Parcours de résistants

Rencontre prévu le 10/10/2005

Claude Berthié , à adhérer dès 1941 à l’Armée Secrète dans la région lyonnaise, à partir de 1943 il entre réseau Gallia, puis il est versé dans l’OSS (Office of Strategic Services) de la 7° armée américaine. Parachuté derrière les lignes allemandes il va nous raconter son extraordinaire parcours

 

Gisèle Guillemot est née dans le Calvados. Dès l’été 40 avec un groupe de copains elle entre en Résistance au sein du Front National.. Arrêtée en avril 43, déportée, classée « Nacht und Nebel » elle connaît les prisons et l’univers concentrationnaire de Ravensbrück et de Mauthausen où elle est libérée le 20 avril 1945.

Jacques Poirier est entré en résistance en 1941 avec le groupe « combat ». Puis il est muté au SOE (Special Operation Executive), pour devenir chef du SOE pour les département du Lot, de Corrèze et de Dordogne, où il combat la division Allemande « Das Reich » et recevra la reddition de la garnison allemande de Brive.

C’est maintenant Monsieur Jacques Vistel, vice président de la Fondation de la Résistance qui va parler de son père Alban, Compagnon de la Libération, figure emblématique de la Résistance de la région R1 qui dès août 40 refuse la défaite.

 

 

Claude Berthié, en une phrase résume son engagement  : « Les Allemands sont arrivés chez nous, on ne les avait pas invité, il fallait donc qu’ils repartent,… », et donc tout naturellement, à Lyon il rejoint l’Armée secrète. Avec les Eclaireurs laïques de France auxquels il appartient, il fait du renseignement et du repérage de terrains propices à des parachutages ou d’atterrissages, pour le compte du réseau Gallia, « personne ne trouvait curieux que des adolescents en uniforme se promènent de jour comme de nuit dans les bois et les champs… ». A partir de septembre 1944, il est affecté au « Strategic Service Section » de la 3° armée américaine. Objectif : informer les alliés, du plan de bataille allemand en Bavière. Parachuté dans la région de Munich, « déguisé » en ouvrier français volontaire travaillant en Allemagne, il prend contact avec les membres d’un réseau anti-nazi : « La première personne rencontrée est une comtesse qui nous reçoit à bras ouverts dans son château romantique …, quand nous lui apprenons que ses deux fils,(…), sont aux Etats-unis dans un centre d’instruction d’aviation, (…), sa joie est intense ». Il poursuit sa mission jusqu’à la fin de la guerre, témoin de « la débâcle allemande, (…)  au cours d’un déplacement, nous assistons au cortège lamentable de déportés en costume rayé que l’on change de camp…».  Enfin le 28 avril il aperçoit les premiers chars Alliés. Dernière péripétie 500 soldats militaires allemands à l’allure  : «  plus tellement agressive, me demandent de les conduire dans un camp de prisonniers (…),nous amenons nos prisonniers vers Munich et les confions à la sentinelle du camp de Dachau, éberluée par le nombre de soldats qui nous suivaient. !! » C’était le 2 mai 1945.

Gisèle Guillemot s’est très jeune révoltée, contre les inégalités sociales en participant, aux mouvements sociaux de 1936, au Front Populaire et bien sûr aux actions de soutien à la République espagnole et contre la montée du nazisme. Le 18 juin 1940, « l’appel du Général de Gaulle que j’ai entendu le jour même, par hasard, me remplit d’aise ». En décembre avec « les copains du Plateau de Colombelles dans le Calvados », elle milite au Parti Communiste, distribue des tracts anti-Allemands aux portes des usines puis entre au Front National comme agent de liaison, «  c’est ainsi que je suis devenue une petite main dans la Résistance ».Sous le pseudonyme « d’Annick » elle effectue de nombreuses missions, mais Gisèle et ses camarades sont arrêtés par la Gestapo et la police française en avril 1943, emprisonnés à Caen, transférés à Fresnes et jugés, tous les membres du réseau sont condamnés à mort le 13 juillet 1943. Les quatorze hommes sont fusillés au Mont-Valérien, les deux femmes, Gisèle et Edmonde – l’institutrice du village – sont classées « Nacht und Nebel » et déportées en Allemagne vers les prisons de Lübeck et Cottbus au cours d’un incroyable périple ferroviaire de 89 jours à travers l’Allemagne et la Pologne. A l’automne 1944, elle est transférée au camp de Ravensbrück où malgré « les conditions abominables, nous gardions l’espérance dans la victoire des Alliés, on s’aidait les uns les autres, on organisait la solidarité, on asseyait de continuer notre combat de résistantes. ». Libérée le 20 avril 1945, Gisèle Guillemot passionnée de littérature et de poésie a écrit clandestinement, dans l’enfer des camps, d’émouvants poèmes dédiés à ses camarades disparues.

