DUVAL Lucien

Auteur de la fiche : Elsa Défontaines d’après La France Résistante, histoire de héros ordinaires de Alain Vincenot, Editions de Syrtes 2004.

DUVAL Lucien

Lucien Duval est né le 22 août 1921 à Rombas en Moselle. Fils d’un travailleur de la Société lorraine des aciéries, le futur Sacilor, il y entre en 1937 pour y travailler pendant une quarantaine d’années. Grand patriote dès son adolescence qui se mettait au garde-à-vous à la première note la Marseillaise passant à la radio, il n’hésita pas, accompagné de son ami Gaston Watelet à s’engager dans l’armée française le 14 mai 1940, au 196ème RALT (Régiment d’Artillerie Lourde Tractée). C’est au sein de ce régiment qu’il passa toute la campagne de France, vivant l’humiliante retraite jusqu’au bout dans le sud de la France.

Pour un cœur aussi patriotique que le sien, le discours du Maréchal Pétain, annonçant la cessation des combats, fut un véritable choc. C’est évidemment à sa chère Lorraine que ses premières pensées allèrent. La nouvelle annexion allemande de cette région lui était alors insupportable et c’est cet état d’esprit qui le poussa à rejeter la défaite et refuser l’humiliation.

A force de ténacité, lui et Gaston Watelet, évitèrent la démobilisation, en intégrant, après la dissolution du 196ème RALT, à Hyères le 24ème Bataillon de chasseurs alpins (BCA), l’ancienne unité de Philippe Pétain. Ils y restèrent jusqu’en 1942, allant même jusqu’à signer une déclaration de fidélité au Maréchal, sans s’y sentir lier d’une aucune façon. L’unique but des deux amis était l’entraînement pour la guerre.

Le 11 novembre 1942 marqua pour eux et pour la France à une plus large échelle un changement radical. Lucien Duval et Gaston Watelet nourrissaient tout d’abord le désir de voir leur bataillon s’embarquer pour l’Afrique du Nord. Hélas cela n’a pas eu lieu, mais leur volonté inébranlable et leur amour inconditionnel pour la France les menèrent à de nouveau refuser l’Armistice, la collaboration et à se lancer dans des actions de Résistance. Le 1er février 1943, Duval et Watelet partirent pour Grenoble. Ils y furent recrutés dans le secteur Anel par André Virel, agent de détournement d’armes dès novembre 1942. Nanti de trois identités différentes, dont la véritable, il intégra un groupe de transmission radio avec le statut d’agent P2 (agent permanent). Avec le temps, l’activité du secteur « Anel » s’intensifia. En effet il assurait la liaison entre la centrale de Nice et Londres et traitait donc de plus en plus de messages. La vie était très dure, la terreur, la crainte de la Gestapo et pour les radios, la lutte contre les voitures radio goniométriques qui essayaient d’intercepter leur émissions et de les localiser. De plus l’augmentation des messages à transmettre renforçait la pression. La situation se dégradait assez rapidement et le secteur dut traverser du 25 au 29 novembre 1943 ce qu’on appellera plus tard « la Saint-Barthélemy grenobloise » qui vit la prise de nombreux résistants. Le 14 mars 1944, renseignée par un membre du réseau pris la veille, la Gestapo tendit un piège à Lucien Duval, place du Maréchal-Pétain à Aix-les-Bains, l’arrêta et l’embarqua sans le fouiller. C’est cette négligence qui permit à Duval de se débarrasser de quelques pièces hautement compromettantes, telle, entre autres, la liste des quartz indiquant les fréquences radio et le courrier pour Nice. Ces documents furent d’ailleurs miraculeusement retrouvés.

Une fois arrivé au siège de la Gestapo, Lucien Duval se cramponna à deux résolutions : ne pas parler et s’évader. Il tenta à cette fin de simuler une crise cardiaque mais dut se résoudre à une autre feinte. Il fut sévèrement battu. Toutefois, les mauvais traitements n’entamèrent en rien sa détermination à se taire et à s’évader. Le 19 mars 1944, il tenta de se laisser glisser le long d’une corde faite de bande de toile à matelas découpées avec ses dents. Hélas, à cause des mauvais traitements subis, il ne put tenir et lâcha prise. Atteint par la balle d’une sentinelle au visage, il perdit conscience et se réveilla à l’hôpital.

Le 22 mars, l’un de ses gardiens lui proposa de prévenir quelqu’un. Après maintes hésitations il lui confia l’adresse professionnelle de Jocelyne Guéranger, son amie. Grâce à l’entremise de ce policier, Jocelyne (d’abord méfiante) réussit à rendre visite à Lucien Duval et à lui faire passer le message comme quoi André Virel, lui-même arrêté et évadé d’un train de déportés en janvier 1944, prépara son évasion. Grâce à une coopération entre plusieurs réseaux de renseignements, André Virel put organiser la constitution d’une pseudo escorte de gestapistes. Un déserteur autrichien de la Wehrmacht joua le rôle d’un gestapiste hurlant des ordres en allemand et deux français furent déguisés en officiers allemands, grâce à la complicité d’une tenancière de maison close, elle-même résistante, qui rendit possible une acquisition frauduleuse d’uniformes. Le commando disposait même d’une voiture Opel sur laquelle avaient été disposées les plaques minéralogique de la Gestapo reconnaissables aux lettres « POL ». L’évasion a lieu le 16 avril 1944 à 13 heures. Les amis de Duval hurlent sèchement pour plus de crédibilité et ne sont pas soupçonnés par les infirmières qui obtempèrent malgré quelques protestations dues à l’état de faiblesse de Duval. Le commando profite de cette opération pour récupérer également Louis Gorga, membre de « Corvette ».

Une fois sa convalescence terminée, Lucien Duval a été affecté en août 1944 à l’état-major des maquis de la Vienne, où il connut une fin de guerre plus calme. Il épousa Jocelyne Guéranger le 12 décembre 1944.

Ce n’est qu’après la guerre que Lucien Duval apprit son appartenance au réseau F2, créé en septembre 1940 par un officier polonais, Thadée Jekiel et dépendant du MI 6 britannique. Ce réseau a connu jusqu’à 2800 agents dont 739 P2 et 85 tués, 151 déportés et 58 internés.

Le jeune frère de Lucien Duval, Raymond, fut incorporé à la Wehrmacht malgré son infirmité à la jambe droite et disparut sur le front russe.