Les Réseaux de Renseignements Franco-polonais 1940-1944
Par Jean Médrala Auteur : Jean Médrala Éditions : Éditions l’Harmattan 2005
Jean Médrala vient de signer aux Editions l’Harmattan un livre : sur « Les Réseaux de renseignements franco-polonais 1940-1944 ». Cet ouvrage, qui est le fruit d’un long travail de documentation, est aussi un hommage à l’action des Polonais et des Français qui résistèrent « dès la toute première heure », écrivant une page de l’histoire de la Résistance aujourd’hui méconnue, pour ne pas dire oubliée.
En octobre 1939, la France accueille le Gouvernement polonais en exil du général Sikorski dont les troupes combattront héroïquement durant la brève campagne de mai-juin 1940. A la signature de l’armistice, le Gouvernement polonais refuse de déposer les armes et romps avec la France du Maréchal Pétain et se réfugie à Londres pour y continuer la lutte, devenant alors le premier allié de l’Angleterre contre l’Allemagne nazie. Dès juillet-août 1940, des officiers polonais restés en France commencent à organiser à partir de Toulouse un réseau de renseignements qui sera l’un des premiers à fonctionner, transmettant aux Anglais des informations sur le plan de bataille en France des armées allemandes qui préparent l’invasion de l’Angleterre, la première liaison radio vers la Grande Bretagne est établie le 22 août 1940. Très vite aidé, par l’arrivée en France d’officiers polonais envoyés par Londres, puis rejoint par des Français « poussés par leur devoir moral » le réseau se structure avec pour objectif de couvrir la zone libre puis la zone occupée. Des contacts sont noués, tout d’abord, avec l’équipe du colonel Rivet qui s’emploie à relancer clandestinement l’activité du S.R. français. Le 24 février 1941 le gouvernement polonais reconnaît officiellement la France Libre, à cette date la coopération est déjà effective entre les réseaux polonais et les réseaux de la France libre, ceux du colonel Rémy par exemple ou des mouvements de résistance celui en particulier de Frenay « Combat ». Comme la plupart des organisations de renseignements ou des mouvements de résistance, le réseau polonais « F 2 » et sa nébuleuse (six réseaux lui étaient associés) connaîtront les vicissitudes du combat de l’ombre, avec son cortège de sacrifices, d’arrestations et de trahisons comme celle de Mathile Carré « La Chatte » qui fut à l’origine des déboires du réseau début 1942. Plusieurs futurs Compagnons de la Libération travaillèrent avec ce réseau comme Henri Gorce-Franklin et bien sûr l’amiral Trolley de Prévaux « Vox », dont sa fille Yung de Prévaux dans un livre émouvant, « Un amour dans la tempête », aux éditions du Félin, a raconté le parcours. A la lecture du livre, très dense, de Jean Médrala, on mesure à la fois la détermination et le savoir faire des femmes et des hommes de ce réseau, leur parfaite maîtrise des moyens de transmission radio, qui fut à l’origine de leur succès, ainsi que de leur logistique comme ces « felouques » qui assuraient une liaison maritime clandestine entre la côte méditerranéenne et Gibraltar, liaisons qui permirent d’acheminer de nombreux résistants français comme Frenay, d’Astier, Gilberte Brossolette et ses enfants, Jean Moulin, Fourcaud, et beaucoup d’autres. Dès août 1941 les polonais implantent un réseau de renseignements en Afrique du Nord, multipliant les contacts avec les Français militaires et civils qui s’impliquent dans la lutte clandestine avec les Alliés en vue de leur débarquement en novembre 1942. Après cette date les missions du réseau seront réorientées vers la reconquête de l’Île de Beauté et de l’Italie. Un réseau sera également implanté en Suisse, en Belgique et en Italie. L’auteur évoque le travail que réalisa « l’Equipe 300 » du lieutenant-colonel Langer du service du chiffre polonais et du commandant Bertrand, son homologue au chiffre français. Si connaissait déjà la part importante prise par les officiers et mathématiciens polonais dans le percement du « secret d’Enigma », cet appareil qui servait à coder tous les messages radio de l’armée allemande, on sait, sans doute moins, qu’après juin 1940, une équipe de décrypteurs polonais camouflée, dans un château réquisitionné dans le Gard avec l’aval des Services Spéciaux français, continua jusqu’en novembre 1942 à écouter et décoder les messages de l’armée allemande. Les messages un fois décodés étaient envoyés directement à Londres, y compris ceux qui concernaient le Front de l’Est. A la Libération, les réseaux Polonais seront homologués au titre des Forces Françaises Combattantes sous l’appellation de « Réseau F 2 » ; ils comptaient en peu plus de 2 600 combattants dont 12% de polonais, les femmes représentaient 23% des effectifs.
Il faut remercier Jean Médrala d’avoir fait revivre de manière aussi précise, l’histoire de l’un des tous premiers et du plus important service de renseignements organisé en France dans lequel se sont retrouvés des Français et des Polonais unis dans un même combat pour la Liberté.