JEANNIN-CARREAU Eliane

Auteur de la fiche : Michèle Agniel

ELIANE JEANNIN-CARREAU

Eliane nous a quittées le 15 juin 1999.

Née à Bayonne en 1911, elle devient après des études classiques, élève de l’Ecole nationale supérieure des Beaux-Arts de Paris section peinture, puis a la suite de revers de fortune familiaux doit se résoudre à travailler dans une grande banque.

Ayant entendu le 18 juin 1940 l’appel du général de Gaulle, elle adhère en 1941 à une filière de la résistance, l’OCMJ (Organisation civile et militaire des Jeunes), remarquablement présidée par Charles Verny alors âgé de 20 ans et diplômé des Sciences Politiques.

Arrêtée à son domicile le 31 août 1943 et livrée par la police allemande des frontières à la Gestapo, elle est incarcérée à Fresnes. Interrogée, torturée, elle réussit à taire le nom et les activités de son groupe. A la fin de 1943, elle fait partie des femmes dirigées vers Compiègne où elles rejoignent d’autres internées de province. Elles constitueront le premier grand convoi de femmes, les 27000, destiné, comme les suivants, au remplacement dans les usines d’armement du Grand Reich du personnel masculin mobilisé.

Dans l’entassement de notre quarantaine au bloc 22 de Ravensbrück, elle m’a révélé mes facilités pour le dessin et encouragée à continuer l’expérience qui m’a permis de remettre au Musée de la Résistance et de la Déportation de Besançon les silhouettes exécutées sur toutes sortes de papiers avec des crayons subtilisés par mes camarades. Je lui dois depuis les meilleurs moments de mon existence.

A la mi-avril 1944, nous sommes expédiées, dans un contingent de 220 Françaises, à Holleischen pour travailler dans la poudrerie des usines Skoda dissimulée dans la forêt sudète, à la fabrication et à l’expédition des munitions anti-aériennes du front italo-allemand. Elle prend alors, avec toutes, sa part active au sabotage du travail imposé, en dépit des risques encourus (trois de nos camarades furent hélas pendues à Flossenburg quinze jours avant notre libération) jusqu’au 5 mai 1945, date de notre délivrance par un coup de main d’une cinquantaine de militaires polonais égarés dans notre forêt. Nous serons rapatriées par l’intermédiaire des Américains le 15 mai.

Réduite à 37 kf très éprouvée dans sa santé. Eliane sera immobilisée au foyer qu’elle a créé avec un époux digne d’elle. A 43 ans elle met au monde sa fille Anne, si conforme à ses merveilleux parents, et qui lui a donné les deux petits-enfants qui furent la joie de son existence.

Eliane était membre de l’ADIR., seule association qui, sous la présidence toujours actuelle de Geneviève de Gaulle Anthonioz, prolonge au-delà de toute considération politique ou sociale, notre solidarité totale de la déportation et le même idéal qui ont permis aux survivantes françaises de rentrer.