Jacques Poirier raconte son premier acte de résistance «  à 18 ans avec mon frère voyant en juin à Arcachon entrer les Panzers allemands nous avons chanté  la Marseillaise ». Puis il cache et sauve ensuite un soldat anglais blessé et entre en Résistance début 1941 avec le groupe Combat. Avant de faire partie du SOE, il rejoint l’Angleterre en traversant les Pyrénées, où pendant six mois il fera connaissance avec la sinistre prison franquiste de Miranda, puis par Gibraltar, où la chance lui sourit échappant de peu à un accident, il rejoint la Grande-Bretagne pour intégrer le S.O.E (Special Operations Executive). C’est avec passion qu’il parle du S.O.E. : « c’est dans l’Angleterre libre de 1940, que Winston Churchill crée le 22 juin 1940 le S.O.E. avec comme directive, de coordonner toute action de subversion et de sabotage contre l’ennemi, il résumait ainsi sa mission : Mettre le feu à l’Europe ». Il poursuit « …En France durant l’occupation 470 agents S.O.E. de toutes nationalités y furent envoyés, en général parachutés, un certain nombre déposés par des petits avions « Lysander », d’autres encore arrivèrent par bateaux ou en sous-marins ». Puis il évoque les différentes sections que comprenait le S.O.E., en particulier de la section F à laquelle il appartenait, connue en France sous le nom de réseau « Buckmaster ». Après avoir raconté ses stages d’entraînement dans les écoles du S.O.E. en Ecosse, « rudes écoles pour les amateurs apprentis résistants que nous étions,(…) j’ai même appris à conduire une locomotive !! », il conclut au rôle considérable que joua le S.O.E en France auprès de tous les mouvements et réseaux de Résistance sans exclusif.

Jacques Vistel, évoque son père Alban, qui à trente ans, séjournant au Chili, comme ingénieur : « Mon père, après avoir lu avez Mein Kampf presse son épouse de rentrer en France car il va y avoir la guerre…. », nous sommes en 1935 ! Expliquant l’engagement de son père, il ajoute : « Mon père marqué a été dans sa jeunesse par la vision de la misère et l’exploitation des hommes en Amérique latine, à son retour en France par la fréquentation des cercles humanistes d’Emmanuel Mounier, son adhésion aux idées du Front Populaire, son émotion devant la guerre d’Espagne et un enfin par patriotisme venu du fonds des tripes ». Dès le mois d’août 1940 avec quelques ouvriers de son usine de Vienne (Isère) il crée une première organisation qui s’appellera « La Reconquête ». Après avoir rencontré, en novembre 1941 André Philip à Lyon il rejoint, avec son petit groupe, le mouvement « Libération » qui commence à s’organiser en zone sud. Début 1942, le contact est enfin établit avec Londres, à partir ce cette date raconte Jacques Vistel « Mon père et ses hommes se sont dit nous appartenons à une chose immense,(…) ». Arrêté en décembre 1942, il est condamné à 10 mois de prison d’où il écrira « …notre peuple suit avec foi le général de Gaulle qui après avoir incarné la patrie indomptée, incarne maintenant la révolution nécessaire que nous voulons et que sommes décidés à réussir. Rien dans ses actes ne nous a déçu ni trompé, il a répondu à nos attentes les plus secrètes, à nos espérances les plus ardentes… ». Après s’être évadé en septembre 1943 il reprend son activité comme chef départemental des Mouvements Unis de Résistance (MUR) pour le Rhône, puis en mars 1944, il est nommé chef régional des MUR, colonel FFI (Forces Françaises de l’Intérieur), puis il président le Comité Régional de la Libération à Lyon. Après la victoire, nous dit son fils mon père fait preuve « d’une joie mutilée », un peu désabusé et déçu il voit la vie politique française prendre un chemin qui ne correspondait pas aux espérances nées des idées généreuses qu’il avait défendu dans la Résistance.

Et Jacques Vistel de conclure que l’itinéraire de son père, comme celui de tous les résistants, s’inscrit dans le la continuité de l’histoire de France, du refus de la défaite, et de la défense des idées de fraternité et de liberté.

C’est un dialogue, riches d’anecdotes qui s’engage ensuite entre les témoins et tous nos amis présents, de l’entraînement au parachutage de Claude Berthié en passant par les ballades à vélo, qui permettaient à Gisèle Guillemot, de se renseigner sur le « Mur de l’Atlantique » qu’édifiaient les Allemands en Normandie. Bien d’autres « petites histoire », qui en général concourent à la « grande », émaillent la fin de cet après-midi de « Mémoire ».

« La mémoire ? Ce mince filet d’écume poussé par

le flot du passé sur le rivage des vivants

Vivre le présent : un devoir de Mémoire »*

 

Jean Novosseloff

 

* extrait d’un hommage à Gisèle Guillemot, citoyenne d’honneur de Colombelles par le Maire, Collin Sueur « Des mots contre l’oubli » Editions Cahiers du temps 2004