Farnoux Abel

Auteur de la fiche : Eric Le Boucher

Abel FARNOUX


Haute en couleur, la vie d’Abel Farnoux, mort le 30 juillet à son domicile de Vanves, fut pleine d’aventures, d’engagements, de passions et d’autant de contestations. Résistant, industriel, conseiller politique, il mena toujours des combats, ses combats, hors des partis, des conventions et des administrations, et cela lui fut beaucoup reproché. Abel Farnoux était d’abord Un homme de liberté, comme est titrée sa biographie par Jean-Michel Riou (Flammarion 2002). Né le 19 mai 1921, Abel Farnoux est élève de l’école des PTT quand la seconde guerre mondiale éclate. Engagé dans la Résistance, il est arrêté en juillet 1943 par la Gestapo, déporté au camp de Buchenwald, d’où il parvient à s’évader au bout de vingt-deux mois. Il croise la 76e division d’infanterie US, endosse l’uniforme américain, puis, au grade de 1er lieutenant, il est chargé du rapatriement des déportés de la zone contrôlée par l’armée rouge. « C’est ainsi, racontera-t-il, que j’ai libéré celle qui deviendra ma femme », Yvette Bernard, grande résistante, tirée du camp de Ravensbrück.

Il conservera des amitiés gaullistes de cette époque et un lien américain. La fin de la guerre le fait revenir aux PTT. Le voici en Afrique, où il participe aux premières liaisons téléphoniques avec l’Europe. En Algérie, où il s’élève contre la torture. Puis, en 1971, commence l’aventure de la télévision en couleur et, au-delà, sa lutte permanente pour que la France refasse son retard dans cette industrie nouvelle de l’électronique. Il est à la naissance de Vidéocolor, firme qui fabrique des tubes TV sous licence américaine, avec un pied en Italie. Il présidera Vidéocolor, filiale de Thomson, jusqu’à ce que la direction de ce groupe l’en écarte, pour cause de pertes, juste avant l’élection de François Mitterrand, en 1981. Abel Farnoux compte alors parmi les hommes, de gauche ou de droite, qui combattent pour que la France cesse de perdre pied dans l’informatique, les télécommunications, les magnétoscopes ou les circuits intégrés, bref, dans la révolution des nouvelles technologies. La gauche au pouvoir veut réindustrialiser le pays en nationalisant, l’occasion est bonne. Abel Farnoux se voit placé à la tête d’une commission dite « filière électronique », chargée par Jean-Pierre Chevènement, ministre de la recherche, de définir une stratégie de reconquête pour le pays. Le rapport aura du retentissement… avant que d’aller vite rejoindre les promesses intenables du jeune pouvoir. Il eût fallu investir 130 milliards de francs quand les caisses étaient vides.

Abel Farnoux part aux Etats-Unis écrire des études annuelles de suivi de l’industrie électronique mondiale et tenter, sans succès, d’y investir pour une filiale des PTT.

Il revient en 1988 au côté d’Edith Cresson, ministre des affaires européennes dans le gouvernement Rocard, puis premier ministre en 1991. « Eminence grise », « cabinet de l’ombre », ces quelques mois vont constituer la période la plus connue et la plus épique de sa vie. Ayant l’absolue confiance de Mme Cresson, il est de toutes les décisions, s’en attribue beaucoup, et intervient plus encore. Les groupes nationalisés doivent licencier ou se restructurer, tous les dossiers passent dans ses mains : Bull, Renault, le CEA. La concertation fait défaut. Son indépendance et son goût pour la désobéissance jouent contre lui à ce poste de Matignon. On lui attribuera beaucoup de l’échec d’Edith Cresson. Pour lui, c’est le combat qui importait. Pour la France, pour l’Europe, pour être libre. Non, il n’a jamais regretté. Rien.


Dates

19 mai 1921 Naissance

Juillet 1943 Arrêté par la Gestapo et déporté à Buchenwald

1945 Lieutenant de l’armée américaine, il rapatrie des déportés

1971 Président de Vidéocolor

1988 Conseiller d’Edith Cresson