La liberté guidait nos pas
Par Jacques Baumel Auteur : Jacques Baumel Éditions : Éditions Plon.2004
« Résister » que Jacques Baumel a écrit en 1999, est un livre de souvenirs, une chronique des années de « malheurs exemplaires » suivant ses propres mots, telles qu’il les a vécues comme témoin et acteur de la Résistance. « La liberté guidait nos pas », son dernier livre, est une suite de portraits des compagnons d’armes illustres ou oubliés qu’il a connu et de tableaux de cette « République souterraine » dans laquelle a vécu, celui qui aujourd’hui, est sans doute l’un des derniers témoins de ces années. Secrétaire politique du mouvement Combat, puis Secrétaire général des M.U.R., plus spécialement chargé des contacts politiques avec les autres mouvements, il fut au cœur de la « planète Résistance », de ses combats contre l’occupant, des affrontements avec Londres et des rivalités entre les différents chefs. Résistant de la première heure il raconte au quotidien, cette France de l’ombre et de la rupture, avec ses règles, sa solidarité, ses drames et ses luttes. Il rappelle, par quelques témoignages le rôle que jouèrent, les religieux qui cachèrent juifs et persécutés, les faussaires « au génie inattendu », les imprimeurs perpétuellement traqués, les centaines de femmes et de jeunes filles agents de liaison, les équipes de saboteurs des corps francs avec leurs exploits téméraires, c’est à dire tous ces « soutiers de la gloire » dont beaucoup moururent dans « l’obscurité pathétique des cales » selon la très belle phrase de Pierre Brossolette. Il décrit les lois de cette république clandestine avec ses mouvements et ses réseaux, les lois non écrites de la guerre secrète, avec ses périls, comme l’infiltration d’agents ennemis ou les retournements de résistants, ainsi que les inévitables trahisons, dont quelques unes malheureusement trop célèbres.
Au fil des pages rédigées simplement et ponctuées de citations, Jacques Baumel évoque « ces officiers de pont » avec lesquels il a travaillé, femmes et hommes souvent hors normes, qui peuplèrent la nuit résistante. Avec beaucoup d’émotion, il parle de Jean Moulin, « homme de foi et de rigueur », de Pierre Brossolette, « en avance d’une République », et d’Henri Fresnay, le « Carnot de la Résistance », qu’il rencontre très tôt, fin 40, et qui décida de son destin de résistant. Trois hommes qui se heurtèrent, trois destins exceptionnels, tragiques pour deux d’entre eux ; pour le troisième, « Charvet », Jacques Baumel laisse transparaître son regret « …qu’il ne fut, au bout du compte que le père humilié de la Résistance ». Emotion, quand il évoque l’héroïsme au féminin, de Bertie Albrecht à Geneviève de Gaulle, de Marie-Madeleine Fourcade à Lucie Aubrac. Dans cette galerie de portraits figurent bien évidemment Emmanuel d’Astier, dont la fin peu glorieuse dans l’univers de « Marx » n’est pas à la hauteur du personnage, regrette l’auteur de l’ouvrage, Bingen, Serreulles, Delestraint, Gilbert Renault dit « Remy », « Fanfan la Tulipe et le jongleur de Notre-dame », Bénouville, « l’un de mes amis les plus proches », Cavaillès « le philosophe », Michelet, « le saint »,…etc. et bien d’autres « enfants terribles de la Résistance ».
Résistant de la première heure, très vite, Jacques Baumel compris que l’architecture de la Résistance devait avoir pour clef de voûte le général de Gaulle, qu’il ne rencontra seulement et pour la première fois qu’au début de septembre 44. Devenu un fidèle du général, il l’accompagna dans l’aventure du R.P.F. D’une lecture à la fois simple et émouvante. « La Liberté guidait nos pas », est le livre de la vie au quotidien de cette épopée héroïque, avec ses grandeurs et ses misères, que fut la Résistance française.