Cérémonie à Montauban de la commémoration de l’appel du 18 Juin 1940 par Robert Badinier

Rencontre prévu le 18/06/2018

Auteur :
Éditions :

C’est le magnifique texte de la romancière Frédérique Hébrard que Robert Badinier  a  choisi cette année pour faire écho au retentissement patriotiqueque suscite l’appel du général de Gaulle dans le coeur des Français.

dsc_9625-4

 La délégation Midi-Pyrénées de Mémoire et Espoirs de la Résistance est sollicitée chaque année pour mettre en relief l’esprit de la résistance, comme cela a déjà été le cas avec des extraits de textes de Pierre Brossolette, de Maurice Schumann, de Geneviève de Gaulle-Anthonioz  ou plus récemment de René de Naurois. Elle est chargée également de l’animation pédagogique qui se décline non seulement par la littérature mais aussi par l’animation vocale et musicale, en liaison avec la Délégation Militaire Départementale.

dsc_9641-1

La lecture à deux voix d’un large extrait du texte de Frédérique Hébrard, récemment paru dans la revue Espoir de la Fondation Charles de Gaulle, a été faite par Anne-Marie Bonnet, professeur de lettres honoraire et Manon Daure, élève du lycée Bourdelle. Le chant des partisans et celui de la Croix de Lorraine ont été interprétés par Sophie Grébert, professeur d’éducation musicale au lycée Théas, accompagnée par sa collègue Marie-Cécile Fayolle

 Texte de Frédérique Hébrard paru dans la revue  Espoir de la Fondation Charles de Gaulle (n°189)  lu par Robert Badinier                                  

« Mon Général,

Si je choisis de dire mon Généralpour commencer cette lettre, au lieu de dire monsieur le président de la République, c’est parce que, quand j’entends votre nom, Charles de Gaulle, je redeviens la petite fille qui venait d’avoir 13 ans au moment de l’appel du 18 juin, et cette petite fille, mon Général, est toujours au garde à vous.

Pourquoi ? Parce que j’ai eu un père qui m’a appris la France et que, dans les temps du malheur, de l’Occupation et de la servitude, grâce à lui j’ai rencontré l’Espérance et cette Espérance, c’était vous.

André Chamson, mon père, commença mon éducation le jour où je sus lire. En 1931. Ce jour-là il me donna deux livres. Oh ! pas Les Malheurs de Sophie, pas Les Mémoires d’un âne, non ! la Bible et Les Mille et Une Nuits, et ce jour-là André Malraux lui dit :

Tu viens de lui donner accès à l’Imaginaire de Vérité et à l’Imaginaire de Merveille. Bravo !

A ce cadeau s’en ajouta un autre : la Poésie. De Villon à Prévert, en passant par tous les trésors et toutes les rimes de notre littérature et de notre Histoire. Et si ce protestant descendant des camisards, cet écrivain du Front populaire fut tout de suite conquis par votre courage et la grandeur de votre amour pour la Patrie, cela tient à un mot, un simple mot gravé dans la pierre d’une tour-prison par la main d’une femme de Foi, Marie Durand. Et ce simple mot c’est : RESISTER.

Quand Papa me récitait :

Ô République de nos pères, Grand Panthéon plein de lumière, Dôme d’or dans le ciel d’azur, Temple des ombres immortelles, Puisqu’on vient avec des échelles, Coller l’Empire sur ton mur, Je t’aime exil, douleur je t’aime, Tristesse sois mon diadème, Je t’aime austère pauvreté…

Il me faisait comprendre la douleur de Victor Hugo perdant sa République. Et si je partageais la douleur du poète, je la partageais avec vous, mon Général, car, avec vous, nous aussi nous pleurions la République de nos pères. Mais vous étiez là et vous nous avez rendu le temple des ombres immortelles.

Ombre immortelle, vous êtes allé les rejoindre le 9 novembre 1970, mais vous êtes toujours présent dans nos cœurs et c’est pour cela que je vous écris cette lettre, moi qui, par deux fois, ai eu l’honneur de vous rencontrer, sous les ors retrouvés de l’Indivisible lorsque vous avez remis les plus hautes distinctions de la Légion d’honneur à cet homme qui, au plus profond du désespoir, ne cessa jamais d’écrire mais refusa toujours d’être publié tant qu’il y aurait une censure et resta fidèle à l’engagement pris en 1940 :

J’écris pour le jour de la liberté. J’écris pour conjurer les maléfices de la défaite.

Aujourd’hui certains de ses amis : Micheline Cellier-Gelly, sa biographe, son ami de l’Académie française René de Obaldia, des lecteurs fidèles, connus ou inconnus, ont décidé de créer une Association André Chamson à la mémoire de celui qui fut antifasciste, soutint les républicains espagnols, veilla sur les chefs-d’œuvre du Louvre pour les soustraire aux nazis, cacha des juifs et pacifiste jusqu’à l’âme, fut deux fois engagé volontaire, d’abord en 1939 puis quand il partit rejoindre Malraux aux temps héroïques de la Brigade Alsace-Lorraine ; et resta écrivain toute sa vie. Sans défaillance, car, disait-il avec un sourire :

J’écris pour le salut de mon âme.

Je me suis arrêtée d’écrire et j’ai relu une des lettres que vous écrivîtes à mon père quand fut revenu le jour de la liberté. Vous lui disiez :

Ce que vous faites et ce que vous fîtes pendant le drame, je l’ai su sans nulle surprise mais avec joie et émotion.

Vos lettres à mon père étaient des lettres d’écrivain à écrivain. Car derrière votre stature d’homme d’Etat, il ne faut jamais oublier l’écrivain que vous êtes. Vos livres, notes, carnets et Mémoires, sont sur notre table de chevet depuis des années et nous n’avons, Louis et moi, jamais perdu le contact avec votre pensée. »

Tout en sachant que là où vous êtes, vous savez tout, je voulais vous l’écrire pour vous dire merci une fois de plus, en vous assurant, mon Général, que la petite fille de juin 1940 est toujours au garde à vous. »