Combattant de la France Libre
Par Jean-Mathieu Boris Auteur : Jean-Mathieu Boris Éditions : Edition Perrin (2012)
A près de 90 ans, c’est pour ses petits-enfants, dans un livre qui vient de paraître aux Ed. Perrin, que Jean-Mathieu Boris raconte son histoire : celle d’un « Combattant de la France Libre ». Une histoire qui commence par le triste exode de mai / juin 40, avec défaite des armées françaises qui se profile. Jeune juif, issu de la Bourgeoisie parisienne aisée, élevé « à la Barrès » dans un patriotisme exigeant et la détestation des Allemands, c’est très naturellement qu’il bascule non vers la Croix de Lorraine mais contre l’ennemi qui « d’un éclat d’obus au cœur » le 27 septembre 1914 a tué, à 30 ans l’oncle Mathieu. Avec beaucoup d’humour il raconte son départ de Saint-Jean-de-Luz avec « Les Nourritures terrestres de Gide » pour presque seul bagage et son arrivée le 28 juin à Plymouth, sans jamais avoir entendu parler du général de Gaulle. Toujours avec le même humour, avec parfois une pointe de mélancolie pour sa famille et la France, il raconte ses mois d’apprentissage comme futur officier au sein des Free French Forces, durant le Blitz en Angleterre. Après quelques très courtes aventures galantes et trois mois de navigation autour de l’Afrique, aspirant il rejoint la 1ère brigade légère au Liban en décembre 41 puis est affecté dans un régiment d’artillerie. Il reçoit le baptême du feu le jour de ses 21 ans le 25 janvier 1942 et en mai / juin 1942 participe à la bataille de Bir-Hakeim. Aujourd’hui dernier témoin de cette bataille qui fit entrer dans l’histoire et la légende une brigade de free french aux ordres du Général Koenig : il raconte à hauteur d’homme, la quotidienneté des combats dans le désert libyen, avec sensibilité et émotion où l’officier qu’il est, évite : « …de montrer la peur qui allait souvent m’étreindre. ». Après la campagne de Tunisie, il entre au printemps 1944 comme officier dans les « Commandos de France » d’Henri d’Astier de la Vigerie, avant de connaître les durs et terribles combats dans les Vosges de l’hiver 1944-45. Une courte période d’entraînement et de repos à Alger permet à Jean-Mathieu Boris de livrer au lecteur, sur un ton picaresque, quelques anecdotes où l’on croise Lucie et Raymond Aubrac, Louis Mitelberg dit Mitelle (qui plus tard signera ses dessins humoristiques : Tim) René Capitant et d’autres de ses camarades : tous unis par le même ciment formé dans les combats de l’ombre. Novembre 1944 les « Commandos de France » livrent dans les Vosges et en Alsace de très difficiles combats contre un ennemi aux abois mais coriace où la mort (et où la chance) rôde à chaque instant ; pour Boris ce fut la chance, malgré quelques ordres imbéciles dont il sut dénoncer l’absurdité auprès de sa hiérarchie. C’est presque un « vieux guerrier » qui, en juillet 1945 décoré de la Légion d’honneur, descends les Champs-Elysées devant le général de Gaulle avant de retrouver la vie civile.
Ce livre est passionnant parce que ce récit mêle le tragique et l’humour, la drôlerie et la sensibilité et est écrit à un rythme vif, rapide et passionné, vraisemblablement comme l’homme qui transparaît à la lecture de ce livre. On ne se lasse pas de lire ce haletant témoignage dont la belle écriture n’est sans doute pas étrangère à la lecture de Gide que faisait l’auteur au cours de ses poses entre les combats.
La préface de ce livre témoignage est signée par l’historien de la France Libre, lui-même Français Libre : Jean-Louis Crémieux-Brilhac. En quelques très belles pages, il rappelle ce que furent les tous débuts de cette page d’histoire de France qu’écrivirent, avec le Général de Gaulle, les Français Libres ce « conglomérat social disparate » dont plus d’un tiers constituait « un foyer de jeunesse et d’ardeur » à l’image de Jean-Mathieu Boris.