A Montauban : de notre Ami et Délégué Robert Badinier : EXPOSITION SUR LES FRANCAIS LIBRES DEDIEE A HUBERT GERMAIN : UNE PREMIERE EN OCCITANIE

La démarche éducative a été le fil conducteur de cette exposition particulièrement novatrice présentée au conseil départemental de Tarn-et-Garonne, du 15 au 26 novembre dernier. Elle a permis de mettre en perspective dans un même espace des panneaux historiques sur l’épopée de la France libre et des panneaux mémoriels déclinés à travers une revue de presse, à partir d’une expérience inédite menée par des scolaires dans le département.

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  Les panneaux mémoriels qui font référence à la thématique de l’exposition, l’engagement des premiers résistants, les Français libres et les Compagnons de la Libération ayant répondu à l’appel du 18 juin 1940, ont été réalisés pendant le confinement lié à la crise sanitaire du coronavirus, à partir de 82 articles extraits de journaux locaux et de revues nationales. Les visiteurs ont pu découvrir les différentes étapes qui ont favorisé dans le département une véritable dynamique de mémoire où la dimension intergénérationnelle a pu valoriser l’action éducative, en aidant les jeunes à relever le défi de la citoyenneté qui conditionne l’éducation à la paix. Sur chacun des 22 panneaux mémoriels une Croix de Lorraine autour de laquelle s’articulaient les articles et les photos illustratives rappelait la symbolique de la Résistance. Ils ont pu suivre les temps forts qui ont balisé chronologiquement l’engagement des élèves dans les différents projets auxquels ils ont été parties prenantes, à travers les voyages scolaires et les lieux historiques où ils ont rencontré des anciens résistants et déportés.

L’association tarn-et-garonnaise des lauréats du concours national de la Résistance et de la Déportation, créée en 1996 par le comité départemental du prix de la Résistance et de la Déportation, présidée par Louis Olivet, en répondant aux attentes des associations d’anciens résistants et déportés, a  été un vivier éducatif qui a stimulé  de nombreux scolaires du département prêts à se mobiliser dans le travail de mémoire. Elle a été présidée par Robert Badinier, lors de trois mandats successifs.

Cette structure associative est née de la contribution originale d’élèves et d’enseignants provenant de deux collèges montalbanais, l’un public et l’autre privé, impliqués dans des Projets d’Action Educative inter-établissements, dans le cadre de la commémoration des cinquantenaires des Débarquements et de la Libération.

C’est avec des galets ramenés par ces élèves lors de leur voyage scolaire à l’Île de Sein, qu’a pu être réalisée par les services techniques de la mairie de Montauban la stèle de la France libre au Cours Foucault, inaugurée le 8 mai 1995 par Pierre Messmer et les autorités civiles et militaires du département. Pierre Messmer était un proche d’Hubert Germain, son compagnon d’armes à Bir-Hakeim .

Ils avaient rencontré un acteur de l’épopée de la France libre, Alexis Le Gall. Ce résistant de la première heure était parti avec son frère, le 19 juin 1940, à bord d’un bateau-courrier, l’Ar Zénith, le premier navire civil français à avoir rallié l’Angleterre assiégée, pour rejoindre le général de Gaulle, avant de s’engager dans la 1èreDivision Française Libre. Il n’avait pas 18 ans ! Ce valeureux combattant avait accompagné les élèves montalbanais et leurs enseignants dans le bus qui les amenait à l’embarcadère d’Audierne pour aller à l’Île de Sein : son patriotisme les avait touchés au coeur. Il a raconté son itinéraire résistant dans son livre « Les clochards de la gloire »  paru en 2017.

En 1998, l’association des lauréats a reçu le prix Espoir décerné par l’Institut Charles de Gaulle pour la réalisation d’une maquette de marbre de la Croix de Lorraine sur laquelle ont été inscrits tous les noms des Compagnons de la Libération. Elle en a fait don au Musée de l’Ordre de la Libération à Paris qui l’a exposée pendant de nombreuses années avant de l’entreposer dans ses réserves.

Le 8 mai 1999, Pierre Messmer est revenu à Montauban pour présider à la maison de la culture l’exposition sur les Compagnons de la Libération réalisée par l’association des lauréats et pour dévoiler une plaque du souvenir apposée sur la stèle de la France Libre. L’année suivante était organisé au centre universitaire de Montauban le congrès national des   associations de lauréats du concours de la Résistance sur le thème des acteurs de mémoire, dédié à Maurice Rolland, un Compagnon de la Libération né à Montauban, et sous la présidence de trois autres personnalités de la Résistance : Etienne Schlumberger, Serge Ravanel et Raymond Aubrac. L’objectif de cette rencontre à laquelle participaient plusieurs associations patriotiques était de créer une dynamique associative susceptible de contribuer à crédibiliser le rôle essentiel que peuvent jouer les générations montantes dans le travail de mémoire et à optimiser le dispositif mis en place dans les départements pour une mise en réseau et une mutualisation des moyens. Cette rencontre s’est concrétisée par la rédaction d’une charte nationale  dont les  finalités humanistes ont inspiré l’action ds membres de l’association départementale.

