Chailleux Daniel

Auteur de la fiche : Ce texte réécrit en février 2004 par le Docteur Chailleux est basé sur une interview de juillet 2002 pour l’ « A.E.R.I Ile de France » au cours de laquelle le Docteur Chailleux répondait aux questions de Marc Fineltin.

Daniel Chailleux

Récit du docteur Daniel Chailleux en 2002 revu en 2004

J’ai vu le jour à Paris en juillet 1922 dans le XIIe arrondissement.

Mon père était directeur commercial dans une entreprise de distillerie d’alcool de fruits. Ma mère ne travaillait pas. À la déclaration de guerre en 1939 je poursuivais mes études au lycée Henri IV à Paris.

 

Mon engagement dans la Résistance.

Le 11 novembre 1940 un certain nombre de lycéens et d’étudiants avait décidé de défiler sur les Champs-Élysées, de remonter jusqu’à l’Étoile pour se recueillir sur la tombe du soldat inconnu, et  de ce fait, protester contre la présence de l’occupant nazi. Bien entendu les soldats allemands se trouvaient dans les avenues et rues de ce quartier, d’autant que la manifestation prenait de l’ampleur. Il y avait environ une centaine de personnes présentes, mais pour les Allemands, c’était déjà beaucoup trop. Ils couraient vers nous baïonnette au canon de leurs fusils. Personnellement, je me trouvais dans le haut de l’avenue Kléber, évitant de courir, prenant une attitude aussi décontractée que possible. Je suis passé entre deux soldats par miracle, car ils avaient la baïonnette pointée en avant. Me comportant comme si je ne participais pas à la manifestation, j’ai réussi à passer et à me diriger vers le métro. Par contre, j’ai assisté à des arrestations de camarades que je n’ai jamais revus et j’ignore ce qu’ils sont devenus, car ils ont été aussitôt emmenés dans des camions de l’armée allemande stationnés au bord des rues.

À ma connaissance, ce fut à Paris la première manifestation de la Résistance ce 11 novembre 1940. Elle ne dura pas très longtemps, fut vite dispersée ce qui évita un massacre. Après la fin de la guerre, les historiens en ont fait mention.

Après novembre, je fréquentais toujours mon lycée, mais moi qui étais un élève assidu et je pense, sérieux, j’ai commencé à y aller de moins en moins, car un de mes camarades avait été contacté par une personne déjà entrée dans la Résistance, et je saisis l’occasion pour me faufiler dans ce qui en fait (je l’ai su plus tard) était un des premiers réseaux. Nous avions de temps à autre des réunions par petits groupes de cinq à six amis. Notre chef direct était cette personne citée plus haut. C’était une femme remarquable. Son chef à elle n’était pas connu de nous. La raison était évidente : si on était arrêté on ne pouvait pas révéler grand-chose puisque nous ne savions rien de ce que faisaient les autres résistants du réseau. La prudence était extrême.

J’ai appris également beaucoup plus tard que mon engagement volontaire dans la résistance française s’est inscrit dans le temps le 1er novembre 1940 donc avec un effet rétroactif de onze jours. Ce n’est pas ce que l’on peut appeler un engagement de la dernière heure (en 1944 comme certains). Lorsque l’on montait dans la hiérarchie, on pouvait perdre de vue les camarades du moment, en rencontrer quelques autres. Mais les chefs étaient toujours invisibles et inconnus, condition essentielle de la réussite. Cette rigueur était telle que je n’ai appris le nom de mon réseau qu’après la guerre, ce qui est tout de même très étonnant. Il s’appelait S.S.M.F.T.R. ce qui signifie : Services Spéciaux Militaires Français de Transmission de Renseignements. C’était un réseau militaire rattaché au Ve bureau de l’armée, c’est-à-dire le contre-espionnage. Nous étions donc avant même de le savoir des soldats de l’ombre, sans uniforme. Notre fonction consistait à  recueillir le maximum de renseignements sur les convois militaires allemands qui passaient par Paris et la banlieue. On relevait les numéros minéralogiques des convois, les insignes, et toutes marques distinctives qui se trouvaient sur les voitures, les camions etc. Le même travail était fait dans les gares pour les trains et parfois à proximité des terrains d’aviation ce qui était la partie la plus difficile de nos recherches. Tous ces renseignements venus de beaucoup d’endroits et grâce à beaucoup de résistants, permettaient en haut lieu de reconstituer les destinations des forces allemandes, leur importance et quels régiments les composaient.

