Bertin Jean

Auteur de la fiche : Renaud Bertin

Jean Bertin

Né le 5 août 1909 à CHARMES (88), après des études au lycée POINCARE et à la faculté de droit de Nancy, il devient avocat stagiaire au barreau de cette ville puis s’installe en qualité d’avoué au 24, place de la carrière. Lors de l’entrée en guerre, il s’engage comme volontaire au 69 ème Régiment d’infanterie et de forteresse et combat avec son frère François grâce à un Décret du Président Albert LEBRUN (deux frères n’ayant normalement pas le droit de
combattre dans la même unité).

Fait prisonnier de guerre à GERBEVILLER avec son frère le 20 juin 1940 après avoir livré un combat sans merci à l’ennemi (2 citations), il fut envoyé au Stalag XII A à LIMBOURG en Rhénanie d’où il s’évade après s’être confectionné des papiers de rapatriés sanitaires grâce à de faux cachets officiels gravés dans des pommes de terre.
De retour à Nancy le 6 mars 1941, où il reprend ses activités d’avoué, il intègre dès le 9 mars 1941 le réseau clandestin de renseignement de la résistance intérieure Uranus Kleber, où, en tant qu’agent de renseignement P2, il facilite le passage de prisonniers de guerre évadés.
Début février 1942, il intègre le célèbre réseau des Forces Françaises Libres CND CASTILLE du Colonel REMY ; ses rapports militaires et économiques sur l’Alsace-Lorraine qu’il convoyait jusqu’à PARIS en se faisant parfois accompagner à la gare de Nancy dans la voiture et en compagnie du chef de la Kommandantur VON KROGH avec lequel il s’était lié d’amitié pour les besoins de ses missions, étaient très appréciés de LONDRES.
Le 10 mai 1943, sortant de l’actuelle Cour d’appel, il est averti par un confrère que des hommes de la Sicherheitsdienst Polizei et de la Gestapo sont en faction devant son étude du 24, place de la carrière. Il leur échappe et sera condamné à mort par contumace par le Tribunal militaire allemand de Nancy en juin 1943.

Il rejoint alors le maquis du Vercors du Colonel DUNOYER de SEGONZAG et tente à plusieurs reprises, mais en vain, de rejoindre LONDRES et ALGER avant qu’un émissaire du GENERAL DE GAULLE lui demande d’infiltrer pour le compte des Forces Françaises Libres un réseau de prisonniers de guerre composé d’anciens proches de VICHY dont François MITTERRAND et Jean VEDRINE.

Devenu l’un des trois dirigeants de ce mouvement dénommé MNPGD, il coordonne ses actions avec les autres mouvements de résistance dans toute la France.
Il est arrêté le 1 er juin 1944 au 44, Avenue Charles FLOQUET à PARIS par un gestapiste français dénommé DELVAL (amant de Marguerite DURAS) et ses hommes ; curieusement MITTERRAND qui a ouvert la porte ne sera pas arrêté et ne cessera de relater cet événement et de s’en justifier, en dernier lieu très longuement dans ses entretiens interrompus avecGeorges-Marc BENAMOU.

Emmené rue Lauriston, incarcéré à FRESNES, cruellement torturé (17 passage à la baignoire, cravache, orteils écrasés, brûlures) il tentera de se défenestrer à l’endroit même où Pierre BROSSOLETTE l’avait fait quelques jours plus tôt, mais des barreaux avaient été
installés dans l’intervalle.
Il est déporté au camp de BUCHENWALD le 17 août 1944 dans le dernier convoi parti de COMPIEGNE.

Il est envoyé en convoi disciplinaire par le futur ministre Marcel PAUL désigné à cette fin par l’administration du camp. En sabotant un convoi de marchandises il est grièvement blessé à la jambe. Evacué lors de la débâcle, il subit les marches de la mort durant plusieurs jours sur une centaine de kilomètres avant d’être libéré le 9 mai 1945 par l’armée soviétique ; 95 % de la caravane ont péri achevés d’une balle dans la tête puis chargés sur le camion qui les précédait.
Il s’échappe par ses propres moyens et arrive en gare de Nancy le 26 mai 1945 ; il pesait alors 39 Kgs pour un mètre 75.

Il est nommé quelques semaines plus tard 1 er Président National de la Fédération Nationale des Prisonniers de Guerre devenue FNCPG-CATM, membre fondateur des Combattants Volontaires de le Résistance (CVR) et de la Fédération Nationale des Déportés Internés de la Résistance.

En 1946, il part en mission spéciale en Autriche en qualité de capitaine du service de renseignement militaire Français rattaché à la sureté nationale à INNSBRUK pour sauver de l’épuration ses amis alpinistes autrichiens.

Il est désigné membre de la délégation française au Procès de NUREMBERG.

Il revient enfin à Nancy pour reprendre son métier d’avoué et devient conseiller Municipal (président de la commission du théâtre), avant d’intégrer la Magistrature grâce à l’intervention
de son ami Pierre-Henri TEITGEN ancien garde des sceaux.

Il était titulaire de nombreuses distinctions :
Croix de Guerre 1939-1945, 4 citations (2 étoiles et 2 palmes)
Médaille de la Résistance avec rosette
Médaille des déportés de la résistance
Médaille des forces françaises libres
Médaille des Combattants Volontaires de la Résistance

Fait Commandeur de la Légion d’honneur dans la Cour des invalides en 1956 au titre de la Défense Nationale en qualité de Commandant des Forces Françaises Combattantes, résistant, déporté ; il devait être promu Grand-officier lorsqu’il est décédé subitement d’une embolie pulmonaire à son domicile le 13 avril 1974 ; dans les heures qui ont suivi, les services de renseignements sont venus récupérer chez lui une valise de documents dont ils connaissaient l’emplacement.