Depuis l’an 2000, c’est devant la stèle de la France libre qu’est organisée la cérémonie que commémore chaque année la Journée nationale de l’appel du 18 juin 1940 lancé par le général de Gaulle à la radio de Londres. La lecture du texte de la Préface des Compagnons de la Libération, à l’initiative de l’association des lauréats,  est désormais inscrite dans le protocole de cette cérémonie.

Le Tarn-et-Garonne fait partie des départements qui ont rendu hommage à tous les Compagnons de la Libération qui y sont nés ou y ont été inhumés. Leurs noms figurent sur la stèle de la France libre du Cours Foucault, à l’exception de ceux de Maurice Bayrou auquel a été dédiée une plaque à la Chambre d’agriculture de Tarn-et-Garonne et de Maurice Rolland, dont la plaque dénominative a été apposée dans la salle d’audience du Tribunal de grande instance de Montauban.

En 2003, un pacte d’amitié a été signé entre les communes de Montauban et de l’Île de Sein, Compagnon de la Libération, dans le salon d’honneur de l’Hôtel de ville, pour sceller les liens qui unissent la cité d’Ingres et de Bourdelle et ce haut lieu de la Résistance française.

L’association des lauréats a accompagné l’action patriotique des anciens résistants et déportés tarn-et-garonnais jusqu’en 2008. Les jeunes leur ont montré que le plus bel hommage qu’ils pouvaient leur rendre était de pouvoir transmettre  à travers leur façon d’être au monde, de faire vivre la citoyenneté, les valeurs humaines pour lesquelles ils se sont battus en défendant la cause de la liberté. La délégation régionale de Mémoire et Espoirs de la Résistance a pris le relais de l’association des lauréats, pour assurer la continuité de son action auprès des institutions.

L’hommage rendu  le 15 novembre à Hubert Germain lors du vernissage de l’exposition

 Par l’intermédiaire du Musée de l’Ordre de la Libération, Robert Badinier a  pu obtenir l’accord  d’Hubert Germain, quelques mois avant sa disparition, pour que l’exposition des Français libres à Montauban soit dédiée à ce héros de Bir-Hakeim et qu’ait lieu aussi lors de l’inauguration de cette exposition au conseil départemental de Tarn-et-Garonne, la lecture du témoignage émouvant que ce grand résistant avait publié en 2006 aux éditions Privat, dans le livre d’Henri Weill  « Les Compagnons de la Libération, résister à 20 ans » .

Le 15 novembre dernier, cette lecturea été faite à quatre voix : celles de Robert Badinier, à l’initiative de l’exposition sur les Français libres et leur chef, d’Anne-Marie Bonnet, sa compagne,  qui avait participé avec lui à l’organisation du voyage scolaire à l’Île de Sein, de Bernard Valette, vice-président de la Société des Membres de la Légion d’Honneur qui a parrainé le projet avec l’Association Nationale de l’Ordre National du Mérite de Tarn-et-Garonne et dont le père a été le dernier Français libre décédé dans le  département, et de Jean-Louis Matharan, historien, membre de la Fondation Charles de Gaulle, qui avait  rencontré  à deux reprises Hubert Germain, en 1987 et 1988. Le 11 décembre prochain, à 15h, une projection-débat sur le film « De Gaulle » de Gabriel Le Bomin, avec Lambert Wilson et Isabelle Carré, proposée par Henri Guiyesse, président du club des cinéphiles de Tarn-et-Garonne sera animée au cinéma le Paris par Jean-Louis Matharan.

Cet hommage ne s’arrêtait pas là. La délégation de Mémoire et Espoirs de la Résistance avait aussi  proposé un projet de contribution des générations montantes à la cérémonie prévue par les autorités, le 11 novembre dernier à l’occasion de l’inhumation du dernier Compagnon de la Lib ération. Cette idée était née lors de la cérémonie commémorant l’appel du 18 juin au Mont Valérien où l’association des lauréats avait été invitée: la maquette de la Croix de Lorraine pouvait donner du sens à l’engagement de la jeunesse , à la disparition du dernier Compagnon de la Libération.