Cette mission se poursuivit donc de novembre 1940 à avril 1941. Le 12 avril 1941 une réunion était prévue avec les camarades du moment et  notre seul chef connu, dans un appartement situé près de la Bourse, 1, rue du 4 septembre à Paris. Ce jour-là nous étions une dizaine environ. En pleine réunion, nous avons entendu du bruit, des bruits de bottes et des vociférations en allemand. Nous avions compris. Les policiers militaires avaient emprunté à la fois l’escalier principal de l’immeuble et celui de service. Ils étaient bien renseignés car en quelques instants nous étions arrêtés, embarqués dans des voitures vers un hôtel de l’avenue Foch réquisitionné par les Allemands. Ceci se passait vers 17 h et jusqu’à 20 h nous sommes restés dans cet hôtel. On nous a posé très peu de questions et nous avons été en soirée transférés à la prison de Fresnes. Beaucoup plus tard nous avons su que nous avions été dénoncés. Il convient de préciser que notre arrestation a été exécutée par la Feldpolitzei et non par la Gestapo. La Feldpolitzei était la police de la Wehrmacht. Ce fut un peu de chance dans notre malheur car les procédés de cette police étaient moins brutaux et moins expéditifs que ceux des S.S.

A Fresnes et dans les bureaux du tribunal militaire nous avons subi un certain nombre d’interrogatoires dans des conditions relativement normales, sans grave brutalité et sans torture. De toutes façons ils n’ont pratiquement rien appris de nous, car en raison de ce qui a été expliqué plus haut, nous ne savions que très peu de choses et les renseignements que nous transmettions à notre chef, s’ils étaient inscrits sur papier, étaient immédiatement détruits après la transmission.

L’instruction de notre procès terminé, un avocat fut commis d’office pour nous « défendre », c’était un officier allemand. L’avocat français choisi, ne pouvait qu’assister mais n’avait aucun droit à la parole ni à une plaidoirie. Ce fut une parodie de justice. Chacun d’entre nous était jugé séparément. Mon procès a eu lieu le 12 juillet 1941 devant le tribunal militaire allemand du Grand Paris, rue Boissy d’Anglas. J’étais accusé d’espionnage contre les forces armées allemandes et passible de la peine de mort.

Ce procès a-t-il été mené et jugé régulièrement ? Évidemment pas. La plaidoirie de l’officier allemand commis, était peu convaincante. Si la forme a été à peu près respectée, le fond certainement pas. En définitive, six ou sept d’entre nous avons été condamnés à mort, dont notre chef. Le soir même nous étions reconduits dans nos cellules à Fresnes ne sachant pas ce qui allait se passer par la suite.

Un jour dans ma cellule un officier allemand est venu me demander de signer mon recours en grâce. À cette époque, transcendé par un idéal patriotique sans compromission, j’ai refusé ne voulant rien devoir à l’ennemi de mon pays. J’attendais donc chaque matin que l’on vienne me chercher pour être fusillé. Bon nombre de fois au petit matin, j’avais, par le bruit très perceptible dans la prison, entendu des héros partir vers le peloton d’exécution. Je crois que je me sentais prêt. Et puis un beau jour on est venu me dire sans aucune explication, que j’avais été gracié et condamné à six ans de réclusion en forteresse en Allemagne.

Sur le moment je n’ai pas compris, ayant refusé de signer mon recours en grâce. Je m’étonnais de ne pas avoir été fusillé. À cette époque la majorité était à 21 ans, j’en avais 19. Peut-être devais-je voir dans ce fait, la raison de cette clémence ? Je n’ai su que bien plus tard la vérité en rentrant en France. Étant mineur, ma mère avait été autorisée à signer à ma place.

Ensuite nous avons été déportés en Allemagne vers la mi-août. Le voyage a duré une dizaine de jours, car sans cesse notre train était mis sur des voies de garage pour laisser passer les convois prioritaires. Nous étions assis dans des trains normaux. Les fenêtres étaient toutes grillagées et les portes des compartiments fermées à clé. Nous sommes passés de prison en prison dans les villes de Karlsruhe, Mannheim, Mayence, Francfort, Coblence, pour arriver dans la forteresse de Rheinbach appelée Zuchthaus, près de Bonn.

