MALLET Louis

Auteur de la fiche : Extrait du texte de Paul Esbrat Revue de la Haute-Auvergne Occupation, Résistance et Libération dans le Cantal Tome 56 - Avril-septembre 1994

Louis MALLET

Louis Mallet, né le 5 juillet 1889 de parents paysans, a partagé sa petite enfance avec quatre frères et soeurs, modestement comme l’on vivait à la campagne à cette époque. Cependant, d’une intelligence remarquable et particulièrement studieux, il poursuivit ses études à la faculté de médecine de Montpellier (où il figure sur le monument « Mort pour la France »). Il avait une première fois servi son pays en 14/18 comme lieutenant au service des blessés et connaissait déjà les horreurs de la guerre. Installé à Saint-Flour comme généraliste avec son épouse Marguerite et ses trois enfants : Étienne, l’aîné, puis les jumeaux Madeleine et Pierre, dit Pierrot, il soignait sans distinction riches ou pauvres avec une bonhomie un peu bourrue, mais avec une réelle compétence et une conscience professionnelle exemplaire. En 1939, mobilisé malgré ses trois enfants, il partait une deuxième fois pour servir son pays dans le service de santé avec le grade de capitaine. Il revint avec le grade de lieutenant-colonel. Mais il n’admettait pas la défaite. Pour lui la guerre n’était pas finie et dès la première heure il afficha ouvertement ses convictions et son idéal avec force.

Il devint l’un des pionniers de la Résistance auvergnate.

Première conséquence : il fut démis de son mandat de conseiller général par ordre du préfet Coldéfy, mais il resta maire d’Alleuze et devait le rester jusqu’à sa mort. Nous sommes au début de l’année 1942. Après avoir pris contact avec Jean Delpirou, de Murat, avec le mouvement Combat dont il reçoit des instructions et avec René Amarger, il s’emploie à sensibiliser toute une population. Grâce à sa notoriété, il a une grande influence et comme lui, de nombreux amis n’ont qu’un but : reconquérir la liberté, restaurer une République juste et fraternelle. René Amarger, alias Germa, et le D` Louis Mallet, sous le pseudonyme Faust, créent les Mouvements Unis de la résistance (MUR) de la région de Saint-Flour, Chaudes-Aigues, Pierrefort, Ruynes. Une quinzaine de responsables se réunissent au café Mallet Étienne Paul, rue des Lacs, (ce dernier arrêté et mort sous la torture à Royat, siège de la Gestapo). Ce mouvement est rattaché à la région de Clermont-Ferrand.

Le D` Mallet met sa famille à contribution. Il prend son fils Étienne (Stéphane) comme agent de liaison ainsi que son fils Pierrot et parfois même sa fille Madeleine porte elle-même des messages sur sa bicyclette. Les enfants étaient fiers de leur père. Faust demandait de planquer des réfractaires, aidait certains à se doter d’une identité nouvelle, s’employait à fournir de faux papiers. Juifs ou réfractaires au STO bénéficiaient de son intervention ou étaient camouflés par son intermédiaire. Mais un rapport de la Milice locale mettait sa vie en danger ainsi que celle de sa famille. Il devait se cacher. Choisissant la clandestinité, il rejoint le service de santé des FFI d’Auvergne. En mai 1944, Gestapo et Milice entrent en scène et les événements dramatiques vont se succéder dans toute la région.

Le 11 juin, très tôt le matin, le petit Pierrot Mallet (16 ans) est pris comme otage. Emmené à l’hôtel Terminus, il est rejoint par sa mère et sa soeur jumelle Madeleine vers 15 h. Miliciens, SS, agents de la Gestapo pillent le cabinet de travail, l’appartement du docteur. Ils vident armoires et cave et empilent dans leurs camions tout ce qui leur tombe sous la main. À l’hôtel Terminus, avec d’autres détenus, Pierrot, sa mère et sa soeur vivent d’interminables journées et nuits d’angoisse. Le 14 juin à 6 h du matin, Pierrot et 24 fils de France étaient lâchement abattus à Soubizergues. Pierrot n’avait jamais voulu dénoncer son père. Dans son livre Soubizergues, terre de sang, le frère Gérard Mayet, également détenu, écrit : « Les Allemands s’étaient littéralement acharnés sur ce gosse et le gosse de 16 ans les avait vaincus. Son père, aux yeux des Allemands et non sans raison, incarnait la Résistance « .

Avec toute sa famille, il en sera le martyr.

Le Dr Mallet avait rejoint l’infirmerie de campagne du Mont-Mouchet. C’est alors que la Wehrmacht allait faire régner la terreur dans la région. Puis ce furent les combats du Mont-Mouchet, de durs combats. Il y eut beaucoup de morts et de blessés des deux côtés. Le Dr Mallet, nuit et jour, soignait et soulageait de son mieux les souffrances de nos partisans avec peu de moyens et dans des conditions extrêmement inconfortables. Puis à partir du 20 juin eurent lieu d’autres combats tragiques au réduit de la Truyère. Dans une nouvelle infirmerie installée à Maurines, le docteur apprenait fortuitement (alors que son entourage avait voulu le lui cacher) coup sur coup l’arrestation de sa famille et surtout l’exécution de son fils Pierrot. Déjà marqué par les épreuves, il décide de revenir à Saint-Flour se livrer peut-être pour sauver les siens qui sait ? En vain ses camarades essayent de le retenir. Avec son fils Étienne et un autre jeune, il part et se réfugie dans le bois du Bès côté Lozère.

Hélas le 22 juin tous trois sont capturés, conduits à Fournels (Lozère), enfermés dans une grange puis transférés à Chaudes-Aigues le 23 juin. Le docteur subit des interrogatoires et se défend avec énergie. Le soir même ils étaient exécutés au tournant de Pratviel. D’après un témoin le fils était dans les bras de son père.

Marguerite et Madeleine ignoraient tout lorsqu’elles furent emmenées en Allemagne. Heureusement car cela aurait pu leur ôter tout courage. Elles ne seront jamais séparées, mais nous dit Madeleine, elles gaz, recevant humiliations physiques et morales, elles vivront l’horreur, la terreur mais garderont malgré tout un moral assez fort pour leur permettre de survivre.

Le 5 mai 1945, se souvient Madeleine, la Résistance tchèque et l’armée polonaise les libèrent du camp de Holleinneshen en Tchécoslovaquie. Ramenées à Paris, terriblement amaigries, moralement et physiquement affaiblies, quelle plus grande douleur encore lorsqu’elles apprennent la mort de Louis, Etienne et Pierre.

Un an après, le 3 juin, elles arrivent à Saint-Flour. Une foule de Sanflorains extrêmement émus les accueillent avec chaleur. Dans l’Avenue des Orgues, elles marchent sur un tapis de fleurs… mais chez elles personne ne les attend, la maison est vide, saccagée, sans âme. Bien douloureuse épreuve encore !

En ce mois de juin 1944, Saint-Flour a perdu beaucoup de ses enfants et parmi eux le plus vaillant, l’irremplaçable docteur Louis Mallet. Il ne nous reste plus que le souvenir impérissable et une immense gratitude.

Madeleine se souvient de tout avec tristesse et amertume mais aussi avec beaucoup de dignité. Elle sait qu’elle a notre profonde amitié et que nous sommes fiers de l’avoir comme présidente des ACVG de Saint-Flour.