Ce projet s’inscrivait dans un dynamique de mémoire qui avait fait la preuve de l’engagement de la jeunesse pour promouvoir la mémoire des Compagnons de la Libération dans une perspective éducative. IL pouvait intéresser les instances officielles pour ces raisons et s’intégrer en partie ou en totalité au dispositif qu’elles auraient à choisir. Il s’agissait d’une mise en scène allégorique d’une croix de Lorraine humaine susceptible d’être présentée sur l’esplanade du Mont Valérien à partir du dévoilement de panneaux pédagogiques en référence à deux célèbres citations du chef de la Résistance française : « Quoi qu’il arrive, la flamme de la Résistance française ne doit pas s’éteindre et ne s’éteindra pas » et «  La seule querelle qui vaille est elle de l’homme ».Elles symbolisent la complémentaritéde ses deux composantes, extérieure et intérieure, qui perpétuent l’esprit de la Résistance en suscitant l’esprit de résistance à l’inhumain. A la fin du dévoilement, après avoir déposé les panneaux correspondant aux lettres qui reconstituaient ces deux citations, une déclamation collective par les jeunes participants devait précéder l’interprétation par leur porte-drapeau, un professeur d’éducation musicale, du chant de la Croix de Lorraine, composé par Marcel Poimboeuf, un résistant membre de l’Assemblée consultative provisoire d’Alger, le seul hymne connu sur ce symbole emblématique de la Résistance. Ce chant inédit est entonné le 18 juin à Montauban devant la stèle de la France libre, depuis l’an 2000.

Hélas, le contexte sanitaire lié au coronavirus n’a pas permis de mobiliser l’effectif scolaire pour cette mise en scène. Le Musée de l’Ordre de la Libération avait fait savoir toutefois à Robert Badinier, une semaine avant la cérémonie du 11 novembre, que si les hautes autorités le décidaient, il ne se serait pas opposé à un dépôt de la maquette de la Croix de Lorraine au Mont Valérien. Il en a été autrement. Les organisateurs ont préféré mettre en place un autre scénario, qui a été tout à fait à la hauteur de l’événement.

C’est à l’intérieur de la crypte du Mont Valérien où le Président de la République s’est recueilli que s’est terminée ce jour-là la cérémonie d’inhumation. La Croix de Lorraine de bois qu’il a déposée sur le cercueil d’Hubert Germain a eu une portée d’autant plus symbolique qu’elle avait été sculptée à partir d’une poutre calcinée lors de l’incendie de Notre-Dame. C’était le symbole de la Résistance tout entière qui était mis à l’honneur. De plus, le chef de l’État a annoncé que l’Ordre de la Libération serait désormais placé sous la protection du président de la République pour « faire des Compagnons de la liberté une source éternelle d’inspiration pour tous les enfants de France ». Le 30 novembre, une Française libre, Joséphine Baker, entrait au Panthéon : le général de Gaulle lui avait offert une broche en or de la Croix de Lorraine.

La rencontre avec Geneviève de Gaulle-Anthonioz, le 18 juin 1998 au Mont Valérien 

    L’exposition sur les Français libres a fait aussi écho à une femme d’exception, très tôt engagée dans la Résistance, Geneviève de Gaulle-Anthonioz, qu’ont rencontrée les participants au voyage scolaire à Paris organisé par l’association tarn-et-garonnaise des lauréats du concours national de la Résistance et de la Déportation, à l’occasion du prix Espoir décerné à l’association par l’Institut Charles de Gaulle. Les Montalbanais étaient invités à la tribune d’honneur pour assister à la traditionnelle cérémonie de l’appel du 18 juin, au Mont Valérien. A l’issue du défilé militaire, Geneviève de Gaulle-Anthonioz avait tenu à saluer les lauréats de l’association et s’était longtemps entretenue avec eux pour évoquer le sens de son combat et l’action de son oncle. Chacun a eu vraiment conscience de vivre une expérience unique et de partager des moments de grande émotion. Les élèves ont compris que la Résistance est un état d’esprit, un combat permanent, jamais définitivement acquis, contre tout ce qui aliène la dignité de l’homme, le relègue au rang de matricule. Cette grande dame de la Résistance a montré jusqu’à son dernier souffle que résister aujourd’hui, c’est assumer cette cohérence. Toute sa vie, elle aura été un exemple de citoyenneté qui ne peut qu’inspirer les générations montantes, une leçon de courage qui empêche de désespérer de la personne humaine. « Quand il n’y a plus rien, écrivait-elle, il y a encore l’Amour… ».

En 1943, elle est arrêtée par la Gestapo à Paris, pour acte de résistance. Elle résistera encore dans l’enfer concentrationnaire au camp de Ravensbrück où elle déploiera une énergie inépuisable pour accroître les liens de solidarité avec les codétenues. Elle résistera enfin avec ATD Quart Monde et « le peuple des bidonvilles » en faisant aboutir une loi de lutte contre l’exclusion qui sera adoptée par le Parlement en 1998. C’est elle qui est à l’initiative de la journée mondiale de refus de la misère, instituée en 1992 et célébrée le 1eroctobre. En 1998, elle a obtenu la plus haute distinction de l’Ordre de la Légion d’Honneur. C’est la première femme élevée à cette dignité. « Quand on va au bout de la nuit, on rencontre une autre aurore… ».