Mis en cellule avec deux autres prisonniers, au début à part la promenade journalière, il n’y avait rien à faire. Les prisonniers politiques ou résistants n’étaient pas forcément ensemble en cellule. On pouvait être mélangé à des droits communs allemands ou autre, ou à des détenus politiques allemands opposés au régime hitlérien. Je suis resté à Rheinbach de fin août à fin septembre 1941.

Puis sans savoir pourquoi nous avons été, certains d’entre nous, transférés un peu plus loin à 20 km de Cologne, dans le Zuchthaus de Siegburg en Rhénanie. J’y suis resté jusqu’en août 1943. Durant ce temps j’ai travaillé dans les ateliers de tailleur, de cordonnerie, de menuiserie etc. de la prison. Après j’ai été autorisé à travailler en commando chez les paysans ou parfois dans des entreprises diverses.

À la prison la nourriture n’était pas bonne, ni en qualité, ni en quantité, on survivait. Nous avions très peu de nouvelles de la famille : une lettre tous les deux ou trois mois. J’ai entendu en 1943 de très près, les bombardements sur Cologne qui fut entièrement détruite. Ce fut pour nous malgré le danger, une immense joie.

Un beau matin en août 1943 on a appelé un certain nombre d’entre nous dans le grand hall de la forteresse, on nous a dit que nous rentrions en France. On nous a rendu nos vêtements civils en échange de nos uniformes de prisonniers. Nous avons été très inquiets, bien plus que lors de notre arrestation où nous étions dans le feu de l’action. A Siegburg on avait eu le temps de perdre sinon notre idéal, mais à coup sûr notre optimisme. Par ailleurs, le « téléphone arabe » marchant très bien nous avions entendu dire que des prisonniers français ou d’autres nationalités avaient été ramenés dans leur pays d’origine pour y être fusillés.

Alors évidemment le voyage de retour qui s’est fait pratiquement dans les mêmes conditions que celui de l’aller, n’était pas très rassurant. Arrivé à Paris nous avons été remis à Fresnes. Autre cellule, autre étage, même isolement et ce, durant quatre ou cinq jours.

Un matin un gardien est venu me chercher et je suis parti dans une de leurs voitures militaires. On m’a ramené rue Boissy d’Anglas dans un grand bureau. Un officier allemand haut gradé m’a tenu le langage suivant : « je vais vous expliquer pourquoi vous êtes revenu en France ; actuellement notre armée subit une poussée des Russes sur le front de l’Est. Nous devons donc faire appel dans les usines de tous les pays, en France comme ailleurs, à de la main-d’oeuvre non allemande, car les ouvriers allemands sont appelés pour aller au combat. Par conséquent nous rapatrions un certain nombre de prisonniers de votre catégorie pour les faire travailler à leur place dans les usines qui travaillent pour l’Allemagne. Je vous préviens tout de suite qu’il n’est pas question de vous évader, parce que si c’était le cas, ce sont vos parents qui seraient arrêtés et fusillés à votre place. Vous êtes assigné à résidence chez vos parents, vous pouvez rentrer chez eux et vous vous présenterez à partir de demain matin à l’endroit que je vais vous indiquer »

C’était clair, net et précis. il s’agissait d’une usine située à Ivry-sur-Seine qui travaillait pour la Kriegsmarine (la marine de guerre allemande).

Je fus affecté à un poste de soudeur à l’arc. Étant étudiant il est évident que j’ignorais tout de la façon de souder. Je prenais mon service le soir jusqu’au petit matin. J’étais autorisé à rentrer chez mes parents le jour, pour me reposer. Chaque entrée, chaque sortie était contrôlée et plusieurs fois dans la journée d’autres contrôles étaient effectués.

