BOUTOULE Éliane

Auteur de la fiche : Elsa Défontaines, d’après La France résistante, histoires de héros ordinaires.

Éliane BOUTOULE

 

DATE DE NAISSANCE : 7 avril 1925

RÉSEAU : Armada Lons-le-Saunier, Lyon.

Éliane Magnin est née le 7 avril 1925 à Lons-le-Saunier dans le Jura. Ses parents divorcent alors qu’elle a une dizaine d’années. Son père Robert Magnin l’influence beaucoup et fait preuve de convictions inébranlables face à l’occupant. Tout cela le pousse directement à entrer en Résistance dès le début de l’Occupation et à entraîner avec lui sa fille, « qui ne peut que le suivre. » Dans un Lons-le-Saunier déserté, Éliane voit ‘ses’ premiers soldats allemands. Ils traversent la ville dans leur blindés dans un vacarme assourdissant et très impressionnant pour la jeune fille.

Mais il faut attendre le 1er mai 1943 pour voir le premier acte de Résistance d’Éliane. Elle est alors chez son père à Louhans en Saône-et-Loire. Un groupe de tractions noires roule lentement à proximité du garage Vacher où se réunissent plusieurs jeunes. Voyant ce qui allait se passer, son père dit à Éliane d’essayer coûte que coûte de joindre Monsieur Vacher et de lui dire de ne surtout pas rentrer chez lui. Elle le cherche dans un café, sous les arcades et est présentée à un jeune homme, Pierre Boutoule, qu’elle épousera plus tard, en vain. Monsieur Vacher rentre chez lui est arrêté, torturé et déporté.

En 1943, l’appel de la grande ville se fait sentir pour la jeune fille. Éliane part à Lyon où elle commence à travailler dans les bureaux d’une entreprise de Villeurbanne, les Fils Dynamo. Un après-midi, en traversant le pont Morand, elle est dépassée par un tramway. Pierre Boutoule, qui est à l’intérieur, descend à l’arrêt suivant et la rattrape. Ils discutent alors longuement de la France, des Allemands, des collabos et de la Résistance… Cette discussion signe son entrée dans la Résistance et plus particulièrement dans le réseau « Armada » créé par Pierre Boutoule et son ami Raymond Basset, alias « Mary ».

Né à Guîtres en Gironde, le 16 avril 1918, Pierre Boutoule possède déjà une solide expérience de l’action. Incorporé au 92ème R.I puis au 49ème, il participe à la campagne de mai 1940 et est fait prisonnier à Lille avec toute son unité. Transporté dans un stalag de Prusse Orientale, il s’évade et rejoint l’URSS où il est emprisonné à Moscou puis à Smolensk. Il appartient au « groupe des 186 », des prisonniers français, qui après le 22 juin 1941, rejoignent l’Angleterre et les forces de la France Libre à bord du navire britannique Empress of Canada. Le 9 septembre 1941, ils arrivent en Angleterre où Pierre Boutoule suit pendant quelques mois un stage d’entraînement au sabotage. A sa sortie, il est parachuté en France dans la région lyonnaise où il doit mettre sur pied des groupes de combats.

Après la rencontre sur le pont Morand, Éliane devient agent de liaison et « boîte aux lettres ». Elle reçoit 6 à 8 courriers venant de divers mouvements par semaine. Ces courriers sont très variés. Ce peuvent être des armes déguisées en « kilo de sucre » ou des billets de banque. Le réseau Armada est très efficace dans le secteur. Un de ses membres, Dominique Zanini, compagnon de route depuis l’Angleterre de Pierre Boutoule, établit une liste de voitures allemandes à détruire au moyen d’embuscades, ce qui sera fait.

Le groupe essaie aussi de s’attaquer à des trains de matériel, de charbon ou de munitions qui roulent vers l’Allemagne. Ce genre d’opérations nécessite énormément de précautions. D’une part parce qu’elles peuvent tourner au drame et provoquer des fusillades, et d’autre part à cause des trains de voyageurs empruntant la même voie et qu’il ne faut surtout pas attaquer par erreur.

Éliane entrepose également chez elles des armes, du plastic, des détonateurs, des cordons Bickford, des revolvers. Elle dispose également de cyanure pour se suicider en cas d’arrestation par la Gestapo, mais il est placé au fond d’un tiroir bien trop difficile à attraper en cas de besoin.

En juillet 1944, dans un hangar des PTT, Éliane remplit de bâtons de plastic des bidons d’essence vides ensuite entassés dans une barque. Objectifs : faire sauter dans la nuit du 6 au 7 le barrage de La Mulatière. Ce barrage, sur la Saône, permet aux péniches allemandes d’assurer les liaisons avec le Midi et de ravitailler en pétrole les sous-marins de la Kriegsmarine basés en Méditerranée. Cette opération connaît un franc succès pour la petite équipe composée de Pierre Boutoule, Marcel Bonhomme, René Bride et « doigts coupés ».

La vie de résistante de la jeune Éliane Boutoule était remplie d’événements de la sorte, de prises de risques, de coups de chance, comme quand, alors que Boutoule et Bonhomme posent des explosifs le long d’une voie ferrée, une sentinelle allemande s’approche sans qu’Éliane ne puisse prévenir ses amis. Semblant se douter de quelque chose et ne voulant rien risquer, le soldat rebrousse chemin.

Cela dit Éliane avoue aujourd’hui n’avoir connu la peur que lorsque, flânant devant les vitrines un jour à Lyon, elle aperçoit juste derrière elle une connaissance membre d’un autre réseau suivie par des gestapistes qui lui murmure : « Surtout ne vous retournez pas, ne me parlez pas. Sachez que j’ai tout subi, sauf la balle dans la tête. »