Famille BLOCH-BARRAULT

Auteur de la fiche : Jean-Pierre BLOCH-BARRAULT

Famille BLOCH-BARRAULT

La Famille BLOCH-BARRAULT a payé un lourd tribut pour la libération de la France. Jean-Pierre BLOCH-BARRAULT le raconte ici très simplement.

De lointaines origines alsaciennes et aussi loin que les archives et les souvenirs nous ont été transmis, chaque génération a dû payer un tribut plus ou moins lourd dans les conflits qui se sont succédés ces derniers siècles. Déjà, au début du 19ème siècle, des aïeux se sont trouvés enrôlés dans les armées napoléoniennes, puis après le désastre du conflit de 1870 la partie de la famille encore implantée en Alsace a voulu quitter l’univers ancestral pour demeurer français. Vient ce que l’on a qualifié à l’époque « la grande guerre », celle de 1914-1918, mon père (Jacques BLOCH-BARRAULT) y participa pleinement et fut blessé, heureusement sans avoir à subir de dures séquelles, à trois reprises, notamment lorsqu’il se trouva un temps affecté à la Division Marocaine ; le frère de ma mère, Jean LÉVI-STRAUSS, engagé volontaire très jeune, touché gravement à Verdun, ne s’en re­mit jamais complètement ; un cousin Asher, Pilote de chasse fut abattu en vol.

Mes parents eurent malgré tout 4 enfants : trois garçons : Jean-Louis (1912), Jean-Claude (1917), Jean-Pierre (1924) et une fille Denise (1916).

Lorsque la guerre éclata en septembre 1939, une fois encore contre l’Allemagne, mon père (Officier de réserve) et mes deux frères, se retrouvèrent sous les drapeaux ; le premier à l’E.M. de la 9ème Armée général Corap, Jean-Louis en face de la Sarre, dans les corps-francs, Jean-Claude dans la ligne Maginot à Lon­guyon. La débâcle de 1940 vit mon père et mon frère Jean-Louis prisonniers de guerre et internés aussitôt en Allemagne ; Jean-Claude échappa à la captivité, ayant contracté une grave affection pulmonaire, se trouvait dans un centre médico-militaire à Prats de Molot (Pyrénées-Orientales). Ma mère, ma sœur et moi-même, après avoir fui sur les routes jusqu’à Bordeaux regagnâmes Paris dès que le trafic fut rétabli. C’est alors, malgré un avenir chargé de menaces d’autant plus graves que nous étions d’origine israélite, que ma mère, malgré les objurgations du reste de la famille, décida de rester coûte que coûte dans la capitale, en y voyant en toute logique, le seul moyen de renouer contact avec nos prisonniers et pouvoir éventuellement leur porter secours. Ma sœur et moi-même décidâmes de rester près d’elle. Cette décision, lourde de conséquences, entraîna chacun d’entre nous à prendre une part de plus en plus importante dans le conflit et en quelque sorte scella le destin de certains d’entre nous.

Nous demeurâmes dans la capitale jusqu’à fin juillet 1942 ; entre temps, miraculeusement, mon père avait été rapatrié en août 1941 à titre dancien combattant 1914-1918, dans le cadre d’un dernier geste (?) de l’occupant vis-à-vis du gouvernement de Vichy. De son côté, mon frère Jean-Louis s’était évadé et avait rejoint sa femme et son fils à Lyon… Bien entendu, les deux premières années s’avérèrent mouvementées : l’on commença l’apprentissage de la vie souterraine (fausses identités, domiciles différents…) et d’un certain combat qui, forcément, pour nous, revêtait une forme peu virile (distribution de tracts et de la presse clandestine).

Fin juillet 1942, mes parents de leur côté, ma sœur et moi-même d’un autre, regagnèrent la zone encore « libre » après un passage mouvementé de la ligne de démarcation. Dès lors, mes parents parvinrent à reprendre, pour vivre, une petite activité à Lyon, sous nom d’emprunt (BARRAULT) bien évidemment, et ne furent plus directement inquiétés.

Voici un bref résumé des parcours de leurs 4 enfants :

Ma sœur Denise (Ambroise) entre alors en plein dans la Résistance avant de travailler pour les services britanniques : elle débute en participant à 100% dans le réseau « France au combat » comme agent de liaison et convoyeuse d’un opérateur radio anglais (Hilaire, George Starr), puis son réseau s’associe au réseau « Détective » dépendant de la section du 50E. Trahi, ce mouvement voit une série d’arrestations en novembre 1942 de tous les dirigeants, seuls Denise BLOCH et l’opérateur radio y échappent. Mais les services de répression française ne l’ignorent plus et la condamnent à 10 ans de travaux forcés par le tribunal de Lyon. Elle doit disparaître et réussit en avril 1943 à rejoindre la Grande-Bretagne, après un internement prolongé en Espagne. Aussitôt arrivée à Londres, elle se porte volontaire pour des missions des services secrets britanniques, en tant que Lieutenant des corps des FANY ; elle reçoit pendant 10 mois une formation pour devenir elle-même opératrice radio; après un premier échec de débarquement furtif en Bretagne, elle retourne en France, près d’Angers, avec Robert BENOIST, chargé de ranimer le réseau « Clergyman« .

