Elbaz David

Combat
Combat

Auteur de la fiche : Patrice Castel

David Elbaz


Né en 1891 à Frenda, dans la région d’Oran (Algérie) au sein d’une famille juive séfarade, David Elbaz s’est, très tôt, affirmé par son courage, son patriotisme, sa grande discrétion ainsi que sa modestie. Durant la Première Guerre mondiale il prit une part active dans la campagne des Vosges, ne craignant pas d’effectuer toutes les missions périlleuses, afin de préserver la vie des hommes de sa section. Dès lors, la citation à l’ordre de l’armée qui lui valut plus tard la Croix de guerre avec palme, puis la médaille militaire, rappelle qu’

« il ne cessa pas sur le front, et depuis le début de la campagne, de donner à ses hommes l’exemple du courage et de l’énergie ».

Le patriote humilié par la défaite de 1940

 Résistant de la première heure, dès le mois de juin 1940, n’admettant pas le déshonneur lié à la défaite et à l’occupation de la France, David Elbaz a tout naturellement rejoint une poignée de patriotes, venus de tous les horizons politiques, qui estimaient qu’il valait mieux mourir au nom de la lutte clandestine que de vivre en esclaves. Véritable « préhistoire » de la Résistance toulousaine, cette période est marquée, à la fin de l’année 1941, par la fusion du Mouvement de Libération Nationale (M.L.N.) avec Liberté, qui donnera naissance à Combat. D’abord implanté dans le Comminges, dès novembre 1941, Combatallait se développer par la suite dans le secteur de Grenade-sur-Garonne, sous l’impulsion de « Serge » Marcouire, en amalgamant le groupe qu’Albert « Jean » Carovis y avait constitué dès 1940.

L’action initiale passait, au sein d’une chaîne de décision, de propagande et de diffusion très efficace, par la distribution des premiers tracts et du journal Combat ; Elle était alors exercée par David Elbaz[1]sur son lieu de travail, à la Cartoucherie, ainsi que dans le quartier Saint-Cyprien puis, plus tard, dans le secteur de Lévignac- sur-Save / Bouconne. Le groupe Trezel, dirigé par David Elbaz (son pseudonyme, en souvenir d’un village de l’Oranais), affilié au mouvement Combat,était placé sous les ordres de « Serge » Marcouire et de Germain « Buisson » Carrere. Ses contacts les plus courants étaient alors « Caser » Petit-Jean et Albert « Jean » Carovis (secteur 1 de l’Armée Secrète).

Le Résistant

 Très rapidement, David Elbaz était désigné par Combatcomme responsable de la diffusion clandestine et de la propagande dans le secteur Ouest de Toulouse, où il rendait officiellement compte à « Jean » Carovis. Dès le dernier trimestre 1942, du fait de la mise en place progressive de l’Armée Secrète (A.S.),issue de la fusion de Combat,Libération et Franc-Tireur,David Elbaz fut aussi chargé de l’aide logistique à cette nouvelle organisation. Il fit, parallèlement, du renseignement en tant que correspondant (spécialiste des questions d’armement) du réseau Brutus – Vidal (France Combattante), dirigé par Gaston « Vidal » Vedel[2].

Pour autant, cette tâche, bien qu’essentielle, ne suffisait pas à l’occuper. Il prit des risques énormes en sabotant le plus régulièrement possible la production du matériel de guerre que la Cartoucherie fournissait aux Allemands, dans le cadre des accords d’armistice. A ce titre, il s’entendit avec des camarades d’atelier et des bureaux appartenant également à la Résistance[3]pour réduire, par tous les moyens, le rythme de fabrication, à tel point que la production allait rapidement décroissant.

Evidemment, une telle activité, à ce niveau d’implication, ne pouvait qu’éveiller les soupçons de la direction de la Cartoucherie[4], de la police de Vichy et de l’occupant, d’où trois perquisitions particulièrement dures, à son domicile du 11 de la Rue du Four de Pibrac, qui lui montrèrent qu’il était temps de se mettre à l’abri avec les siens. Cette période, en janvier 1943, est marquée au plan national par la décision de faire fusionner CombatLibération et Franc-Tireur en vue de la création des Mouvements Unis de la Résistance (M.U.R.)[5]. A la fin du printemps 1943, François « Forain » Verdier, qui est passé de Libérationà Combat, devient chef régional des M.U.R.