L’on était supposé apprendre ce métier dans le minimum de temps pour devenir productif. Toutefois je devais être particulièrement peu doué car de septembre 1943 à fin juillet, début août 1944 je n’ai jamais été capable de réussir correctement une seule soudure, ce qui m’a valu maintes fois des coups de pied où vous pensez, ou des bonnes taloches sur la tête. Je ne suis pas certain que les Allemands étaient dupes. En vérité je m’étais juré de ne rien faire qui puisse servir à mes geôliers contre les forces américano-franco-britanniques. Travailler pour l’armée allemande. Jamais !

Et ce petit jeu durera jusqu’à fin juillet 1944.

Dans notre semi-liberté nous suivions les événements, et dès que la deuxième division blindée du général Leclerc arriva auprès de Paris tout changea brusquement. Les Allemands commencèrent à fuir, les contrôles devinrent inexistants.

Un beau matin, plutôt un beau soir j’ai déserté l’usine pour ne plus y retourner. Je me trouvais un peu désemparé car naturellement j’avais perdu tout contact avec les membres de mon réseau, du moins ceux que je connaissais. Heureusement dans le courant de l’année 1943 j’avais rencontré un ami à Paris, qui lui aussi était résistant et appartenait à un réseau. Celui-là, j’ai connu son nom tout de suite. Il s’appelait « Ceux de la Libération ». Et voilà comment je me suis réengagé aussitôt dans ce réseau pour participer à la Libération de Paris, fusil en main.

C’est ainsi qu’en août 1944, posté avec d’autres combattants sans uniforme, rue de Rivoli, j’ai assisté devant l’Hôtel Meurice à l’assaut du commando français qui avait pour mission d’arrêter le général allemand Von Choltitz commandant du Grand Paris et qui avait son quartier général dans cet hôtel. La situation était grave, les coups de feu partaient et arrivaient de partout. On risquait la mort à toutes les secondes, mais la victoire tant attendue était au bout et c’était pour certains le prix à payer.

Naturellement je n’ai pas assisté à la  reddition dans le bureau du général, mais je l’ai vu sortir bien encadré sous les huées. Notre mission consistait à suivre le convoi jusqu’à la gare Montparnasse où se trouvait le quartier général du général Leclerc.

C’est à cet endroit que le général allemand a signé la capitulation de Paris et s’est rendu au général français. Et à nouveau le vaincu a quitté les lieux pour une destination inconnue sous les vociférations de la foule et les crachats.  A la gare Montparnasse, en effet,  il n’y avait plus de fusillade à ce moment et les civils étaient nombreux dans la rue. Ce fut un épisode de la guerre pour moi très glorieux, mais aussi très émouvant.

Il faut néanmoins reconnaître que dans l’action, les Parisiens n’ont pas été très justes envers le général Von Choltitz, car l’histoire a démontré plus tard que ce dernier avait sauvé Paris en refusant d’obéir à Hitler.

J’ai ensuite continué à participer à la Libération de Paris.

« Ma guerre » s’est terminée à cette époque et également sur le plan de la Résistance, ayant été démobilisé un peu plus tard.

Je me dois de terminer ce passage de ma vie, à la Mémoire de tous mes camarades, soldats sans uniforme, soldats de l’ombre qui ont donné pendant toutes ces années, leur vie pour la PATRIE.

Mon parcours dans la vie civile

En 1940, élève du lycée Henri IV je n’ai pas passé l’épreuve du Baccalauréat comme prévu cette année là, car à la date des examens j’étais déjà totalement engagé dans la Résistance.

En octobre 1944 j’ai repris mes études après 4 ans d’arrêt. Étant plus vieux et épris de liberté, je n’ai pas souhaité retourner au lycée. J’ai pris des cours par correspondance et des leçons particulières. J’ai présenté les deux parties du baccalauréat  la première en juillet 1945, la philosophie en octobre. Étant donné mes états de service, il avait été permis à tous ceux dans mon cas de passer les examens en une seule année.

Je suis donc entré à l’École dentaire odontologique de Paris en 1945. Comme pour le baccalauréat le gouvernement du général de Gaulle avait pris des mesures en faveur des Résistants-Déportés. Des sessions spéciales étaient crées et la durée des études normales était réduite de 5 à 3 ans ; mais il est important de noter que les programmes ne comportaient aucun allègement. Les examens se passaient tous les 6 mois. Il n’était donc pas question de prendre le moindre jour de congé. Mais cette sévérité dans le processus des études était une garantie de sérieux et de compétence pour les patients futurs. Il était donc normal que ce soit ainsi. On ne doit jamais plaisanter avec la Santé Publique.

