« Les années sombres : souvenirs de mon grand-père 1939-1945 »

Par Caroline Dornstetter   Auteur : Caroline Dornstetter    Éditions : Editions du Panthéon

Cet ouvrage, retranscrit sous la forme d’un dialogue entre Caroline Dornstetter et son grand-père, constitue de par son originalité et son contenu, une source de témoignage d’un grand intérêt sur la Résistance. On y découvre en effet le questionnement d’une petite-fille quant à ses origines – sa famille ayant été pour sa quasi-totalité emportée dans la nuit de la Shoah – mais également sa volonté de découvrir quelle avait été l’adolescence de son grand-père, maquisard, durant cette sombre période. Les questions adressées par Caroline Dornstetter portent ainsi tant sur des sujets douloureux que sur d’autres ancrés dans la vie quotidienne.

A la lecture de ces pages,  on est frappé par le courage dont fit preuve ce jeune homme malgré la souffrance qui fut la sienne; Une souffrance qu’il s’efforce de ne pas montrer, mais que l’on devine omniprésente et qui imprègne chaque page de ce récit.


Les entretiens qui forment l’armature de ce livre ont été réalisés de 2012 à 2014 et visent trois objectifs distincts :

-Rendre hommage aux membres de la famille de Caroline Dornstetter assassinés par les nazis.

-Offrir aux lecteurs et aux plus jeunes le témoignage d’un adolescent qui dut subvenir seul à ses besoins dans une France occupée par des gens voulant sa mort du simple fait qu’il était juif.

-Documenter l’historiographie de la Shoah et de la Résistance en présentant une tranche de vie, par définition unique, riche tant en renseignements qu’en enseignements.

 

Photo de Michel K. personnage principal du livre "les années sombres" de Caroline Dornstetter

Photo de Michel K.


Au fil des chapitres de ce livre, c’est la vie de Michel K., fils d’immigrés juifs polonais né à Paris en 1922, qui se dessine. On découvre ainsi quelle était l’existence de ces immigrés juifs Polonais installés en France depuis peu, ainsi que le parcours de cet adolescent de 17 ans confronté à la drôle de guerre et aux difficultés de l’Exode. C’est ainsi à Pouilly-sur-Loire que Michel K. rencontra pour la première fois l’occupant, avant que lui et sa famille ne regagnent Paris. C’est rapidement, dès septembre 1940, que les premières mesures antisémites les frapperont, jusqu’à ce que surviennent le port obligatoire de l’étoile jaune et les premières rafles…

Conscient du danger, les parents de Michel K. réussirent à le faire passer en zone libre, et ce quelques jours seulement avant la rafle du vel d’Hiv du 16 et 17 juillet 1942 :  sa mère et sa sœur furent alors arrêtées et internées à Pithiviers. Le 3 août 1942, la mère de Michel K. fut déportée à Auschwitz ou elle fut assassinée à 43 ans. Sa sœur Suzanne, âgée de 10 ans, fut quant à elle déportée à Drancy le 15 août avant de partir pour Auschwitz 4 jours plus tard. Elle non plus de reviendra pas.

Le père de Michel K. tenta de le rejoindre mais fut arrêté à la ligne de démarcation le 31 juillet 1942, puis interné à Pithiviers du 5 au 22 août. Il sera également assassiné par les nazis à Auschwitz.


Ce qui est frappant et particulièrement bouleversant dans le récit de Michel K. est qu’à ce moment-là ce dernier ignorait tout du sort de sa famille et se trouvait seul, en zone libre, sans pouvoir compter sur quiconque. Arrivé à Dax il se rendra ensuite à Pau, Limoges, Albi, Toulouse, Marseille puis Nyons où il finira par intégrer les chantiers de jeunesse. Il y passa 6 semaines avant d’être renvoyé avec plusieurs de ses camarades juifs. Il rejoignit Claire, une petite-cousine, à Toulon avant que celle-ci ne rejoigne ses proches à Paris : tous furent également déportés et assassinés à Auschwitz.

Michel K. trouva du travail durant 6 mois au sein d’un atelier de tailleurs tenu par des Arméniens puis gagna Pau. Une fois sur place, en février 1943, il trouva un emploi chez le maître tailleur de la gendarmerie de Jurançon et réussit à obtenir de faux papiers. Le 6 juin 1944, via les Auberges de Jeunesse de Pau, il rejoignit un maquis, lui qui déjà, le 14 juillet 1941, avait manifesté avec des camarades sur les Grands Boulevards.

Ce maquis était affilié à l’Armée Secrète (A.S) et disposait d’une grande quantité d’armes et d’explosifs. Faisant partie des plus jeunes, sa tâche consistait principalement à garder ces stocks d’armes et à subvenir aux tâches de la vie quotidienne. Il se souvient que deux aviateurs Américains, originaires de Chicago, passèrent quelques jours avec lui et ses camarades. Un passeur, qu’on avait dénoncé comme ayant vendu sa clientèle aux Allemands, était fait prisonnier puis fut finalement relâché, personne n’ayant à cœur de l’exécuter…

Après plusieurs semaines, Michel K. fut affecté à un autre maquis composé de Polonais, de réfugiés alsaciens, de gens de la région. Un capitaine des GMR (les groupes mobiles de réserves, au service de Vichy) était même présent! Il devint éclaireur : armé d’un fusil mitrailleur, Michel. K surveillait les abords du maquis de toute trace de présence allemande.

Puis le 11 Août 1944, Michel K. rejoindra le maquis « Guy Mocquet » des FTP. Il défila avec ses camarades à l’occasion de la libération de Pau.

Immédiatement, Michel K. rejoindra le 18ème Régiment d’Infanterie afin de poursuivre le combat.


De retour à Paris quelques mois plus tard, frappé par la disparition des membres de sa famille, il décida de partir aux Etats-Unis : il y rencontra sa femme Cécile avec laquelle ils eurent trois enfants et de nombreux petits-enfants.

L’un de ces derniers, Caroline Dornstetter, a magnifiquement rendu hommage à son grand-père à travers ce livre que nous vous invitons vivement à lire.