Combat constituant, sur les plans régional et départemental, l’ossature des M.U.R.,il n’est pas étonnant que David Elbaz soit placé sous l’autorité de leur chef départemental « Serge » Marcouire, du responsable du Noyautage des Administrations Publiques (N.A.P.) Germain « Buisson » Carrere, ainsi que du responsable de la propagande « Caser » Petit-Jean.

Identifié et à la veille d’être arrêté, David Elbaz quitta précipitamment Toulouse au mois de novembre 1943 avec son épouse, Yvonne[6], son fils, Roger[7], et son frère cadet, Jean[8], et se replia à Menville (près de Lévignac-sur-Save) où il forma le maquis Trezel, à la tête duquel il prit part à de nombreux sabotages et combats contre les Allemands[9].

Le 19 juin 1944, eut lieu l’arrestation, à Grenade, de « Serge » Marcouire, Germain « Buisson » Carrere et « Delrieu » Bartoli, responsables M.U.R. – M.L.N., ce qui affecta profondément David Elbaz.

Lors de la libération de Toulouse, le 19 août 1944, les éléments du maquis Trezel prirent part aux combats de rues qui se déroulèrent dans le quartier Saint-Cyprien et au Fer à Cheval.

 Bien que membre du Comité directeur de Combat,David Elbaz n’a jamais sollicité de poste de choix à la Libération. Il est revenu, tout naturellement, sur son lieu de travail, à la Cartoucherie où il a retrouvé son poste, tout en siégeant quelques temps à la Commission d’épuration installée au camp de Noé.

En 1949, la Croix de Chevalier de la Légion d’Honneur lui a été décernée au regard du rapport de la direction du réseau Brutus – Vidal,qui le décrivait de la manière la plus élogieuse : « un combattant courageux et habile qui a mené la lutte pendant toute l’occupation ennemie dans tous les domaines : renseignements techniques, sabotages, aide au maquis et à l’armée secrète. A fait preuve d’une incessante volonté et d’une rare intelligence dans l’accomplissement des tâches les plus diverses comme les plus périlleuses ».

Sa nomination au grade de Chevalier de la Légion d’Honneur fut accompagnée de l’éloge suivant : « Résistant de juin 1940 qui, pendant toute la clandestinité, au mépris du danger, a fait preuve de beaucoup de dévouement, de désintéressement et d’un grand courage en organisant la Résistance à la Cartoucherie de Toulouse et dans le canton ouest de cette ville. Ayant été l’objet de trois perquisitions, a quitté volontairement son poste et a organisé un maquis qui a pris part à plusieurs opérations contre l’ennemi. A la libération, le 19 août 1944, il prit part à la tête de son groupe aux combats de rues dans Toulouse. Belle figure de la Résistance ».

Par ailleurs, David Elbaz a obtenu la Croix de guerre 1939-1945 avec palme, la Médaille de la Résistance, la Croix des combattants volontaires, la Médaille de la Libération, ainsi que son homologation au grade de Capitaine.

L’homme de convictions

Militant radical-socialiste convaincu, David Elbaz fut sollicité en 1953 pour figurer sur la liste de M. Bourges – Maunoury aux élections municipales. Conseiller municipal, il fut désigné au mois de janvier 1954 Maire-adjoint de Toulouse, poste qu’il a occupé jusqu’en 1959. Après une courte interruption, David Elbaz a siégé au sein de la municipalité de M. Louis Bazerque jusqu’en 1971, date à laquelle il s’est retiré de la vie publique. Il est décédé le 2 juillet 1974.

Les Toulousains qui se souviennent de David Elbaz, gardent de lui l’image d’un humaniste, républicain invétéré et serviteur dévoué du service public.