Durant ses trois mois d’activité, elle envoie 31 messages et en reçoit 52. Entre temps, Robert BENOIST a récupéré des rescapés de « Ches­nut », réseau détruit durant le démantèlement fin 1943 du réseau « Prosper ».

Fin mai 1944, l’organisation mise en place en île de France est opérationnelle et de nombreux parachutages sont effectués pour armer la 2éme région FFI de Seine et Oise Sud. Ce surcroît dactivité ne passe pas inaperçu des services allemands qui finissent par les repérer, d’autant que le comportement d’un membre important du réseau se révèle plus que douteux. Mi-juin, les Allemands déclenchent la destruction du réseau que venait de reconstituer Robert BENOIST.

C’est ainsi, comme de nombreux autres opérateurs et opératrices du SOE, que la mission de Denise BLOCH ne dure que trois mois ; le 19 juin 1944, elle est arrêtée avec d’autres membres du réseau, dont Robert BENOIST. Après deux mois de détention à Fresnes, et « 84 Avenue Foch », elle est déportée en Allemagne, au camp de Ravensbrück où, après avoir subi de mauvais traitements, elle sera finalement abattue d’une balle dans la nuque en même temps que Violette SZABO et Liban ROLFE, fin janvier 1945.

Mon frère, Jean-Claude, après sa démobilisation et suivant le conseil de mes parents, reste en zone libre, subsistant en participant aux travaux agricoles. Courant 1943, fuyant les réquisitions de main d’œuvre pour l’Allemagne, il regagne Lyon, puis le maquis du Haut Jura. Il participe à de nombreuses actions et c’est lors de l’une d’entre elles qu’il est abattu par une unité des GMR, dans les circonstances relatées par la citation qui lui a été conférée à titre posthume : « Caporal Jean-Claude BLOCH – maquis du Haut Jura (Ain) A été mortellement blessé le 15 mars 1944 à Mondeaux (Ain) au cours d’une attaque menée par les GMR. Transporté à l’hôpital d ‘Oyonnax, a refusé de donner son identité ni aucun renseignement sur ses camarades. Est mort le 16 mars 1944 en déclarant : je n’ai pas voulu prendre la responsabilité de tirer le premier sur des Français »

Mon frère Jean-Louis avait commencé avant-guerre une brillante carrière dans la création de la chaîne des Monoprix. Aussitôt après son évasion, les Galeries Lafayette l’avaient intégré dans une structure discrète d’approvisionnements située dans un grand entrepôt de Lyon-Vaise, structure qui réunissait d’autres cadres de l’entreprise contraints de quitter la capitale.

Très rapidement mon frère prend des contacts avec la Résistance pour finalement être enrôlé par LAMBROSCHINI (alias Nizier) dans l’intendance du réseau GALLIA. À ce titre, il se charge de créer des filières (habillement et alimentation) destinées à l’approvisionnement des maquis qui, dès 1943, se constituent par les réfractaires au service obligatoire en Allemagne, devenant de plus en plus nombreux, souvent associés aux transfuges de l’armée d’Armistice.

Les rangs de la Résistance, décimés en permanence, Nizier et mon frère sont amenés, en plus, à créer autour d’eux une cellule à la disposition du PC de Lyon, chargée de missions diverses essentiellement de renseignements et de liaison. Pus, Nizier est désigné pour effectuer la réorganisation de la Résistance en Haute-Savoie décimée après la tragédie du Plateau des Glières ; mon frère l’accompagne pour l’assister dans cette tâche. Il en est ainsi jusqu’à la libération totale de la région par la reddition des garnisons allemandes.

Ainsi, LAMBROSCHINI et mon frère, et d’autres membres de la cellule, partent pour Annecy début mai 1944, alors que de mon côté, je ne les rejoins qu’un mois plus tard après avoir effectué encore différentes liaisons indispensables entre Lyon, Marseille, Toulouse et Limoges.


(1) LAMBROSCHINI Joseph alias Nizier, immatriculé R.P. 75, est né le 22 juillet 1913 à Toulon (Var) père de deux enfants, il fut recruté par Henri GORCE-FRANKLIN et EL MALEH, spécialisé dans le renseignement économique, le chef du réseau le détachera au bureau national du Maquis. A la Libération, Lieutenant-Colonel F.F.I., il sera nommé Consul de France au Libéria..