GODIN André-Jean "Mahomet ou Antoine"

B.C.R.A

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André-Jean GODIN


André-Jean Godin (alias « Mahomet » ou « Antoine ») est né le 11 juillet 1900 à Alger ; son père était préfet, procureur général de la Cour des comptes, président en 1926 du Conseil municipal de Paris et ancien directeur du cabinet civil de Georges Clémenceau. En 1926 il est détaché à la direction générale des Finances du Maroc dont il devient en 1927 chef de cabinet. Sous-préfet en 1928, il sert comme chef-adjoint au cabinet d’André Tardieu, ministre de l’Intérieur (1928-1930). En 1930, André-Jean Godin devient chef de cabinet du préfet de police puis, deux ans plus tard, directeur adjoint, chargé du service du matériel et des bâtiments, à la Préfecture de Police. Affecté au moment de la guerre comme attaché d’intendance au G.Q.G., il est démobilisé aussitôt après l’armistice et reprend ses fonctions à la PP.

Dès septembre 1940, il organise, avec le commissaire Roger Pellevoizin, responsable des Services Techniques, la récupération d’un grand nombre de fournitures de valeur consignées par les Allemands et considérées comme prises de guerre. Il contribue dès le mois d’octobre 1940 au recueil de nombreux renseignements sur l’ennemi – notamment des plans d’aérodromes autour de Paris, toujours avec Pellevoizin – et s’efforce, par ses collaborateurs Michel Sonnet et Sarah Rosier, membres d’un groupe de Résistance, de les faire parvenir aux Alliés, via les Pyrénées. Il participe ainsi à la mise sur pied de ce qui constitue sans doute la première structure de recherche de renseignements au sein de la Préfecture de Police : une section du Groupe Frise, lequel devint le réseau Georges France, dont la section Ile-de- France est dirigée par Sarah Rosier.

Le 24 janvier 1941, une dizaine de Membres sont arrêtés, et l’organisation disloquée. Le silence de Sarah Rosier protège son chef officiel : elle avait recruté André-Jean Godin au sein du groupe. Son attitude courageuse la fait condamner à mort par les Allemands, puis, sa peine commuée, à partir en déportation. Elle entraîne bien involontairement le préfet de police Roger Langeron, qu’elle n’estimait guère, dans sa chute. Godin n’en continue pas moins son activité. Il tire d’affaire des réfugiés politiques étrangers en particulier grâce à l’aide du responsable du service des étrangers, Émile Redon, et assure le transit à Paris d’officiers de réserve ou du SR belges en route vers l’Angleterre. Il participe, d’autre part, à la diffusion de tracts et de journaux, et notamment du journal Résistance.

Le 1er octobre 1941, il est relevé de ses fonctions, puis, en 1942, se voit considéré comme démissionnaire en tant que franc-maçon. Par Emile Pouliquen, Godin entre en contact au mois d’octobre 1943 avec le commissaire Peretti fondateur du réseau Ajax, et y adhère immédiatement. Il s’assure au sein de la PP des agents dans de nombreux services et fonde des filiales dans différentes administrations en vue d’y développer la résistance et la recherche de renseignements. Il transmet, pour Ajax, des informations vitales vers Londres, sur les unités allemandes, les terrains d’aviation, les défenses côtières, les transports, les matériels fabriqués pour les Allemands ou en matière politique. C’est en janvier 1944 qu’il sera nommé officiellement chef du réseau Zadig, avec le grade de chef de mission de 2e classe.

Il résulte de son rapport d’activités, qu’il a développé diverses actions, organisé des secours aux victimes des persécutions (évasions, changements d’identité, etc.), participé, entre le camp de Drancy et les familles des internés, à une filière par laquelle passent, pendant des mois, colis, correspondance et renseignements. André-Jean Godin fait passer la ligne de démarcation à des Juifs (particulièrement des enfants) et distribue des fausses cartes d’identité et des cartes d’alimentation. Selon le même rapport, affilié aussi au Mouvement national contre le racisme (MNCR), il se spécialise dans la recherche des renseignements susceptibles d’être utilisés par les groupes armés de la région parisienne. Pour lui également, il a monté, à la PP, un système d’informations et d’alerte qui semble avoir assuré la sécurité de nombreux groupements et sauvé nombre de personnes, comme dans l’affaire de la MOI (Main d’oeuvre immigrée).

Il peut aussi prévenir ses camarades des aveux du responsable de la MOI, Davidowitz, arrêté et fort prolixe. La future femme de Godin, employée aux archives, a fourni à son mari d’abondantes informations cruciales, qui permettent de dresser un tableau précis des implantations allemandes à Paris. Pendant la période qui précède immédiatement la Libération, il prend contact avec le Conseil National de la Résistance (CNR) et les délégués régionaux du général de Gaulle. Le 19 août 1944, il prend ses fonctions de secrétaire général à la Préfecture de Police où il participe à la libération de Paris. Un groupe relevant de son réseau et dirigé par André Caillette prend la mairie de Neuilly. Il organise aussi grâce au professeur Moureu une équipe de trois enseignants du Collège de France qui fabriquent des cocktails Molotov dans les locaux de la PP.

André-Jean Godin stigmatise avec force le comportement du préfet Roger Langeron, comme le font d’autres résistants de la première période (Albert Lebon, Sarah Rosier…). Il semble en effet que le préfet ait coopéré sans trop d’arrières pensées avec les autorités allemandes. Son arrestation concomitante de celle de Mme Rosier le 24 janvier 1941 lui a donné une aura de résistant. Or son interpellation résulte clairement d’une confusion faite par les forces d’occupation par le recrutement récent de Godin, qui apparaît comme étant « l’autorité » proche du réseau Georges France recherchée par les Allemands et signalée par un « indic ». Godin est, après la guerre, préfet, député de la Somme (1946-1955) puis, proche de Pierre Poujade, il devient vice-président de l’Assemblée nationale (1951-1955). Il est par la suite administrateur de sociétés. André-Jean Godin est décédé le 27 août 1989 à Paris. Il a été inhumé enGironde.


Il était Commandeur de la Légion d’Honneur, Compagnon de la Libération, titulaire de la Croix de Guerre 39-45 avec 3 citations, de la Médaille de la Résistance avec rosette et de la King’s Medal for Courage.