MISERIAUX Angèle
Ille-et-Vilaine , BretagneBuckmaster
Auteur de la fiche : Thierry de Martigne
Angèle MISERIAUX
7 décembre 1943. Cest le soir et la nuit est tombée. Devant la cheminée, Angèle Misériaux est entourée de ses enfants Marcel, André et Denise qui restent encore à la maison. Emile a été mobilisé dans un camp de jeunesse. Noël a refusé de partir au STO et se cache. Raymonde qui na que 12 ans est toujours à lécole privée des filles à Thourie. Pensionnaire depuis ses 6 ans, elle ne pourra rentrer à la ferme quà Noël. Angèle Misériaux qui aime bien chanter, fredonne à ses enfants une complainte « Les mines de Courrières » Soudain on entend dans la cour crisser les pneus dun camion. Les portières claquent. Cest la Gestapo. « On veut voir le chef de famille ! » « Tout de suite ma mère a deviné le danger » racontera plus tard son fils Marcel, 18 ans à lépoque et qui sinterpose pour prendre la place de sa mère. Mais pas question. Lordre est donné à Angèle de prendre un vêtement chaud. « Depuis cette heure, nous ne lavons jamais revue » Elle est embarquée vers la prison des femmes à Rennes. « Ma soeur qui faisait la lessive du linge de ma mère que la prison envoyait a retrouvé des petits mots cousus dans les doublures de vêtements. On peut encore avoir de ses nouvelles où elle sinquiète des travaux de la ferme. « Avez-vous fait ceci et cela ?».
Plus tard en mai 1944, le long de la voie ferrée qui la conduit de Romainville vers l’Allemagne, un cheminot a trouvé un petit mot griffonné sur un papier où figure le nom dAngèle Misériaux : « Je pars pour une direction inconnue ». Elle recommande de prendre bien soin de la petite Raymonde. Pour sa fille de 12 ans qui na pas vu partir sa mère et qui ne sait pas quelle ne reviendra jamais, plus question de retourner en pension à Thourie, lannée du certificat détudes. Ni père ni mère sur 31 hectares de terres. « La ferme a besoin de bras ». Marcel, Denise, aidés dAndré prennent la tête de lexploitation. Des tuteurs sont nommés : Alfred Racineux et Julien Misériaux. « Jusquen 46/47, on a toujours espéré que notre mère rentrerait. Cest une lettre qui nous a informés quelle ne reviendrait plus », explique Raymonde qui, 68 ans après cette brutale disparition, noublie pas : « Très souvent, plusieurs fois par semaine, je pense à elle, à ce quelle a subi à Ravensbrück : la faim, le froid, lépuisement, la souffrance, les humiliations. Partie en pension à 6 ans, je nai pas beaucoup parlé avec elle. Je sais quelle était une femme qui avait bon coeur et était généreuse. Mais on na jamais vu ma mère comme une héroïne. Elle rendait simplement service. Elle voulait sauver des vies ». Une petite fille dAngèle Misériaux qui na jamais connu sa grand-mère a écrit ces mots : « Jamais je nai pu sentir ton parfum, jamais je nai pu tenir ta main car tu es partie trop tôt » …
De la Métairie Neuve ….. à Ravensbrück
Ferme de la Métairie-Neuve
Angèle Racineux est née à la Métairie-Neuve en Thourie, le 1er novembre 1891 dans une famille qui comptera 11 enfants. Quand ses parents meurent, Angèle a 23 ans et doit avec ses frères et soeurs assumer les charges du foyer et des enfants mineurs. Elle se marie en 1919 à Emile Misériaux demeurant à la Guyaudière. Le couple sinstalle à la Hertière, village de Forges-la-Forêt où naissent successivement les sept enfants : Emile, Marguerite (décédée à 15 jours), Noël, Marcel, les jumeaux André et Denise et Raymonde. Ils y demeurent jusquen 1934. Puis la famille sinstalle dans une ferme de 31 hectares à la Haie-Veillette en Martigné-Ferchaud. Trois ans plus tard, Emile Misériaux meurt des suites dune grave erreur de diagnostic.
Réseau Buckmaster
Colonel de l’Intelligence service britannique, Buckmaster a formé un réseau de résistance composé de Français opérant en France. Son objectif est de constituer des groupes de résistance le long d’une ligne Saint-Malo, Rennes, Châteaubriant, Saint-Nazaire (ancien tracé des Marches de Bretagne) pour pouvoir contenir les Allemands en Bretagne. Le renseignement, la recherche de terrains pour le parachutage et éventuellement l’atterrissage constituent une partie de leurs missions. Le réseau s’implante en 1943 sur l’ensemble du département de l’Ille et Vilaine. Angèle Misériaux accepte en juillet de la même année d’être incorporée au réseau. A la ferme de la Haie Veillette, plusieurs résistants trouveront un hébergement et une cache. Il y a aussi des évadés, des étudiants rennais réfractaires au STO, des aviateurs anglais et américains. Etc… Arrêtée par la Gestapo le 7 décembre 1943, conduite à la prison des femmes à Rennes puis à Romainville, Angèle Misériaux quitte Paris le 13 mai 1944 dans un wagon à bestiaux. Direction l’Allemagne. Elle arrive au camp de déportation de Ravensbrück 5 jours plus tard, le 18 mai. Elle découvre ce camp où il ny a que des femmes.
Ravensbrück
Commence alors un long calvaire qui la conduira à la chambre à gaz le 27 janvier 1945. Ce nest quen 1947 quAngèle est officiellement déclarée « disparue » sur le registre d’Etat civil. Des témoignages danciennes déportées qui ont survécu attestent quelle a été gazée.