J’ai donc été diplômé le 1er juillet 1948 chirurgien-dentiste de la faculté de médecine de Paris, car à cette époque c’est la même faculté qui délivrait les diplômes de médecin et de chirurgien-dentiste. A la même date j’ai reçu le diplôme de l’école odontologique de Paris (rue Garancière) dans laquelle j’avais étudié et qui plus tard est devenue une annexe de l’Université de Paris VII, sous le nom de Faculté dentaire de Paris VII.

Bien que cette profession me plaisait, j’avais choisi cette voie un peu au hasard. En effet, sans la guerre je me destinais à une carrière militaire. J’avais fait mes études au lycée Henri IV, car ce dernier avait une classe préparatoire à l’École de Saint Cyr. Mais il était trop tard pour combler mes lacunes en mathématique et en physique. Ceci a été le regret de toute ma vie.

J’ai commencé à exercer en qualité de collaborateur chez un confrère en banlieue parisienne, et également dans un centre de soins, car pour s’installer il fallait énormément d’argent. Les parents, à cette époque, ne pouvaient pas toujours faire face à ces dépenses, même s’ils avaient une situation convenable. Les prêts, le crédit n’étaient pas non plus comme maintenant à la portée de tous. Et puis il est excellent de travailler chez les autres avant de voler de ses propres ailes, car en sortant de l’école même si l’on a été un bon élève, on a beaucoup à apprendre et cela est vrai tout au long de la vie. Pendant mon passage à l’École « Garancière » en service de travaux pratiques de  prothèse dentaire j’avais appris très vite cette fois à faire les soudures. Ceci prouve que lorsque l’on veut  on peut. Ce n’est qu’au bout de quelques années que j’ai exercé pour mon propre compte.

Comme je voulais continuer à me former et à apprendre, j’ai décidé avec l’appui de certains de mes professeurs, de rester dans le corps enseignant de l’École de la rue Garancière. J’ai d’abord été stagiaire à temps partiel pendant 2 ou 3 ans, puis comme la partie chirurgie dans la profession m’attirait, je suis entré dans le service de clinique chirurgicale de l’École. J’ai successivement passé les concours d’ « aide de clinique » puis de « chef de clinique ». C’est durant ces années que j’ai compris que sans la guerre, si je n’avais pas pu préparer Saint Cyr, j’aurai aimé être médecin et surtout chirurgien. C’est ainsi que jusqu’à la retraite je suis resté enseignant dans le service de clinique chirurgicale à l’École puis à la Faculté Paris VII à temps partiel.

En 1965 la réforme des études dentaires en France a commencé. En 1970/1972 j’ai été porté sur la liste d’aptitude pour devenir professeur de faculté à temps plein. Après un long temps de réflexion, j’ai du décliner cette proposition, car mon cabinet personnel n’aurait pas pu être tenu, et pour des raisons familiales et financières, cette solution était impossible. Je suis donc resté bénévole dans le corps enseignant avec mon titre de chef de clinique néanmoins. A partir de 1972 il était possible pour les étudiants et pour les anciens diplômés de passer 2 thèses : une, d’exercice qui vous donnait le titre de « Docteur en chirurgie dentaire de la faculté de ………. » et une thèse de 3° cycle, thèse de recherche et d’enseignement, qui vous apportait le titre de « Docteur en sciences odontologiques (D.S.O.) ». Comme je continuais à enseigner je me suis fait un point d’honneur de passer ces 2 thèses, au prix d’un travail énorme qui dura 2 ans (sans un jour de vacances) tout en exerçant à mon cabinet. C’est en avril 1974 que j’ai passé ces 2 thèses sur un sujet de chirurgie buccale puisque c’était ma discipline de prédilection. Le sujet principal était : « Analyse de 6 cas de tumeurs à myéloplaxes de la mandibule et des indications thérapeutiques concernant ce type de tumeurs« . Mes confrères qui ont parcouru le même chemin possédaient comme moi, 3 titres : Chirurgien-dentiste, Docteur en Chirurgie dentaire et Docteur en Sciences odontologiques.  Nous étions alors en France la seule profession ayant la possibilité de se prévaloir de deux titres de docteur en même temps, alors que les médecins, même spécialistes n’en avaient qu’un.

