Hommage aux Etudiants fusillés par les Nazis par R. Aubrac

Rencontre prévu le 17/05/2007

Monsieur le Président du Sénat,

Monsieur le Ministre,

Monsieur le Recteur,

Mesdames et messieurs, en vos diverses qualités

Comme chaque année, comme nous en avions pris l’engagement auprès de Jeanne Boucourechliev lorsque son association avait décidé de rejoindre MER, nous voilà réunis pour saluer ensemble la mémoire des étudiants résistants –et nous vous remercions tous de votre présence et de votre participation.

Etudiants résistants ?  « En quoi les étudiants seraient-ils être plus résistants que les autres », pourrait-on se demander ? Et bien l’histoire nous montre qu’indépendamment de leurs origines, de leurs motivations, des actions qu’ils ont menées, l’extrême majorité des résistants avait en commun leur jeune âge.

Certes, « les jeunes » de la Résistance ne se limitent pas aux étudiants. Mais avec les lycéens, ceux-ci ont bien souvent été à la pointe de tous les combats, pour l’honneur de notre pays, à refuser l’occupation, la collaboration, la résignation, la honte, la lâcheté. Ils acquièrent ainsi une valeur emblématique : leur action jalonne le parcours, hélas aussi le martyrologue, de la Résistance. Souvenons-nous :

  • Août 1940 : c’est le « petit Martin », celui qui coupe les câbles téléphoniques, celui dont parle Lucie Aubrac ;
  • en 1940, à 15 ans, René Mouchet tire sur un char allemand avec une carabine 22 long rifle ;
  • le 11 novembre 1940, à Paris : étudiants et lycéens organisent cette manifestation à l’Inconnu, dans laquelle beaucoup voient l’« acte de naissance de la Résistance» ;
  • le 9 mars 1942 : âgés de dix-huit à vingt-sept ans, sept jeunes résistants communistes sont passés par les armes au Mont-Valérien après avoir été « jugés » au Palais Bourbon ;
  • avril 1942: vingt-sept combattants appartenant notamment aux « Bataillons de la Jeunesse» sont « jugés » à la Maison de la Chimie. Parmi eux, André Kirschen, 15 ans et demi ;
  • 8 février 1943 : le « groupe du lycée Buffon ». Jean Arthus, Jacques Baudry, Pierre Benoit, Pierre Grelot et Lucien Legros n’ont pas 100 ans à eux 5. Ils sont fusillés après avoir été arrêtés quelques mois auparavant sur ordre du Gouvernement français !
  • Dans la nuit du 16 au 17 août 1944 : trente cinq jeunes gens, la plupart étudiants, sont trahis, arrêtés par la Gestapo, conduits à la cascade du Bois de Boulogne, fusillés, achevés à la grenade. Certains n’avaient pas 20 ans !

Nous pourrions poursuivre, encore et encore… Les exemples se suivent si bien qu’en 2003, à titre d’hommage collectif, c’est aux Jeunes qu’a été dédié le Concours de la Résistance !

Aujourd’hui, citer certains noms permet de rappeler comment ces étudiants ont incarné à l’extrême les vertus d’honneur, de courage, d’abnégation –vertus qui seules ont permis à la « flamme de la Résistance » de ne jamais s’éteindre malgré la traque, la torture, la déportation, l’exécution.

A leurs côtés, ne l’oublions pas, leurs professeurs, leurs enseignants. Quelques noms encore, pour fixer la mémoire : Raymond Burgard est professeur de Lettres au lycée Buffon avec le groupe des 5. Il sera rejoint à la rentrée 1943 par J. Guéhenno, rétrogradé par le régime de Vichy en classe de 4ème. Sous le pseudonyme de Cévennes il publiera bientôt un ouvrage clandestin aux Éditions de Minuit : « Dans la prison ». Jacques Decour ensuite, professeur de français en Allemagne, professeur d’allemand en France, âgé de 32 ans lorsqu’il est arrêté par la police française, remis aux Allemands, fusillé le 30 mai 1942 ! Enfin, une certaine Lucie Aubrac, elle aussi professeur !

A elle seule, la fidélité expliquerait pourquoi l’expression de notre gratitude s’adresse particulièrement aux jeunes gens, garçons et filles, qui sont parmi nous. Mais il y a plus : chacun le ressent, et l’intitulé même de notre association en témoigne : aujourd’hui sont réunis ici ceux qui portent l’espoir, et d’autres, plus anciens, plus âgés, qui animent et transmettent la mémoire.

Parmi eux, Raymond Aubrac. Est-il besoin de le présenter –d’autant qu’il se satisfait d’un intitulé modeste : « ancien résistant ».

Qu’il me permette pourtant de mentionner le rôle qui fut celui de Lucie et le sien, dans la création d’un des principaux mouvements de Résistance en zone sud –Libération, puis ses responsabilités dans la création de l’appareil militaire destiné à lutter contre l’occupant. Tout cela, faut-il le rappeler, au péril de sa vie ! Trois fois arrêté, il sera trois fois libéré, toujours grâce à Lucie, dont la contribution a été de la fourniture de vêtements à la mise en œuvre de la mitraillette en octobre 1943 à Lyon.

Et comme je sais qu’il n’aime pas voir son rôle limité à son action en Résistance, aussi héroïque ait elle été, je dirai aussi qu’il a été un artisan infatigable de la reconstruction de la France après guerre, qu’il a été dans notre pays responsable et patron du déminage –une cause toujours aussi actuelle- et enfin qu’avec Lucie il a été de tous les combats pour la liberté, pour la dignité, comme en témoigne son action dans la décolonisation.

Voilà l’homme qui se trouve avec nous aujourd’hui, et qui nous fait tout à la fois l’honneur et l’amitié d’animer cette cérémonie. C’est bien sûr pour nous l’occasion de nous rappeler Lucie Aubrac. En notre nom à tous, c’est avec émotion et respect que je le salue, que je les salue, Lucie et lui, tant ils ont pu être indissociables l’un de l’autre, avant qu’il ne s’adresse à nous.