GLEiZE Maurice

Paris , Île-de-France

F.T.P.

Auteur de la fiche : Axel Porin in DVD-ROM La Résistance en Ile-de-France, AERI, 2004

Maurice Gleize


Né à Nîmes me 7 janvier 1909

Décédé le 20 avril 2003

Issu d’une famille ouvrière, Maurice Gleize entre en apprentissage dans une imprimerie dès l’âge de 12 ans. Plus tard, il fréquente le soir l’Ecole des Beaux-arts de Nîmes, où il apprend le dessin, et le Conservatoire de musique, où il s’initie au violoncelle, qu’il pratique ensuite en orchestre. Marié, père d’un enfant, il exerce son métier d’imprimeur à Paris, salarié dans une entreprise. Il est mobilisé en 1939, puis, démobilisé, il remet en marche l’imprimerie.

À partir d’octobre 1940, il met ses connaissances de l’imprimerie au service de la lutte contre l’occupant allemand. Les communistes de Gennevilliers, comme Waldeck L’Huillier, le contactent immédiatement. Il n’est alors que sympathisant du PCF, mais il se met à leur service sans hésiter. Pourtant, la police, au fait de ses accointances politiques, est venue lui rappeler, dès la réouverture de l’atelier, l’interdiction de toute propagande communiste. Maurice Gleize doit donc se montrer prudent, d’autant que le commissariat se trouve seulement à 200 mètres de la rue des Cloys ! En quelques semaines, il a déjà tiré plus de 20.000 tracts et papillons clandestins lorsqu’en novembre 1940, Raymond Losserand lui propose d’œuvrer pour le Comité central du parti. L’imprimeur accepte et rompt tout contact avec ses amis de Gennevilliers, prétextant la peur de la répression ! Par prudence, il ne garde qu’un employé et demande à un électricien d’installer dans l’atelier d’un système électrique avertissant des entrées et des sorties. Au départ, sa mission se limite à la linotypie : Maurice Gleize compose les plombs des tracts et des journaux nationaux comme La Vie OuvrièreLes Cahiers du CommunismeLa TerreL’Avant-Garde et, souvent, L’Humanité …

