de Sousa Mendes Aristides

Auteur de la fiche : Antonio de Moncada de Sousa Mendes,

Aristides de Sousa Mendes

 

 » Aristides de Sousa Mendes – Un héros condamné à l’oubli ? « .

Si en 1940, vous étiez victime des persécutions nazies en Europe et si vous vouliez demander un visa pour le Portugal à un consulat portugais, l’hypothèse la plus probable aurait été le refus  » sine die  » et ensuite refus catégorique de ce précieux visa!..

En effet, au mois de novembre 1939, Salazar, cumulant plusieurs portefeuilles – y compris, celui des Affaires Étrangères -, décide  » judicieusement  » d’interdire l’entrée au Portugal de certaines catégories de personnes.

La  » circulaire 14 « , stipule notamment l’interdiction de l’octroi par les consuls portugais de visas  » à des juifs expulsés des pays de leur nationalité ou de ceux d’où ils proviennent « .

C’est à ce moment sinistre de l’Histoire qu’un Homme émerge et qui ose s’opposer à ces mesures contrevenant par des gestes concrets, des gestes de sauvetage, aux  » lois  » en vigueur. Il s’agit du Consul Général du Portugal à Bordeaux, Aristides de Sousa Mendes.

Si en 1940, vous étiez victimes des persécutions nazies, voilà l’homme que vous auriez eu besoin de rencontrer.

Conscient de ces immenses tragédies et des terribles sévices réels de l’histoire, Aristides de Sousa Mendes a voulu très tôt témoigner sa solidarité strictement humaine, à une période où son pays, le Portugal se déclarait neutre. Son refus d’obtempérer, son magnifique  » Non!  » était une réaction des plus  » simples  » pour déclarer le fait qu’ en tant qu’être humain, il ne pouvait se tenir à l’écart et ignorer le sort de ceux qui l’entouraient. Ceux qui lui imploraient l’asile au Portugal, seule voie possible de salut.

Ainsi, au-delà du fait qu’il ait abrité et nourri beaucoup de réfugiés dans sa propre maison à Bordeaux, le Consul décide d’accorder des visas gratuits à tous ceux qui lui en demandaient. Il les fournira en grande part les 17, 18 et 19 juin 1940, à Bordeaux, ensuite à Bayonne et finalement à Hendaye debout, à même le quai de la gare des chemins de fer.

Lorsque les services du poste de la principale frontière espagnole – ceux d’Irún, reçoivent l’indication par la police secrète de Salazar, de ne plus laisser entrer en Espagne des réfugiés ayant des visas signés  » Sousa Mendes « , il organisera lui-même un système de navette contre cette frontière-là et dirigera ses protégés vers un autre petit poste frontalier, dont il connaissait l’existence, et qui n’avait pas encore reçu l’information de cette interdiction.

Près mille personnes seront ainsi sauvées, dans sa voiture privée. Les réfugiés ne sachant pas toujours eux-mêmes ce qui était en train de se tramer.

Au Portugal, dans sa maison familiale, Aristides de Sousa Mendes reçoit plus tard d’innombrables réfugiés, notamment quelques citoyens belges qui viendront à former, à Londres, le gouvernement belge en exil.

En quelques jours, à peine, le Consul aide plus de 30.000 personnes à échapper aux camps de concentration et à la mort, sans se préoccuper jamais d’en connaître la race ou la religion. Il ne suivra de fait que sa propre conscience et… la Constitution Portugaise de 1933, oeuvre de Salazar!

Au début du mois de juillet le dictateur, décide de punir et demande un procès disciplinaire exemplaire contre le Consul, avec ce chef d’inculpation principal :  » Concession abusive de visas « .

L’accusation qui reproche uniquement 4 cas de personnes ayant reçu des visas et qui auraient contrevenu ainsi à la fameuse  » circulaire 14 « .

Une seule accusation tombe comme un couperet: désobéissance!

Evidemment, Salazar et les  » pantins-sbires  » qui l’ont secondé dans cette affaire, ne veulent surtout pas que Sousa Mendes soit vu comme un héros et tout est prêt pour le faire sombrer dans l’infortune.

Dans un petit télégramme envoyé à Londres quelques jours avant le début du procès disciplinaire, Salazar déclare  » les visas de Bordeaux ont été attribués par un Consul que j’ai déjà proscrit « .

A l’issue du procès, Salazar condamne Aristides de Sousa Mendes à la peine d’  » un an d’inactivité avec le bénéfice accordé du droit à la moitié du revenu de sa catégorie, suivi de retraite forcée « .

Il faudrait insister sur le fait que cette peine a été double. La seconde ne figurant pas de fait, dans le code administratif de l’époque. En effet, ce qui condamne Aristides une fois de plus – peine qui n’est inscrite nulle part ailleurs que dans… la tête du dictateur!: c’est l’oubli!

C’est grâce à cet oubli que la seconde partie de la peine écrite n’aura pas eu besoin de s’accomplir.

– Aristides n’a jamais été mis à la retraite.

– Nul n’a osé dire à voix haute qu’Aristides était un héros.

– Nul n’a plus jamais parlé de lui.

– Les réfugiés de Bordeaux n’ont jamais appris la disgrâce de leur sauveur.

– Après-guerre, les lauriers , qui étaient décernés à ceux qui avaient accueilli des réfugiés de guerre, sont revenus directement à Salazar.

-lorsqu’en 1994, le film  » la liste de Shindler  » sort sur les écrans à Lisbonne, la grande majorité des portugais ignorent qu’il y a eu un des leurs qui a sauvé 30 fois plus de vies…

Justice sera faite pour le Consul de Bordeaux uniquement le jour où les citoyens portugais, eux-mêmes, mettrons fin à la peine de l’oubli que Salazar leur a imposée.

ADDENDA:

Dans la semaine du 18 au 24 mars dernier à l’initiative louable de Madame Maria Barroso Soares, s’est tenu au Portugal un hommage national au Consul Sousa Mendes.

Dans le cadre de cet hommage Madame Barroso a écrit une lettre à tous les jeunes portugais leur rappelant les actes héroïques et le rôle joué par le Consul de Bordeaux…

Le président Soares lui a octroyé la  » Grande-Croix de l’ordre du Christ « … il semblerait que la peine de l’oubli commence à être levée. Nous nous en réjouissons!