La lutte clandestine en France. Une histoire de la Résistance 1940-1944

Par Sébastien Albertelli, Julien Blanc, Laurent Douzou.   Auteur : Sébastien Albertelli, Julien Blanc, Laurent Douzou.    Éditions : Le Seuil - 2019 - 438 pages

La synthèse que vous proposez sur l’histoire de la Résistance est originale à plus d’un titre. Tout d’abord, elle est écrite partrois spécialistes de la Résistance française, l’ayant étudiée sous différents angles. Pouvez-vous nous parler des difficultés et de la richesse du choix de cette écriture collective ?

Tout récit à caractère synthétique exigede maîtriser toutes les facettes du kaléidoscope clandestin : la Résistance en zone Sud diffère sensiblement de celle de zone Nord, les deux n’ayant pas grand-chose à voir avec ce qui se conçoit et se fait à Londres, puis à Alger. Un seul auteur peut réaliser sa propre synthèse mais ce sera de deuxième main. Notre pari a été de conjuguer nos compétences pour concevoir un récit, d’écriture simple et exigeant sur le fond, qui soit une sorte d’amalgame de nos domaines respectifs d’expertise. Cette expérience qui gommel’egode chacun a demandé un long et patient travail mais le jeu en valait la chandelle : chacun a pu distiller son savoir intime.

Autre originalité dans l’écriture, chacun de vos dix-sept chapitres s’ouvre par une photographie ou une pièce d’archiveque vous ne limitez pas à une fonction purement illustrative mais que vous questionnez comme un objet d’étude historique à part entière. Pouvez-vous dire comment s’est fait ce choix ?

L’histoire de la Résistance est aussi pauvre en images qu’elle est saturée de représentations. À nos yeux, ouvrir chaque chapitre par une illustration – photographie d’une individualité, feuille clandestine, timbre-poste, etc. – était une façon de signifier que nous voulions incarner ce récit et l’ancrer dans une réalité bien concrète. Notre choix s’est porté sur des personnalités fort connues – Marc Bloch, Pierre Brossolette, Jean Moulin, Charles Delestraint – mais aussi sur des personnages oubliés – Albert Kohan, Pierre Hespel, Pascal Copeau – pour illustrer le fait que l’histoire de la Résistance a été tissée de trajectoires éminemment différentes qui, toutes, ont permis de développer son action.

Comment situez-vous votre livre dans l’historiographie de la Résistance française ?

L’État, par la voix de ses représentants les plus éminents, rend régulièrement hommage à la Résistance. Et pourtant, l’idée dominante aujourd’hui est que le phénomène aurait été surévalué et qu’il faudrait défaire les légendes pieuses qui l’entourent. Tout en ne cachant rien des échecs, des erreurs et des tensions qui ont jalonné l’histoire de la Résistance, nous avons voulu montrer que, malgré une improvisation permanente, liée à sa nature même et aux effets déstabilisants d’une répression très forte, elle a connu une étonnante montée en puissance et a progressivement conquis l’opinion.