Ginette Kolinka (au centre) continue de faire le tour des établissements scolaires pour que les jeunes n’oublient pas l’horreur de la Shoah. | cliché OUEST-FRANCE

« Je suis née en février 1925, à Paris. Je suis la sixième d’une fratrie de sept enfants », commence Ginette Kolinka. L’une des dernières rescapées du camp de concentration Auschwitz-Birkenau a raconté son histoire à la centaine d’élèves des quatre classes de 3e du collège de Rhuys, de Sarzeau (Morbihan), jeudi 1er avril 2021, dans un silence chargé d’émotion.

« Je suis arrêtée en mars 1944 »

Juive non pratiquante, Ginette passe son enfance à Aubervilliers et voit sa vie bouleversée par la Seconde Guerre mondiale alors qu’elle a tout juste 16 ans. En juillet 1942, prévenue d’une arrestation imminente, sa famille parvient à rejoindre la zone libre et à s’installer à Avignon dans le Vaucluse. Mais tout bascule, en mars 1944. Probablement à la suite d’une dénonciation, « je suis arrêtée en mars 1944 par la Gestapo avec mon père, mon petit frère, mon oncle et un de mes cousins », raconte-t-elle.

Après plusieurs étapes à la prison d’Avignon, puis celle des Baumettes à Marseille, la famille se retrouve internée au camp de Drancy, Seine-Saint-Denis, pendant un mois, avant d’être déportée, en train, au camp d’Auschwitz-Birkenau, en Pologne, dans le même convoi que Simone Veil.

« Ils ont été emmenés dans les chambres à gaz »

« Dès l’arrivée, je suis brutalement séparée de mon père et de mon frère que je ne reverrai plus car ils sont immédiatement emmenés dans les chambres à gaz », se souvient la rescapée. Ginette est alors sélectionnée pour des travaux de terrassement qu’elle endure dans des conditions effroyables jusqu’en octobre 1944, période à laquelle elle est transférée successivement aux camps de Bergen-Belsen, en Allemagne, et de Theresienstadt, en Tchéquie.

En mai 1945, « je suis libérée par les alliés et rapatriée à Paris, le mois suivant », poursuit Ginette. À peine reconnaissable car elle ne pesait plus que 26 kg, elle retrouve sa mère et les autres membres survivants de sa famille.

Pendant plus de 40 ans, Ginette garde le silence

Pendant plus de 40 ans, Ginette garde, pour elle, cette terrible période de sa vie. Mais au début des années 2000, elle fait la connaissance d’une association de déportés, dont elle devient une des ambassadrices. Elle sillonne alors la France pour transmettre son histoire et rappeler l’horreur de la Shoah, plus particulièrement aux jeunes générations.

« À quoi pensiez-vous dans le train du départ ? »

À l’issue de cette conférence, après quelques secondes de silence, les collégiens ont pu poser leurs questions. « À quoi pensiez-vous dans le train du départ ? » demande l’un d’entre eux. Ginette n’en a aucun souvenir. « Comment étaient les relations entre les détenus dans le camp ? », questionne une autre. « Il y avait de l’entraide avec certains. Il fallait du courage mais ça a existé », répond-elle. « Qu’est-ce que vous mangiez ? », s’enquiert un autre. « De l’eau marron en guise de petit-déjeuner, une eau chaude baptisée soupe pour le déjeuner et une tranche de pain de mie avec de la margarine faisait office de dîner. Avec ce régime, pas de souci pour garder la ligne, », s’amuse Ginette. « Qu’est-ce qui vous a le plus manqué ? », interroge un élève. « Tout, il n’y avait rien ! Mais on s’habitue très vite », affirme-t-elle. « Qu’est-ce que vous avez le plus détesté ? » demande une collégienne. « Je n’oublierai jamais le moment où je me suis retrouvée nue pour me faire raser avant qu’on ne me tatoue mon numéro de matricule. »

Ginette a terminé sa conférence par un message fort : « C’est la haine qui a été la cause de tout ce malheur. Et l’histoire ne pourra jamais vraiment montrer l’horreur de ce qu’on a vécu. »