Des agents de liaison viennent ensuite chercher les épreuves pour en confier le tirage à d’autres ateliers. En effet, le PCF dispose, dès les premiers mois d’occupation, d’un vaste réseau d’imprimeries. Par mesure de sécurité, celles-ci n’ont aucun contact les unes avec les autres. Ainsi, Maurice Gleize ignore sans doute qu’à quelques pas de son entreprise, au 40 rue des Cloys, fonctionne un autre centre clandestin. Grâce à ce cloisonnement, la police n’a jamais pu éradiquer la propagande communiste. Les chutes ont pourtant été fréquentes. Il arrive donc que l’imprimerie Gutenberg soit chargée d’assurer seule toutes les étapes de la confection du matériel, de la linotypie à la distribution. Un tel travail ne va pas de soi. La consommation de papier, de gaz et d’électricité est sévèrement contingentée. Or, Maurice Gleize dépasse fréquemment les quotas autorisés et reçoit souvent la visite des agents de la Compagnie du Gaz. Heureusement, il a un excellent alibi : un collaborateur du Maréchal Pétain, l’intendant général Merlet, lui a confié la réalisation d’un gros volume sur les Pensions civiles et militaires.
Pour se procurer davantage de papier, il réalise aussi de faux bon de commande au nom d’autres imprimeurs. Les besoins sont en effet considérables. Comme le prouvent les saisies opérées par la police, les organisations communistes publient, dès les premiers mois d’occupation, papillons, tracts et journaux par centaines de milliers. Par exemple, l’appel à la constitution du Front national (mai 1941) aurait été tiré à 200.000 exemplaires. Selon Marcel Mugnier, responsable de l’organisation en région parisienne, Maurice Gleize en aurait été l’un des imprimeurs. Fin août 1941, Yvonne Berthot, liaison entre l’imprimeur et l’appareil central, apporte les épreuves d’un nouveau journal, France d’Abord, organe des groupes armés créés par le PCF, qui deviendront en avril 1942 les FTP.
Le 1er numéro, un quatre pages au format réduit, est édité le 1er septembre à 6.000 exemplaires. Jusqu’en février 1943, c’est Maurice Gleize qui réalise la plupart des numéros imprimés de France d’Abord ainsi que les manuels de guérilla rédigés par le chef de l’état-major FTP, Marcel Prenant. Ceux-ci sont camouflés derrière des couvertures au titre trompeur, comme Le Manuel du Légionnaire. Le procédé sera abondamment utilisé ensuite, notamment par Michel Bernstein de Défense de la France pour son Manuel du Faussaire, par le BCRA pour les fascicules de sabotage expédiés en France, ou encore par le Comité d’Action contre la Déportation avec Les Recettes de la Tante Marie.
Tout en restant au service des FTP, Maurice Gleize continue à travailler pour le PCF et le FN. Fin 1941, il réalise une affiche intitulée Qui est Hitler ?, puis un ensemble de 16 compositions pour sauver de Gabriel Péri et Lucien Sampaix. En 1942, il confectionne une brochure de 140 pages, Le Vol de l’Aigle, qui cache une édition des Cahiers du Bolchevisme. Pour répondre à l’augmentation de la propagande, liée notamment au développement du FN et des FTP, l’imprimeur montmartrois s’adjoint de nouveaux collaborateurs : Henri Vincent, ex-lino à L’Humanité, Louis Chabonnois, Suzanne Lacipierre, Gilberte et Georges Smet, Robert Weisse, Louis Abonneau, etc.
Fin 1941, à la demande du parti, auquel il vient d’adhérer, il prend contact avec d’autres ateliers. Il constitue ainsi un réseau qui comprend, outre son entreprise, cinq imprimeries (rues de Bellevue, de Belleville, de la Villete, Vic d’Azir et Ramey) et un centre de brochage dans le XXe arrondissement. L’organisation assure toutes les phases de fabrication du matériel. Elle compte plus 30 ouvriers, autant d’agents de liaisons et de transporteurs. Malgré des arrestations, elle déploie durant toute l’année 1942 une activité considérable.
En février 1943, le responsable de Maurice Gleize, « Pierre », alias Léon Kamenney (également orthographié Kemeny ou Quemenet) lui fait parvenir les textes pour deux nouvelles brochures. L’une est consacrée à la dénonciation de l’étoile jaune, l’autre est une transcription d’un discours de Fernand Grenier à la BBC, consacré aux otages de Châteaubriant. Aucune ne voit le jour. En effet, en mars, le réseau est entièrement démantelé. Maurice Gleize est arrêté le 4 par les Brigades spéciales alors qu’il travaillait sur un discours de Grenier. Il en avait choisi le titre, Les 27 qui vont mourir, et la couverture, Maximes et Réflexions morales de La Rochefoucault. Il réussit heureusement à s’en débarrasser sans que la police s’en aperçoive.
Ce vaste coup de filet, fruit de filatures minutieuses, dépasse largement le cadre du réseau Gleize. Les rapports hebdomadaires des Renseignements généraux pour le mois de mars 1943 mentionnent la découverte de 18 entrepôts et l’arrestation de plusieurs dizaines de militants, parmi lesquels des cadres nationaux comme Léon Kamenney, Roger Payen, chargé de l’achat du matériel, Zélia et Léon Duchesne, rédacteurs du journal La Voix des Stalags, expédié clandestinement aux prisonniers de guerre.
Amené au Dépôt, Maurice Gleize y fait la connaissance d’un autre détenu, Henri Manhès, un proche collaborateur de Jean Moulin. Il subit des interrogatoires musclés, mais les inspecteurs de la Brigade spéciale ne parviennent pas à établir ses responsabilités, preuve qu’il n’a pas été dénoncé. Son agent de liaison, Yvonne Berthot, affreusement torturée, échappe de peu à la mort. Elle doit être hospitalisée avant d’être conduite à la prison de La Roquette. D’autres membres du réseau sont fusillés ; ainsi Pierre Lacan, André Lantos, responsable de l’imprimerie de la rue Vic-d’Azir, et ses deux ouvriers. Maurice Gleize est ensuite incarcéré à la Santé. Il partage une étroite cellule avec sept autres détenus politiques et occupe le temps en lisant les œuvres de Pascal. Il écrit alors ses premiers poèmes qu’il soumet à l’enseignant et poète Jules Guieysse, également arrêté en mars 1943 comme « responsable de la propagande parmi les instituteurs ».
Interné à Blois, puis à Compiègne, il est finalement déporté à Neuengamme, le 4 avril 1944. Affublé du matricule 31 492, il est affecté au commando de Fallersleben où il devient le responsable de l’organisation communiste clandestine. Malgré la réprobation de certains camarades allemands, il organise la solidarité sans sectarisme, fidèle à l’esprit du Front national. Il est ensuite transféré à Wobbelin où il contracte le typhus.
Lorsque l’Armée rouge libère le camp, en mai 1945, il ne pèse que trente-trois kilos. Son état de santé est tel que les médecins soviétiques le gardent à l’hôpital jusqu’en septembre. A son retour, il apprend que beaucoup de ses camarades, Henri Vincent, Louis Abonneau ou Roger Emerit, sont morts en déportation. Dès que sa santé le lui permet, il reprend possession de son imprimerie, mise sous scellés après son arrestation et reprend son activité militante. Il se consacre également à la Poésie, sa passion de toujours.

Plaque Maurice Gleize, 17 rue des Cloÿs, Paris 18

En novembre 2008, une plaque a été posée dans le XVIIIème arrondissement de Paris en hommage à son action résistante.


Œuvres