Dans la Grèce d’Hitler – 1941-1944 

Par Mark Mazower   Auteur : Mark Mazower    Éditions : Éditions Les Belles Lettres

(Edition en anglais 1993. Traduction française 2002

Le livre de l’historien anglais Mark Mazower : « Dans la Grèce d’Hitler – 1941-1944 » traduit en français aux Editions les Belles Lettres est la terrible histoire sur ce que fut, suivant le mot de Churchill, « la longue nuit de la barbarie » en Grèce et de la Résistance qu’opposa le peuple Grec aux différents occupants et en particulier aux Allemands. Pour l’historien anglais, l’invasion de la Grèce par la Wehrmacht en avril 1941 n’avait pas été vraiment voulue par le 3ème Reich qui bénéficiait dans cette partie du Sud-Est de l’Europe au plan du commercial, d’une position très forte. C’est l’échec de son allié Italien devant l’armée grecque qui amena Hitler à se porter à son secours et à envahir à son tour la Grèce. Au printemps 1941 le pays est affaibli tant sur le plan économique que politique par le difficile héritage laissé par le général – dictateur Jean Métaxas mort au début de l’année. La campagne militaire menée par la Wehrmacht sera de courte durée et la bannière nazie flotte sur l’Acropole le 27 avril 1941. Le roi, le gouvernement et les alliés Anglais ont quitté le pays tandis que les occupants Allemands, Italiens et Bulgares, qui se détestent cordialement, mettent en place un gouvernement faible, méprisé et impopulaire mais à leur dévotion. C’est à un véritable pillage que vont se livrer les vainqueurs, en particulier des Allemands dont les ordres étaient de vivre sur le pays. Très tôt ils prélèvent massivement les produits agricoles, exploitent les riches mines du pays et contraignent brutalement des milliers de femmes et d’hommes à aller travailler en Allemagne. Ce pillage lié à la désorganisation des circuits d’approvisionnement, aux réquisitions, à l’inflation, au marché noir et à la corruption plonge, dès la première année de l’occupation, le pays dans le chaos et entraîne une épouvantable famille. Rien que dans les agglomérations d’Athènes et du Pirée d’octobre 1941 à octobre 1942 : 50 000 personnes en sont victimes. Cette pénurie alimentaire généralisée va déchirer le tissu social du pays et radicaliser de très larges parties de la population contre l’Axe et favoriser la montée fulgurante de la résistance autour du Front national de libération (l’EAM) et de son bras armé (l’ELAS) l’Armée populaire de libération nationale populaire d’obédience communiste. Si dans les premiers temps de l’occupation, les militaires nazis éprouvaient vis-à-vis des grecs un certain philhellénisme lié en partie à l’idéologie nazie, très vite sous la pression des attentats et des sabotages leur attitude change du tout au tout. A partir de 1943 la Résistance grecque se renforce aidée par un « S.O.E. » britannique très actif. En septembre de la même année, l’Italie fait défection ; et le Troisième Reich resté seul aux commandes de la Grèce et se lance alors dans une répression violente de la Résistance. La Wehrmacht et la SS, pratiqueront jusqu’à la libération du pays septembre/octobre 1944 le même type de répression brutale et impitoyable en important « les valeurs sanguinaires du Front de l’Est ». Cette répression confirmant la pénétration de l’idéologie nazie dans la Wehrmacht, et de sa participation massive aux crimes contre l’humanité décidée par la SS. C’est le sinistre Aloïs Brunner, qui fut chargé un temps, d’appliquer la « solution finale » aux communautés juives en particulier à celle de Salonique l’une des plus anciennes de l’Europe méditerranéenne. Les premières rafles datent de juillet 1942 et sur une population juive estimée à environ 80 000 personnes les Allemands en déporteront 57 500 dont 2000 seulement reviendront. Les ratissages de grandes envergures de la Wehrmacht n’empêchèrent pas la Résistance de prendre le contrôle de vastes régions qu’elle administrait comme autant de « Grèce libre ». Les passions idéologiques entre les différents acteurs de la Résistance : communistes, républicains et royalistes et les comportements souvent ambiguës des Anglais vont déboucher sur une guerre fratricide qui suivra la fin de l’occupation. Le 12 octobre 1944 Athènes est libérée dans une Grèce ruinée «… où pendant ces années le nombre de décès dans le pays a été supérieur au nombre de naissance... ». Le pays sortira de l’occupation nazie et de la guerre civile, exsangue et traumatisé, il lui faudra près d’un quart de siècle pour s’en remettre.

L’ouvrage de l’historien anglais Mark Mazower, est une synthèse des différents acteurs de ces années et en particulier de la société grecque. C’est un livre très précis pour qui veut connaître l’histoire – sans doute un peu méconnue en France – de ces terribles années que furent celles de l’occupation par les nazis. Cet ouvrage est accompagné d’une remarquable et très rare iconographie qui ne laisse pas insensible son lecteur.

Jean Novosseloff