COSSIAUX EMILIE "Mélie"

Auteur de la fiche : Jacqueline Fleury

EMILIE COSSIAUX

Mélie, pour beau­coup d’entre nous, s’est éteinte à Nantes, en février dernier.

Née à Saint-Quentin au début du siècle dernier, notre amie avait vécu une adolescence meurtrie dans une région envahie et ruinée par un occupant qui a eu, durant la guerre 14-18, les mêmes violences, les mêmes exigences que celles que nous connaîtrons durant la seconde guerre mondiale.

Rebelle, malgré sa jeunesse, elle se fait remarquer par des actes de courage contre l’oppresseur. Rebelle, elle l’est toujours en 1940 lorsqu’elle s’engage à Paris dans le réseau Centurie. Agent de liaison, elle transporte du courrier, des armes, elle aide des clandestins jusqu’à son arrestation en mars 1944 en présence de ses jeunes enfants. Elle sera conduite à Fresnes et connaîtra les interrogatoires de la rue des Saussaies. C’est de Romainville en août 1944 qu’elle quitte la France dans l’un des derniers convois.

A Ravensbrück, devenue le « Stück » 61117, elle rejoint la barraque 24 où maman et moi faisons sa connaissance. C’est ainsi qu’ensemble nous subissons le choc de ce qu’est la vie dans le camp, puis dans plusieurs commandos au gré de nombreux transports, jusqu’au 13 avril 1945 où nous serons jetées sur les routes d’Allemagne par nos sadiques gardiens. Ils nous contraindront à une marche hallucinante au cours de laquelle nous ne devrons notre survie qu’aux gestes de solidarité des unes et des autres. Toujours combattante, Mélie fit preuve d’une grande force de caractère et nous étonna par son courage.

En Tchécoslovaquie, le 9 mai, nous verrons les premiers éléments de l’Armée Rouge dont les Mongols sèment la terreur.

Suivra, en zone américaine, une très longue et insupportable attente à Limbach, petite ville transformée en centre de regroupement réservé aux déportées. Nous nous croyions libres, non soumises aux directives américaines qui régissent la vie des habitants, quelle illusion ! N’ayant pas respecté le couvre-feu, une dizaine d’entre nous (compagnes de commandos retrouvées dans le Centre) fut enfermée dans une cellule de la prison sous la garde d’un « Boch ». Ce terme, nous l’employions souvent, Mélie toujours !

Rentrerions-nous un jour

En wagon à bestiaux – notre cinquième transport – nous ne retrouvons la France qu’en début juin. Mélie revoit enfin ses deux enfants quittés dans des conditions dramatiques lors de son arrestation et à Paris reprend sa vie familiale mais reste très proche de nous.

Elle adhère à l’A.D.I.R., et apporte une aide efficace à nos Compagnes qui, rue Guynemer, reprennent goût à la vie. Elle sera bouleversée lors de notre départ « obligé » de ce lieu d’accueil si nécessaire aux plus isolées d’entre nous. Elle commentait ce triste départ avec son franc-parler que nous aimions tant et son accent picard qui réapparaissait dans les moments de colère.

Lorsqu’elle ira s’installer à Nantes, auprès de sa fille, toujours fidèle, elle ne manquera jamais d’assister au déjeuner annuel de notre Commando, sa présence nous réjouissant toujours beaucoup.

Nous voulons dire à ses enfants que dans nos coeurs Mélie demeure une Voix et un Visage.