C’est en 1989, 2 ans après l’âge requis que j’ai pris ma retraite.

Ma carrière Ordinale

Fin 1967 à l’époque où furent constitués les huit départements de l’Ile de France à la place de la Seine et de la Seine et Oise, il a fallu créer pour ces départements des structures syndicales et ordinales professionnelles.

Un de mes amis qui avait un cabinet pas loin du mien, me sollicita pour figurer sur les listes des candidats à la fonction de Conseiller ordinal. Chaque département devait avoir un Conseil de l’ordre départemental composé de dix membres titulaires et de 10 suppléants.

En 1968 notre liste a été élue en totalité, malgré la présence d’une autre liste soutenue par un syndicat différent du nôtre. C’est ainsi que fut créé le Conseil de l’ordre départemental des chirurgiens-dentistes de Seine-Saint-Denis, le département où j’exerçais. J’ai aussitôt été élu secrétaire général du bureau et j’y suis resté jusqu’en 1984, date à laquelle j’ai été élu Président. Dès le départ j’avais été aussi élu membre du Conseil régional de la région parisienne. Ce Conseil est chargé de sanctionner les fautes médicales ou autres des praticiens de la région. Il a une vocation disciplinaire. Plus tard j’en suis devenu le vice-président et en 1997 j’ai été élu Président du Conseil régional de l’ordre des Chirurgiens-dentistes d’Ile de France. Mais ce poste important (10 000 praticiens devenaient mes ressortissants) était incompatible avec celui de Président d’un Conseil départemental. J’ai donc dû présenter ma démission tout en restant cependant au sein du bureau de ce Conseil.

Enfin, en juin 1991 j’ai à nouveau été sollicité par mes pairs pour devenir membre du Conseil national de l’ordre des chirurgiens dentistes. Cet organisme est composé de 19 membres qui représentent toutes les régions de France et qui est chargé de diriger la profession au plus haut niveau. J’ai au cours des ans assumé plusieurs fonctions au sein de ce Conseil, et à ce jour en 2004 je suis toujours Conseiller de ce Conseil et aussi du Conseil régional.

Sans aucune prétention, car il est bon de rester simple et humble, la chance a voulu que j’assume un parcours de valeur et une consécration en entrant au Conseil National. Mais l’âge venant, il faut rester sage et désormais je vais, si je vis encore un peu, terminer mes mandats et cette fois prendre une retraite définitive, car il y a un temps pour tout, même pour s’arrêter.

Pour terminer ce résumé d’une partie de ma vie, j’indiquerai que mes divers états de service m’ont amené à obtenir un certain nombre de décorations :

En 1961 la Croix de chevalier de l’ordre de la Légion d’Honneur avec attribution de la Croix de guerre avec palmes,

En 1963 j’ai été promu au grade d’officier de la Légion d’Honneur.

Ces décorations toutes à titre militaire.

J’ai également obtenu :

La Médaille des engagés volontaires

La Croix du combattant

La Croix du combattant volontaire de la Résistance

La Croix du combattant volontaire de la guerre 39/45

La Médaille de la Déportation et de l’internement pour faits de Résistance

Et il m’a été donné en 1945 l’insigne de la France Libre n°32479, peut-être à mes yeux, la plus glorieuse de mes récompenses, car elle est le reflet fidèle de mon engagement dès 1940 au service de mon pays.

Enfin pour mémoire, la Médaille de l’ordre national des Chirurgiens- dentistes.

Certains, sûrement, s’étonneront de ne pas voir figurer dans cette liste La Médaille de la Résistance. C’est pourtant simple. Jamais je n’ai postulé personnellement aucune de ces décorations. J’ai toujours été proposé soit par des organisations de Résistants, soit par des amis. Et le hasard a voulu que pour obtenir la Médaille de la Résistance il y avait une date limite pour déposer le dossier (j’ai oublié cette date) et aucun de mes amis n’y a pensé. Mais ce n’est pas très grave. Pour moi ce qui m’a suffit c’est de mettre en pratique pendant la guerre et même après, la célèbre devise :

HONNEUR ET PATRIE