PIROTTE Julia

Auteur de la fiche : Jeanne Vercheval-Vervoort

Julia PIROTTE

une photographe dans la Résistance

Julia est née en Pologne en 1907, dans une famille pauvre de Konskowola, une petite ville juive près de Lublin, à 150km de Varsovie. Elle est l’aînée de trois enfants. A la mort de sa mère, elle a neuf ans. En 1926, le maréchal Pilsudski instaure une dictature qui se maintiendra jusqu’en 1939. Julia, son frère et sa soeur sont des militants actifs au sein du Parti Communiste. Ils seront poursuivis, emprisonnés (1). A 17 ans, Julia est condamnée à 4 ans de prison. Libérée, elle fuit la Pologne. Elle est recueillie en Belgique par le Secours Rouge. Elle fait des ménages pour vivre. En 1935, elle acquiert la nationalité belge en épousant Jean PIROTTE, un militant ouvrier. Julia travaille comme ouvrière. Elle écrit pour diverses revues des articles sur la condition ouvrière en général et plus particulièrement sur la condition de vie et de travail des mineurs polonais qu’elle est chargée d’organiser. Son charisme et sa détermination l’amènent à diriger des manifestations et meetings ouvriers et elle se retrouve au chômage ! Suzanne Spaak, qui avait apprécié son talent de journaliste, lui offre un Leica Elmar 3. Julia apprend le métier de photographe à Bruxelles et réalise son premier reportage dans les pays baltes, en Lituanie, Estonie et Lettonie pour l’agence de presse Foto Waro. Alors qu’elle travaille pour cette première mission photographique, la Pologne est envahie par les armées nazies. Elle réussit à revenir en Belgique mais, le 10 mai 1940, elle prend la route de l’exode, n’emportant dans son sac à dos que son Leica et son agrandisseur. Elle travaille quelques mois pour les usines d’armement à Marseille. Après l’installation du gouvernement de Vichy, elle survit en faisant des photographies sur les plages privées. Active dans la résistance dès les premiers jours de la guerre, elle devient reporter pour Dimanche illustré et peut ainsi accomplir son travail de photographe sans entrave. En même temps, elle sert la Résistance dont elle fait partie. Agent de liaison, elle transporte du matériel de propagande et des armes. Elle fabrique aussi les faux papiers nécessaires aux résistants vivant dans la clandestinité. Elle est de ceux qui, le 21 août 1944, prennent d’assaut la Préfecture, déclenchent le soulèvement de Marseille et sa libération. Les photographies de Julia PIROTTE constituent le témoignage le plus important à propos de la lutte des insurgés, de l’entrée des alliés à Marseille, puis des fêtes de la Libération. Après la guerre, elle continue pendant quelques mois à travailler pour plusieurs quotidiens : Combattre, La Marseillaise, Rouge Midi.

La vie de Julia a quelque chose d’épique. La guerre ne l’a pas épargnée. Elle y a perdu toute sa famille et nombre de ses amis. Mais elle a refusé la défaite. Elle connaissait le poids des mots et, plus encore, celui des images. Révolutionnaire, Julia met la photographie au service de la cause qu’elle défend. Son appareil photographique est une arme et elle le sait. Elle sait aussi qu’une photographie solidement construite est plus efficace. Elle n’hésite d’ailleurs pas à recadrer l’image pour la rendre plus dynamique. Pourtant, rejetant le formalisme, elle travaille surtout selon ses impulsions, selon son cœur, selon sa sensibilité sociale et politique. Le choix des sujets en est une preuve! A Marseille, ce seront les pauvres, les vieux, les femmes, et les enfants dont les conditions de vie difficiles l’émeuvent profondément. Ce seront les mineurs, à Gardanne. Après la guerre, impliquée dans la reconstruction de son pays natal, ce seront les travailleurs, les mouvements de jeunesse et les intellectuels. Fondamentalement, et de manière générale, les photographies de Julia PIROTTE ont un pouvoir narratif qui transmet un message immédiat, dénonce la pauvreté, la solitude, l’exploitation, la guerre, glorifiant la force et le courage des peuples. Elles sont aussi, et Julia en est consciente, une trace historique, témoignage personnel d’une expérience vécue. La fin de la guerre n’arrête pas son histoire. Elle photographie le rapatriement des exilés polonais. Elle rentre en Pologne en 1946. Elle découvre un pays en ruine où l’antisémitisme n’est pas mort. Ses photographies du massacre de Kielce, en 1946, en témoignent. Mais elle est revenue pour bâtir. Impliquée, elle photographie les travailleurs des grands chantiers, les mouvements de jeunesse, les congrès d’intellectuels où elle rencontre Picasso, Paul Eluard, Irène Joliot-Curie, Dominique Desanti et bien d’autres. Elle réalise ces photographies qui seront diffusées pour accréditer les thèses de Moscou dans le cadre de l’agence de presse photographique officielle Walf, qu’elle a créée. Elle accompagne la propagande, la même qui prône le stakhanovisme, celle qui accompagne aussi la campagne d’alphabétisation et la nécessaire reconstruction Comme journaliste, elle aura l’occasion d’aller en Israël visiter les kibboutz. Elle se rendra à plusieurs reprises dans les autres pays de l’Est. En 1990, Julia PIROTTE, qui vit à Varsovie, confiait au Musée de la Photographie à Charleroi l’ensemble de son œuvre.