Fiche rédigée par Patrice Castel, à partir des archives de Roger Elbaz

[1]Appartenance au groupe-franc du mouvement Combat homologuée du 10 juin au 19 novembre 1943. Direction du groupe Trezel(Armée Secrète) homologuée du 20 novembre 1943 au 22 août 1944.

[2]Brutus-Vidal,dirigé par le Tarnais Gaston Vedel, est un sous-réseau de Froment. Financé directement par Vedel, il fonctionne de façon autonome à Toulouse et à Bordeaux et, plus tard, les circonstances aidant, dans la région parisienne (réseau Bonnet-Darius).

[3]C’est l’occasion d’un rapprochement avec le groupe Libérer et Fédérer de la Cartoucherie. Ce groupe, qui ne comptait qu’une dizaine de membres, était alors dirigé par Fernand Coll (le frère d’Adolphe Coll, qui fut membre du Comité directeur du mouvement) et Jacques Cassan. Ses missions essentielles étaient la diffusion de tracts, journaux et mots d’ordre de Libérer et Fédérer à Toulouse, ainsi que la réalisation de petits sabotages à l‘intérieur de la Cartoucherie(cf. J.- P. Pignot). C’est le groupe Libérer et Fédérer de la Cartoucherie, dirigé par Louis Cabé, qui a fourni aux alliés les plans du site, en vue d’un raid aérien, alors que, selon Roger Elbaz, son père a tout fait pour « éviter un bombardement du site et du quartier résidentiel voisin ».

[4]Il est rapidement écarté des ateliers d’armement et affecté au service de la correspondance générale.

[5]La mise en œuvre de ces directives sur le plan local ne se fait pas sans mal, étant donné la multiplicité des groupes, les tentations individualistes et les oppositions idéologiques ou personnelles. A ce titre, selon « Serge » Marcouire, de Combat (in M. Goubet, P. Debauges, Histoire de la Résistance Haute-Garonne, Toulouse : Milan, 1992, 250 p) les différents mouvements de la Haute-Garonne, intégrés au sein des M.U.R., ont gardé jalousement leur autonomie au moins jusqu’à la fin 1943. Pour autant, David Elbaz s’est souvent illustré du fait de son ouverture d’esprit et de sa propension à rechercher l’unité d’action, par exemple avec Libérer et Fédérer.

[6]Elle-même résistante, secrétaire de David Elbaz dans la clandestinité.

[7]Roger, né en 1932, a toujours paru plus âgé. Ainsi, on n’a pas hésité à lui a confier des missions d’agent de liaison et de renseignement. Arrêté en août 1943 par les Allemands et interrogé assez fermement, il fut heureusement rapidement relâché faute d’éléments suffisants. Il participera par la suite à de nombreuses actions échafaudées par son père. En mai 1944, de passage à Toulouse pour transmettre un message, il apprit qu’un détachement allemand devait attaquer le lendemain matin le maquis de Menville. Sans perdre une minute, il partit donner l’alerte, ce qui l’obligea à fausser compagnie à une sentinelle allemande qui l’avait arrêté sur le pont de Blagnac, au titre du non-respect du couvre-feu, et qui tira dans sa direction une rafale de pistolet-mitrailleur. Après une nuit à bicyclette et à pieds à travers champs, Rogerput rejoindre le lieu de cantonnement du maquis. Le décrochage eut lieu juste avant l’attaque ennemie. Cette action d’éclat a valu à Rogerla Médaille Militaire et la Médaille de la Résistance.

[8]Jean Elbaz « Germain », né en 1905, travaille en qualité de directeur technique (personnel civil) sur la base aérienne de Francazal. Ses principales actions dans la Résistance, aux côtés de David, sont de livrer des informations sur la base aérienne aux alliés, d’aider les réfractaires au S.T.O. et d’organiser des passages à travers les Pyrénées. Il constitue également des stocks d’armes et d’explosifs et multiplie les coups de main contre l’occupant, allant même jusqu’à dérober une auto-mitrailleuse. Il participe aux combats de la Libération, à la tête de sa section du maquis Trezel.

[9]In rapport d’activités du groupe Trezel.