Chemins faisant Vers la Résistance Du Lycée à Défense de la France
Par Robert Salmon Auteur : Robert Salmon Éditions : Éditions L.B.M. 2004
Dans ce premier volume, Robert Salmon raconte son parcours, depuis l’écolier en « costume à col marin » du Parc Monceau, jusqu’au résistant, l’un des fondateurs du journal le plus diffusé de la Résistance Défense de la France. Issu d’une famille aisée et bourgeoise, qui connu à la fin des années 20 un revers de fortune, il décrit non sans émotion et nostalgie quelques scènes de son enfance dans le beau quartier de la plaine Monceau, des vacances heureuses à Biarritz, et des séjours dans la maison provinciale des grands-parents. Juillet 1935, quand monte l’horreur en Allemagne, adolescent, il entre à l’hypokhâgne du lycée Louis de Grand à Paris où la rencontre avec quelques prestigieux professeurs de ‘philo’ le marqueront : il en retrouvera certains dont Albert Bayet dans la Résistance. Mobilisé, il fait la campagne de 40 comme aspirant sur la ligne Maginot où il est fait prisonnier, s’évade et se retrouve à Paris « frustré de la bataille, de la gloire, de la mort », comme nombre de jeunes gens exaspérés par la situation. C’est à la Sorbonne qu’il se lie avec Philippe Viannay : deux hommes complémentaires « je pensais clair et il agissait fort », écrit Robert Salmon. Avec Marcel Lebon ils vont créer Défense de la France dont le titre que Salmon propose, est à la fois un « un acte et un programme ». Entre ces trois hommes, si leur refus de l’occupant est identique, leur vision vis à vis du Maréchal est différente. Viannay croit « au Pétain-bouclier, défenseur des Français », Lebon est plus circonspect, « moi franchement sceptique » résume Robert Salmon, qui affirme qu’à l’été 40, « nous pensions, lui -de Gaulle- et moi la même chose » : l’Angleterre tiendrait, l’Amérique viendrait à son secours et les nazis, iraient se perdre dans les plaines russes, « Alors ce serait fini, il suffirait d’attendre ». Le premier numéro du journal est tiré à 5 000 exemplaires et le premier éditorial « Ni Allemands, ni russes, ni anglais » signé Robert Tenaille (Robert Salmon), devient le slogan du journal. Le retour de Laval au pouvoir au printemps 42 ouvre définitivement les yeux de Viannay sur Pétain, et met fin à la brouille surgie entre lui et Salmon, à propos de la place à accorder à de Gaulle dans le journal. L’entrée dans l’équipe de Jurgensen et de la nièce du général, Geneviève de Gaulle, aide Robert Tenaille à « gaulliser » Défense de la France. Début 1943, 100 000 exemplaires distribués, le journal artisanal des débuts est devenu une entreprise industrielle clandestine, à laquelle s’ajoute un service de faux papiers et la mise en place de groupes d’action. Pour Robert Salmon, l’étape suivante est de structurer D.F., de donner un sens à son combat, de le situer dans le paysage politique de la Résistance, de le sortir de son isolement et de faire reconnaître son importance. Siégeant au Comité parisien de Libération, dans diverses commissions et enfin dans le Mouvement de Libération National, il écrit : « le vice politique s’introduisit furieusement en moi ».
Homme de pensée, la vie de résistant qu’il mène, en permanence sur le qui-vive, ne l’empêche nullement de goûter « aux eaux calmes de la réflexion » et dans un essai intitulé Vers la Révolution, de formuler non un programme mais une doctrine qui doit empêcher définitivement « l’abdication de la responsabilité humaine ». Plus concrètement il s’attelle, avec Jurgensen à la rédaction d’un projet de constitution, dont Michel Debré s’inspira largement pour l’élaboration de la constitution de la V° République. Tout au long des souvenirs et des rencontres qu’il rapporte, parsemées d’anecdotes, que de merveilleux et sensibles portraits trace t-il d’Hélène Viannay, Charlotte Nadel et de Jacqueline Pardon adeptes de la première heure, de Pia, de Serreules, de Trollet, de Bourdet, de Villon….etc. et aussi de ceux qui ne virent pas la Libération, comme Brossolette, Bingen et bien d’autres. Enfin, après les épreuves et les sacrifices, les deux fondateurs de Défense de la France connaissent la joie de vivre le « rêve qu’il préparait depuis des mois » : celui de la Libération. Au journal, au C.P.L. et au M.L.N., pendant les journées d’août 44 de la Libération de Paris, Robert Salmon est partout.
Le journal reparaît le 21 août, avec un édito signé Robert Tenaille, intitulé : « La liberté reconquise », il est vendu 20 francs, au nez et à la barbe de Allemands !!
Pour Robert Salmon une nouvelle et triple existence commence : celle du journaliste qui va lancer France-Soir, qui sera le plus important journal d’information de cette époque, avec d’une brillante équipe de journalistes professionnels autour de Pierre Lazareff, celle du militant politique, un peu candide, vite déçu par l’égoïsme des uns, et repoussant les avances politiciennes des autres, et celle enfin d’un homme public de premier plan, doublé d’un humaniste fourmillant d’idées généreuses pour son pays.
Ce nouveau livre devrait prendre une place de choix, parmi tous ceux écrits sur la Résistance. A la vérité, il manquait le témoignage de cet homme de grande culture, résistant discret et donc un peu oublié, dont la vie, comme l’écrit Stéphane Hessel dans sa préface, fut «…extrêmement riche. Riche en expériences très diverses dont chacune a nourri sa réflexion »