Jubin François

F.F.I.

Auteur de la fiche : Françoise JUBIN (sa fille)

François Jubin

François Jubin est né à Cahors le 16 juin 1916. Sur les traces de son père, médecin du Corps de Santé colonial, il entreprend des études de médecine à l’école annexe de Toulon et présente le concours de l’Ecole centrale de Santé Navale de Bordeaux qu’il intègre en 1938.

En Mars 1940, étudiant en 3ème année de médecine, il est affecté à la Base Aéro Navale de Boulogne-sur-Mer comme médecin auxiliaire dans une unité de fusiliers marins. Le 15 mai, les blindés allemands envahissent le nord de la France après avoir traversé la Hollande et la Belgique sans coup férir. Les troupes alliées sont encerclées, dos à la mer.

Le mot d’ordre pour les troupes présentes à Boulogne est de tenir le plus longtemps possible afin de permettre au corps expéditionnaire britannique de regagner l’Angleterre à partir du port de Dunkerque. Au-delà de son rôle de médecin qui l’amène à parcourir la ville sous le feu ennemi afin de porter secours aux blessés, François Jubin participe activement aux combats de rue, dernier sursaut dans un combat sans espoir. Faute d’armes, de munitions et de soutien aérien, la place de Boulogne capitule de 25 mai.

Blessé en combattant, il est fait prisonnier et emmené à travers la Belgique et la Hollande à destination d’un camp de prisonnier en Allemagne. Il s’évade et fait à pied et de nuit le chemin inverse pour rejoindre Boulogne-sur-Mer, aux mains des allemands. En ce mois de juillet 1940, après la capitulation de la France, des marins français, encore cachés dans la ville, lui procurent vêtements et faux papiers qui lui permettent de traverser le pays en direction de la zone libre.

Il a pour objectif de rejoindre l’Angleterre en passant par l’Espagne afin de poursuivre le combat. Mais soutien de famille depuis le décès prématuré de son père, il se laisse convaincre par sa famille de renoncer à son projet et de terminer ses études. Il rejoint l’Ecole de Santé Navale repliée en zone libre, à Montpellier, où il poursuit son cursus médical et se marie.

Sa conduite courageuse au combat lui vaut d’être cité à l’ordre du Corps d’Armée, puis à l’ordre de la Division avec attribution de la Croix de guerre. Le 7 juin 1941, la médaille militaire lui est décernée.

Après les évènements de la fin de l’année 1942, il ne peut accepter la soumission à l’ennemi de ce qu’il reste de l’armée française. Il veut rejoindre les Forces Française Libres d’Afrique du Nord et tente en vain d’embarquer sur un sous-marin. Puis la place qui lui était réservée dans un avion est finalement donnée à un officier supérieur. Il démissionne de la Marine, passe sa thèse en qualité de civil et s’installe comme médecin généraliste à Lauzès, petit village du Lot, sa région natale où il rejoint le mouvement de résistance de l’armée (ORA). Il recrute des hommes, dont de nombreux réfugiés espagnols. Il est connu des résistants sous le pseudonyme de Jupiter. Il mène de front les soins aux habitants de la région et ses activités clandestines, mettant à profit le laisser-passer et les bons d’essence que lui valent sa qualité de médecin.

Au printemps 1944, dans le cadre de la réorganisation des maquis et de la reconnaissance des Forces Françaises de l’Intérieur, il est intégré aux effectifs des  F.T.P.F. au sein du 23ème bataillon du Lot (5ème région militaire) avec le grade de Capitaine des FFI. Fin avril 1944, de nuit, au cours d’un transport d’armes, il se fracture le bras et doit être hospitalisé à Cahors sous un faux nom.

L’étau se resserre. Le 11 mai, le premier bataillon du régiment Der Führer, l’un des trois régiments composant la Division Das Reich, remonte vers le Nord-Ouest du département du Lot – la division a reçu l’ordre d’inspecter les voies ferroviaires et les routes en vue d’un mouvement vers le Nord – . Dans les villages traversés, les allemands procèdent à de nombreuses arrestations et exécutent des civils pour les motifs les plus futiles. Lorsqu’ils approchent de Lauzès, le Docteur Jubin est chez lui. Prévenu par un voisin, il est trop tard pour fuir avec sa femme enceinte de près de 9 mois et sa fille de deux ans. Il sait qu’il est recherché par la Gestapo, qui ne connait peut-être pas encore sa véritable identité. Mais son arrestation aurait des répercussions terribles pour sa famille ainsi que pour son voisinage. Il faut donc qu’il se cache. C’est dans une porcherie voisine qu’il se réfugie après en avoir chassé les cochons qui divaguent dans les rues du village, ce qui ne semble pas alerter les soldats allemands qui les repoussent à grands coups de bottes. Un malheureux habitant aura moins de chance. Voulant calmer son chien qui aboie au nez des soldats, il l’appelle par son nom « Marquis ». Les allemands comprenant « Maquis » abattent le pauvre homme d’une rafale de mitraillette. Une mère et sa fille sont également tuées sans que l’on sache pourquoi.

François Jubin doit avant tout mettre sa famille en lieu sûr. Il confie sa femme et sa fille à son ami François Fejtö[1] qui vit clandestinement dans la région. Lui aussi a quitté la région de Lauzès pour le village de Nabirat, près de Gourdon. C’est à Gourdon que nait la deuxième fille de François Jubin quelques heures avant le début du débarquement allié. François est retenu par les opérations de sabotage qui accompagnent dans tout le pays les évènements de Normandie.

Le 28 juin 1944, alors qu’il revient d’opération en uniforme, et ignorant que les allemands avaient investi la ville de Gourdon, il se trouve à découvert face à un barrage de véhicules blindés, à l’entrée de la ville. Abandonnant sa voiture, il tente de s’échapper à travers champs. Les soldats allemands le poursuivent et l’abattent d’une rafale de mitraillette. Compte tenu de la confusion qui règne dans la ville, ce n’est que 3 jours plus tard que son corps est retrouvé par des habitants.

Ce 28 juin plusieurs personnes sont abattues et le lendemain 22 otages sont fusillés par les allemands.

François Jubin venait d’avoir 28 ans, il n’avait pu qu’une seule fois prendre son bébé dans ses bras.

« Tenant compte des raisons morales qui l’ont déterminé à quitter la Marine, et en considération de son attitude patriotique », il est réintégré rétroactivement dans la Marine comme médecin d’active. et en mars 1948, il est promu au grade de Médecin de 1ère classe, rétroactivement, à compter du 1er juin 1944.

Le 17 mai 1946, il reçoit la Médaille de la Résistance à titre posthume. Enfin, le 8 Août 1949, place Thiers à Cahors, le Colonel Pommiès, chef de l’illustre Corps Franc de la Résistance qui porte son nom, remet à la fille ainée de François Jubin, âgée de 7 ans, la Croix de la Légion d’Honneur décernée à son père.

La promotion 1974 de l’Ecole de Santé Navale porte le nom de François Jubin.

Sources :

— documents familiaux et témoignages

— SHD Vincennes : dossier individuel François Jubin et dossiers concernant la Résistance

— documents émanant des autorités militaires

— archives de l’Ecole de Santé Navale

— coupures de presse

[1] journaliste et historien français d’origine hongroise. S’exile en France en 1938 pour fuir le régime fascisant de Horthy