Hier ne finira jamais
Par Catherine GUIBOURG Auteur : Catherine GUIBOURG Éditions : L'Harmattan
Ce récit est le fruit de la série de rencontres entre l’écrivaine Catherine Guibourg et la résistante Marie-Antoinette Vaysette-Vergès. Il nous donne à découvrir le portrait d’une jeune femme qui décida durant la guerre de s’engager pleinement pour s’opposer au nazisme et son idéologie barbare. Le lecteur est tout de suite frappé par la construction stylistique adoptée par Catherine Guibourg qui, en offrant un « livre à deux voix » (p.13), insuffle à chaque page un ton emprunt de chaleur et d’humanité, à l’image de Marie-Antoinette Vaysette-Vergès.
C’est son enfance que nous découvrons tout d’abord, elle qui ne fait déjà rien comme les autres, comme si la résistance était une part de son être. Après Montoire, que son père perçoit comme une véritable « humiliation » (28), Marie-Antoinette Vaysette-Vergès découvre rapidement les conséquences du régime d’occupation instauré par les Allemands. Souffrant du rationnement, son premier acte de rébellion consiste à s’opposer aux recommandations de sa mère et à acheter du pain au marché noir pour sa famille. Catholique pratiquante mais comptant de nombreux juifs parmi ses amis proches, Marie-Antoinette Vaysette-Vergès éprouve une profonde « indignation » (35) lorsque les premières mesures antisémites sont mise en place par les nazis.
En mars 1941, une fois son baccalauréat obtenu, elle est embauché à la Famille Provençale, une caisse d’allocation familiale dont certains employés sont des résistants. Mais ce sont ses contacts étroits avec les pères d’un couvent dominicain qui lui permettent d’agir à son tour, en distribuant du courrier confié par le Père Elie Pardigon, « Juste parmi les nations ». Marie-Antoinette Vaysette-Vergès pour qui la résistance est d’abord « une question de conscience individuelle » (58) sait immédiatement qu’elle assumera son engagement quel qu’en soit le prix.
A partir du mois de janvier 1942 elle distribue des numéros du journal clandestin « Témoignage Chrétien », dont les premiers numéros furent distribués à Lyon en novembre 1941. Jusqu’en août 1944, ce sont ainsi 455 000 cahiers qui seront distribués dans toute la France par des « résistants anonymes » (63) ayant en commun d’être révoltés par l’ignominie du régime nazi. Ses activités de résistante permettent à Marie-Antoinette Vaysette-Vergès de nouer d’étroits liens avec plusieurs jeunes de son âge qu’elles considèrent comme une seconde famille. Plusieurs d’entre eux seront arrêtés, torturés et ne reviendront pas des camps de la mort… Marie-Antoinette Vaysette-Vergès se souvient plus particulièrement de Charles, fiancé à une de ses amies, mort à 23 ans au camp de Neuengamme. Il avait contribué à la diffusion des cahiers du « Témoignage Chrétien » mais également aidé des réfractaires au STO ainsi que de nombreux juifs persécutés.
A Marseille, les rafles sont nombreuses en ce mois d’août 1942 et elles se poursuivent l’année suivante particulierement lorsque les vieux quartiers de la ville sont détruits.
En 1944, Marie-Antoinette Vaysette-Vergès quitte Marseille pour Valence afin de travailler au sein d’une communauté créée par un résistant charismatique, Marcel Barbu. Elle apporte son aide à des réfractaires au STO cachés dans la ferme dite de « Saint-Raymond », devenant alors un efficace agent de liaison. Elle est immédiatement frappée par la « forte personnalité » (115) de Marcel Mermoz, responsable du lieu. En mars 1944, elle échappe miraculeusement à une série d’arrestations frappant durement ses nouveaux camarades, qui découvrent l’horreur de la prison de Montluc et croisent le sillage d’un certain Klaus Barbie avant d’être fusillés.
En avril 1944, Marie-Antoinette Vaysette-Vergès se rend à Paris et assiste à l’arrestation de Marcel Barbu, alors même qu’elle monte à son domicile. Affreusement passé à tabac par plusieurs miliciens, ce dernier feint de ne pas la reconnaître, ce qui lui permet de prétexter une visite chez des voisins et d’échapper ainsi à une arrestation certaine. Marie-Antoinette Vaysette-Vergès se réfugie alors quelques temps chez une amie dont le père est un fervent collaborateur, ami intime de Jacques Doriot (elle lui sauvera la vie à la libération en témoignant en sa faveur).
De retour à Valence, elle se consacre activement à l’assistance de nombreux résistants, cachés dans la ferme de Saint-Raymond, parvenant à plusieurs reprises à réunir d’importantes sommes d’argents. C’est enfin le débarquement en province : Marie-Antoinette Vaysette-Vergès retourne auprès des siens, dans une cité Phocéenne désormais libérée.
Ainsi s’achève ce magnifique récit d’une femme ayant su puiser en elle le courage de résister de tout son être pour que l’Humanité triomphe. Tout au long de ses lignes, le lecteur est constamment amené à s’interroger sur le concept même de résistance, ce qu’il recouvre et ce pour quoi il convient de se battre, en temps de guerre mais aussi en temps de paix, hier comme aujourd’hui.