LE RAY Alain
Auteur de la fiche : LE MONDE | 09.06.07 | 14h49 • Mis à jour le 09.06.07
Alain LE RAY
Il faisait partie de ces « combattants résolus » du Vercors auxquels le général de GAULLE rendit nommément hommage dans ses Mémoires de guerre. Après les disparitions de François Huet, en 1968, et de Narcisse Geyer, en 1993, Alain LE RAY était resté le dernier survivant des chefs militaires ayant commandé ce maquis devenu, par sa fin tragique, un des principaux lieux de mémoire des martyrs de la Résistance.
C’est en février 1943 que ce fils d’un ancien directeur des Hôpitaux de Paris, qui a interrompu ses études littéraires pour devenir officier, entre dans l’histoire du Vercors. Les gaullistes, à Londres, sont alors sur le point de donner leur feu vert au projet « Montagnards », qui vise à faire de cette « forteresse naturelle » des Préalpes grenobloises une base offensive d’où pourrait être lancées, le moment venu, des actions commandos contre l’ennemi. Pour le mettre en oeuvre, son concepteur, Pierre DALLOZ, un architecte fou d’alpinisme, a besoin d’hommes sûrs et compétents.
Alain LE RAY en fait partie. A 32 ans, Alain LE RAY a la réputation d’être une forte tête. En juin 1940, tout juste marié à Luce MAURIAC, la fille de l’écrivain François MAURIAC, il a combattu vaillamment sur l’Ourcq à la tête du 159e régiment d’infanterie alpine, avant d’être fait prisonnier et envoyé en Allemagne. En avril 1941, surtout, il fut le premier officier à réussir à s’évader de l’Oflag de Colditz, en Saxe, dont il était pourtant admis que nul ne pouvait s’échapper. De cette spectaculaire évasion, il tirera d’ailleurs un passionnant récit, publié en 1976 sous le titre Première à Colditz. LE RAY arrive dans le Vercors à un moment très difficile. Au printemps 1943, plusieurs responsables du maquis sont arrêtés. En juin, c’est le lien avec Londres qui est rompu du fait des arrestations du chef de l’Armée secrète, le général DELESTRAINT, et de Jean MOULIN. Avec quelques autres, comme Eugène CHAVANT, chef civil du maquis, Jean PREVOST, Eugène SAMUEL et COSTA de BEAUREGARD, LE RAY s’emploie alors à transformer en combattants les réfractaires réfugiés dans le Vercors depuis 1942 et qui, désormais, y affluent pour échapper au Service du travail obligatoire (STO).
Cette préparation militaire se double bientôt d’une éducation politique et spirituelle. Celle-ci est assurée par des « équipes volantes » issues de l’école des cadres d’Uriage, que LE RAY a lui-même fréquentée avant sa fermeture fin 1942. Hubert BEUVE-MERY, le futur fondateur du Monde, en fait partie. Les quelques centaines d’hommes qui vivent à l’époque dans les camps du Vercors sont encouragés à étudier l’art de la guérilla et à écouter des conférences sur le sens de la guerre et la nécessité de bâtir une France nouvelle.
Alain LE RAY, lui, quitte le Vercors en janvier 1944, après un désaccord avec le chef d’état-major de la région militaire « R1 », Marcel DESCOUR, qui n’apprécie guère son esprit d’indépendance. C’est donc sans lui que se jouera la dernière phase, la plus terrible, de l’histoire du maquis, définitivement anéanti après les terribles offensives allemandes de juillet 1944.
Entre-temps, il est en effet devenu commandant des Forces françaises de l’intérieur (FFI) du département de l’Isère, réussissant – ce qui ne fut pas le cas partout ailleurs – à rassembler sous son autorité l’ensemble des résistants, jusqu’aux Francs-tireurs et partisans français (FTPF) proches du Parti communiste. Après avoir coordonné la libération de Grenoble, il participe pendant l’hiver, à la tête de la 3e brigade de chasseurs alpins, aux ultimes combats contre l’armée allemande au Mont-Cenis, en Haute-Maurienne.
Tout au long de sa carrière – qu’il terminera comme général de corps d’armée après avoir servi en Indochine, en Algérie et en Allemagne (comme attaché militaire à l’ambassade de France à Bonn, de 1959 à 1962) -, Alain LE RAY continuera de défendre la mémoire de ses anciens compagnons, en particulier au sein de l’association des Pionniers du Vercors.
En 1972 notamment, en pleine période de reflux d’une certaine mythologie « résistancialiste », il prendra position contre le livre de Gilbert JOSEPH, Combattant du Vercors, qui accusait d’incompétence les chefs militaires d’un maquis dont il ne cessera de célébrer l’utilité stratégique dans les semaines de la Libération.