DUPOUY Didier

Auteur de la fiche : Archives du Comité pour la réalisation du Musée de la Résistance et de la Déportation. D’après le témoignage de Didier DUPOUY du 10-09-1997 enregistrée sur Cassette Vidéo, par Gilbert Dupau et Jean CROHARE

Didier DUPOUY

Lorsqu’il rejoint la Compagnie CROHARE, Didier DUPOUY, 18 ans,  porte un brassard bleu blanc rouge avec, à la place des lettres FFI, un cœur rouge surmonté d’une croix, sigle d’une organisation catholique, et appartenant à son père. C’est ce brassard qu’il porte lors des combats du Pont de Bats.

Voici son témoignage

« J’ai rencontré le capitaine CROHARE pour la première fois à Sarbazan, lorsque j’ai signé mon engagement et reçu le matricule n° 3216. J’ai été affecté à la section Alban DUBROU de la 7ième compagnie de chasseurs du Corps Franc Pommiès, connue sous le nom de ‘’compagnie CROHARE’’.

Alors que nous venons de Saint Mont dans le Gers où nous avons été armés et habillés, nous arrivons le 21 août 1944 à Mont de Marsan. Nous défilons dans les rues en uniforme, avec les autorités civiles et militaires. Venant de la direction de l’hôpital Sainte Anne et de la base aérienne, nous entendons des tirs sporadiques. Nous prenons position au carrefour de la clinique des Landes derrière des barricades. Mon frère René s’étant blessé en descendant d’un camion, est hospitalisé à la clinique des Landes.

Dans la soirée, nous sommes rappelés en urgence à la préfecture pour partir en renfort sur la route de Bayonne, d’où l’on entend le crépitement des tirs de fusils. Nous apprenons que les Allemands tentent d’entrer dans Mont de Marsan. On nous distribue un paquet de cigarettes à chacun et une bouteille de rhum pour quatre.

Sur ces entrefaites, arrive le capitaine CROHARE. Il vient chercher des renforts pour soutenir ses deux sections de chasseurs, confrontées aux troupes allemandes à Cère. Il ne peut pas repartir. Ordre lui est donné par le capitaine TRAMON de rejoindre le pont de Bats avec les chasseurs de la section DUBROU.

Après avoir contourné la ville, un camion nous dépose derrière l’église de Saint Pierre du Mont. De là, nous partons à pied à travers champs et bois vers le pont de Bats. Aux environs de 20 heures, après une accalmie des tirs, nous nous postons sur la voie ferrée. Nous apercevons les Allemands qui se regroupent dans des camions, tous feux éteints, éclairés ave de petites loupiotes, pour tenter de revenir vers la ville.

L’ordre d’ouvrir le feu est donné. Certains lancent des grenades, du moins ceux qui savaient s’en servir. Moi, pour ma part, je les ai conservées. J’ai tiré avec mon fusil Remington, vidant deux chargeurs. Le camarade MOUNEYRE m’a fait signe de rester couché. Dans l’obscurité je n’ai pu remettre un troisième chargeur. Nous faisons feu dès l’instant où des fusées éclairantes permettent de localiser les postions.

Après un instant de surprise, les Allemands, nous repérant sur la voie, réagissent. Ils répondent par un tir en enfilade. Le capitaine est tué et tombe à côté de moi.  

Pris sous un feu nourri, nous nous replions. Séparé de notre chef Alban DUBROU, je me retrouve aux côtés de René DUPOUY, agent de police à Mont de Marsan. Nous nous enfonçons dans les bois. Arrivés aux abords d’une maison, nous entendons des voix. J’avance prudemment au coin de la maison. Je perçois des voix et des bruits de pas. Pas de doute, les Allemands nous poursuivent. Nous faisons demi-tour et je trébuche sur un chaudron. Nous essuyons des tirs de mortiers. Nous nous réfugions dans un champ de maïs. Les obus tombent à proximité. Je suis recouvert de tiges de maïs. Les tirs cessent. Aussi craintifs que nous, les Allemands sont repartis vers la voie ferrée. Nous continuons le repli vers une ferme, connue de DUPOUY. La maison est pleine de femmes et d’enfants, venant de la ville. Il y en a même sous la table. Le propriétaire nous dirige vers la grange et une meule de paille. Le matin, à la pointe du jour, il apporte du café. DUBROU et les copains sont là.

Nous nous rendons à Mont Alma, route de Grenade. Henri DUCOUNEAU a emprunté un vélo et part aux nouvelles. Près du puits, nous faisons un brin de toilette. Je m’aperçois que mon fusil Remington a été endommagé au cours du combat. Une balle a traversé le support en bois du canon. A son retour, notre éclaireur nous informe que la ville est libre. Nous repartons en direction de la caserne Bosquet, les uns à pied, les autres en camion.

La mort du capitaine CROHARE est confirmée. Un appel est fait à deux volontaires pour récupérer son corps au pont de Bats. Michel DUBROU et moi-même partons dans une ambulance. Nous sommes surpris de ne pas retrouver le corps sur la voie. Nous suivons des traces de sang qui nous conduisent vers un roncier distant de15 à 20 mètres. Le corps y a été traîné, les vêtements sont déchirés et le corps mutilé. Le lendemain, un piquet d’honneur, tenu jour et nuit par les chasseurs de la compagnie, est installé en l’église de la Madeleine, jusqu’au jour des obsèques. Étant mineur, ne pouvant signer un engagement pour la durée de la guerre sans l’autorisation parentale, mes parents n’ont pas voulu me laisser repartir, car j’avais deux sœurs en bas âge à la maison. Je suis rentré chez moi le 26 octobre 1944, en gardant le souvenir de tous ces moments. A cet âge là, on s’en souvient toute la vie. Mon frère René, plus âgé, a pu continuer.